|
BIOGRAPHIE
chronologique
par Bruno Blum
|
|
War
"Wire" Lindo, trop jeune, doit être remplacé
par Tyrone Downie. Le musicien de studio Earl "Chinna
" Smith (guitare) participe à Rastaman Vibration,
qui se vend même aux Etats-Unis (numéro 10) en 1976.
Il contient des morceaux inoubliables comme Positive Vibration, Roots
Rock Reggae où il clame son amour de la musique, une reprise
de son Cry to Me,Who the Cap Fit (alias Man to Man), Rat
Race, Crazy Baldhead (ces "fous chauves", les "baldheads"
sans nattes, donc en principe non-rastas).
On y trouve aussi le sublime War, dont le texte est extrait d'une
vibrante intervention sur le racisme et les droits de l'homme, prononcée
par Haïlé Sélassié Ier aux Nations-Unies,
qu'il a participé à fonder.
"Tant que la philosophie qui considère
qu'une race est supérieure et une autre inférieure ne
sera pas finalement et en permanence discréditée et abandonnée;
tant qu'il y aura des citoyens de première et de seconde classe
dans une nation; tant que la couleur de la peau d'un homme aura plus
de signification que celle de ses yeux; tant que les droits de l'homme
de base ne seront pas garantis également pour chacun, sans distinction
de race; tant que ce jour ne sera pas arrivé, le rêve d'une
paix durable, d'une citoyenneté mondiale et le règne de
la moralité internationale ne resteront que des illusions fugitives,
poursuivies mais jamais atteintes."
En
occident, Sélassié est de plus en plus calomnié
par la presse qui voit en lui un tyran responsable d'une famine qui
décime son peuple.
Considéré jusque-là comme le digne équivalent
de Nelson Mandela à son époque, le défunt devient
un bouc émissaire. La réalité historique est toute
autre et Bob Marley chantera bientôt qu'on ne peut pas arrêter
le temps, qui dévoilera la vérité.
Le contenu du message rasta est souvent mal compris dans les pays non
anglophones, mais le mystère et les images qui l'entoure fascinent
le public qui retient surtout des rastas qu'ils fument beaucoup de chanvre,
avant tout un symbole de non-conformisme ("cette pochette de disque
est parfaite pour séparer les graines de l'herbe" -album
Rastaman Vibration). Bob Marley est sera de plus en plus considéré
comme la voix des défavorisés, des déracinés
du monde entier. Jusque là, les vedettes auxquelles s'identifiaient
les gens issus d'un milieu modeste étaient monnaie courante.
Mais cette fois, le développement des médias, le marketing
d'Island et le talent de Bob Marley rendent peu à peu le phénomène
mondial. La presse rock, convaincue par son talent, son attitude contestataire
et l'essence soul de sa musique considère Marley comme faisant
partie de leur culture pop, contrairement à d'autres artistes
"du tiers monde" pourtant de même nature. Les médias
nationaux s' emparent de plus en plus de la nouvelle idole. L'identification
étant l'essence de la musique populaire, à l'époque
du choc pétrolier de la crise économique naissante, qui
met fin aux trente "glorieuses" de l'économie capitaliste
et dévoile les premiers développements du chômage,
Bob Marley commence à conquérir toutes les couches de
la société, et ce sur tous les continents.
Pourtant, malgré un quota de talents locaux et actifs très
au-dessus de la moyenne, aucun autre artiste jamaïcain ne parvient
à percer de façon conséquente. Début décembre
1976, en pleine campagne électorale aux allures de guerre civile,
neuf tueurs entrent chez Bob à Kingston.
Ces hommes de main sont employés par des gangs manipulés
par l'opposant au gouvernement de gauche de Michael Manley.
Soutenu par la CIA, Edward Seaga cherche à prendre le pouvoir,
mais la violence n'empêchera pas Manley d'être réélu.
Les meurtriers tentent d'assassiner Bob Marley, sa femme, et leur nouvel
imprésario Don Taylor, atteint de six balles (il survivra). Rita
est blessée, Bob est touché au bras et au torse.
Résolus à ne pas céder à l'intimidation,
Marley et les Wailers jouent tout de même deux jours après
comme prévu (avec des bandages, et Cat Coore de Third World à
la basse) au concert géant Smile Jamaica du Heroes National park
devant 80.000 personnes, puis s'exilent à Londres.
|
Journaliste
:
"Bob, comment avez vous commencé à chanter?"
Bob Marley :
"J'ai commencé... en pleurant. Ouais, c'est comme ça
que j'ai commencé." (1973) |
SOMMAIRE
INTERVIEWS
BUJU
BANTON
IJAHMAN
STONE LOVE
MIKEY DREAD
NZH
FOUTA
DOSSIERS
NEWS
CHARTS
NOUVEAUTES
REASONING
- Forums
- Chatroom
- SMS Gratuit
- votre
mail@jahmusik.net
CONTACTS
- Pro
- Lecteurs
|
Exodus
Bob emménage alors avec la Jamaïcaine blanche Cindy Breakespeare,
Miss Monde 1976, avec qui il aura un fils. Les paparazzi anglais les
pourchassent.
En
1977 Julian "Junior" Marvin, un guitariste anglo-américain
d'origine jamaïcaine, est incorporé au groupe qui passe
plus d'un an à Londres, en pleine explosion punk.
Bob Marley & the Wailers jouent en Europe, et enregistrent beaucoup
à Londres, aux studios de Basing Street. L'album Exodus, sur
le thème du rapatriement des Noirs en Afrique, reçoit
la consécration du public. Il contient d'énormes succès
comme Natural Mystic, So Much Things To Say, Exodus, One Love en
medley avec People Get Ready (de Curtis Mayfield) et ses tubes internationaux
Jamming et Waiting In Vain.
On remarque un grand nombre de chansons d'amour à un moment où
il est très amoureux de sa compagne Cindy. Au printemps, c'est
sans doute la plus grosse tournée reggae de l'histoire qui embarque.
Bob est un footballeur de niveau professionnel, et il joue sans arrêt
avec son entourage. Un de ses meilleurs amis, Alan "Skill"
Cole, est l'ancien avant-centre de l'équipe de Jamaïque.
|
A
Paris, en mai, à la suite d'un accident lors d'un match amical
Wailers-monde du spectacle, un docteur diagnostique une tumeur et recommande
l'amputation du gros orteil droit de Bob. Les six concerts du Rainbow
de Londres sont filmés, et Bob Marley ne subit que très
tardivement l'ablation partielle de son orteil.
La fin de la tournée est annulée pour lui permettre de
soigner son pied douloureux. Des millions de Jamaïcains vivent
en grande-Bretagne depuis l'indépendance de leur île en
1962, et les punks anglais ont adopté le reggae. Bob enregistre
ensuite Punky Reggae Party (sur des paroles de Lee "Scratch"
Perry, qui réalise la séance) où il cite les groupes
de rock Jam, le Clash, les Damned et Doctor Feelgood. En 1978 c'est
l'excellent album Kaya, souvent mal accueilli à l'époque
par la critique, qui trouve Marley plus commercial et moins révolutionnaire
depuis qu'on lui a tiré dessus.
|
accident match Paris, 09/05/77, Phonogram
|
On
y trouve cependant au moins quatre gros succès : Easy Skanking,
Is this love, Satisfy My Soul (anciennement Don't Rock My Boat) et le
spirituel Running Away. Le 22 avril 1978, Bob Marley rentre triomphalement
dans son pays pour le One Love Peace Concert où il parvient à
réunir sur scène les opposants politiques Seaga (dont
les hommes de main avaient essayé de le tuer) et Manley, deux
ennemis jurés.
C'est le plus beau jour de sa vie.
Il essaie de rapprocher les deux factions armées de l'île
en s'entourant constamment de leurs deux chefs gun men, leur offre des
cadeaux et qui, sous son aura, en viennent à sympathiser.
Le jour, Bob distribue de l'argent à ceux qui en ont besoin.
La queue est souvent longue devant sa maison. Il dépense ainsi
des millions de dollars en liquide. Quand il n'a plus d'argent, il se
promène avec ses poches retournées dépassant de
son pantalon.
Bob Marley est décoré de la médaille de la paix
des Nations Unies. La vidéo Live at the Rainbow sort dans le
commerce. Ses choristes, le I Three, enregistrent le disque Aux armes
et cætera avec Serge Gainsbourg à Kingston.
Le
26 juin, le double Babylon by Bus est enregistré en concert au
Pavillon de Paris (et pas ailleurs : les crédits de pochettes
sont erronés). A cette occasion Bob encourage l'exubérant
soliste Junior à jouer très en avant alors qu'habituellement,
il doit se retenir, ce qui donne une couleur rock au disque.
A la fin de l'année après plusieurs tentatives d'obtenir
un visa, Bob visite enfin la communauté éthiopienne des
rastas "revenus au pays" à Shashemane sur une terre
offerte par feu Sélassié dans une Ethiopie dévastée
par la révolution.
Mais les rastas sont trop peu pour qu'il y construise le studio prévu.
Le 21 juillet 1979, Cindy Breakspeare, que Bob aime tendrement, met
au monde Damian Marley, qui deviendra, lui encore, chanteur.
Al Anderson et "Wire" Lindo s'ajoutent au groupe. Après
un dernier chef d'uvre, Survival en 1979, le déclin physique
(mais pas musical) commence en pleine tournée mondiale, qui passe
par la Nouvelle Zélande, l'Australie, le Japon.
Survival est un disque sophistiqué où différentes
influences se font sentir. Il contient des classiques comme So Much
Trouble In the World, Africa Unite, Ambush In the Night, qui fait allusion
à la tentative de meurtre dont il a fait l'objet, et Zimbabwe
(écrit en Ethiopie) en référence au pays dont s'annoncera
bientôt l'indépendance.
Aux Etats-Unis à Boston il chante au stade de Harvard afin de
réunir des fonds pour les combattants de la liberté africains,
et prononce un discours pour la légalisation du chanvre, l'unification
de l'humanité et la reconnaissance de l'identité divine
de Haïlé Sélassié, le Ras Tafari descendant
du roi Salomon.
Zimbabwe
En 1980 Bob Marley accomplit son rêve de jouer en Afrique, invité
officiel au Gabon en janvier (où il découvre que son manager
Don Taylor l'escroque) et le 17 avril à la cérémonie
d'indépendance du Zimbabwe, dernier pays africain à obtenir
l'indépendance.
Il dépense personnellement deux cent cinquante mille dollars
pour déplacer son groupe sur place.
En plein concert, sous la pression de milliers de spectateurs restés
dehors, la barrière cède.
Les invités officiels s'éparpillent. Les gaz lacrymogènes
dispersent la foule, et le groupe, qui rejoue le lendemain. En été,
une tournée européenne lance l'album Uprising, encensé
par la presse. Le disque contient encore de nombreux titres très
forts, comme Zion Train, sur le paradis terrestre de Sion, Pimper's
Paradise, sur les jolies écervelées qui risquent de devenir
des victimes, Forever Loving Jah, Coming In From the Cold, et surtout
Could You Be Loved au tempo rapide et au rythme plus américain,
qui s'annonce enfin comme le morceau capable d'ouvrir définitivement
le marché des Etats-Unis.
Mais s'il est vrai que titre restera son plus gros succès américain,
Bob n'aura pas le temps d'en effectuer la promotion.
En
septembre il joue au Madison Square Garden de New-York en premier partie
des Commodores, bien décidé à s'imposer en Amérique,
un succès crucial pour lui, mais qui lui a toujours échappé.
Le lendemain il s'effondre pendant son exercice de course à pied
quotidien à Central park. On lui annonce que son mélanome
s'est étendu aux poumons et au cerveau, et qu'il n'a plus que
quelques semaines à vivre. Il garde le secret pour que sa famille
le laisse jouer un dernier concert le 23 septembre à Pittsburgh,
où il termine avec une émouvante version de Redemption
Song, une chanson lourde de sens aux allures de testament musical, qui
clôt à la guitare sèche son ultime album : "Pendant
combien de temps vont-ils tuer nos prophètes, tandis que nous
restons là à regarder ?".
Débordé, sous la pression du succès -sans doute
mal conseillé- il ne s'était pas soigné correctement
à temps, d'où le développement de son mélanome.
Il part alors pour l'Allemagne où un ancien docteur nazi, le
docteur Issels, le maintient en vie au prix de grandes souffrances.
Début mai, tout espoir est abandonné et décharné,
rasé, il retrouve sa mère à Miami.
Il meurt entouré de ses enfants. Son dernier mot est pour son
fils Ziggy : "l'argent ne fait pas la vie."
|
Time
Will Tell
Le monde est sous le choc.
Partout, sa musique retentit.
En Angleterre, le lugubre Redemption Song hante déjà les
juke-boxes de tous les pubs, et toutes les radios diffusent sa musique
alors que la France acclame François Mitterrand, élu la
veille au soir.
En Jamaïque, le parlement suspend ses séances pendant dix
jours. L'éloge funèbre des funérailles nationales
est prononcé par le premier ministre de droite, Edward Seaga,
récemment élu, qu'il détestait. La cérémonie
est organisée par des prêtres orthodoxes éthiopiens,
l'antique religion chrétienne de la dynastie salomonique de Haïlé
Sélassié.
Alan Cole, l'ami de Bob, rappelle au public les convictions rastafariennes
de Marley et rejette politiciens et cérémonie chrétienne
dans un discours de défiance. Sur des dizaines de kilomètres,
le convoi qui traverse l'île jusqu'à son village natal
est entouré par une foule immense.
Robert Nesta Marley repose dans un mausolée au sommet de la colline
de Nine Mile qui l'a vu naître, avec au doigt l'antique bague
de famille que lui offrit le premier fils et héritier de Sélassié,
Asfa Wassen, à Londres en 1977. Il ne l'avait jamais quittée
depuis (voir la pochette de la compilation Legend).
Quelques semaines plus tard Yvette Crichton met au monde Makeda Jahnesta
Marley, sa dernière fille.
L'anniversaire de son décès devient un jour férié
en Jamaïque, où plusieurs timbres seront créés
à son effigie. Il laisse douze ou treize enfants d'une dizaine
de femmes différentes, des dizaines de millions de dollars, mais
pas de testament. La maison des quartiers chics qu'il avait racheté
à Chris Blackwell au 56 Hope road devient le musée Bob
Marley.
|
|
En
1981 la compilation Chances Are (WEA) présente des enregistrements
de 1968 et 1971 retravaillés et remixés sans le concours
de Marley, avec un résultat très critiqué. En 1983
sort la compilation d'inédits Confrontation (Island) contenant
un nouveau succès mondial, Buffalo Soldier. Ce morceau
rappelle que les premiers bataillons noirs de la cavalerie américaine
étaient des guerriers entraînés à tuer les
redoutables Indiens, qui prenaient ces "dreadlock rastas"
à la peau noire pour des bisons, des "buffalos" réincarnés
réputés invincibles.
En 1983 une partie des excellentes bandes originales de Danny Sims de
1968 sortent sous des titres différents dans chaque pays. En
Angleterre l'album s'appelle Jamaican Storm (Bellaphon) mais passe inaperçu.
La compilation Legend (Island) sortie en 1984 deviendra une des plus
grosses ventes de tous les temps. Une vidéo du même nom
contenant tous les clips vidéo du disque sort aussi. Petit à
petit, les masses africaines adoptent Marley, qu'elles découvrent
souvent seulement après sa mort.
En 1985, l'album Bob, Peter, Bunny & Rita (Jamaica) est lancé
par Danny Sims. Il contient des titres de 1967-1971 retravaillés
après sa mort mais la piètre qualité de la musique
ajoutée par Joe Venneri aux enregistrements de voix n'a aucun
succès, et le disque disparaît. En 1986, la vidéo
documentaire Carribean Nights contenant beaucoup d'extraits de concerts
est mise en vente. En 1988, Danny Sims essaye à nouveau d'enrober
les voix des Wailers (Bob Marley, Urban-Tek) avec des arrangements plus
électroniques cette fois mais n'a pas plus de succès que
la tentative précédente.
Les disques sortis chez Island se vendent en revanche de plus en plus
chaque année, comme le splendide coffret 4 CD regorgeant d'inédits,
en édition limitée à un million, Songs Of Freedom
(1992), vite épuisé.
En 1991, d'introuvables et somptueux enregistrements soul et ska des
débuts chez Studio One sortent sur le CD One Love (Heartbeat/Média
7) et le film documentaire Time Will Tell sort au cinéma et en
vidéo.
En 1996, le CD Soul Almighty-The Formative Years Vol. I (JAD/Pense à
Moi/EMI) propose des enregistrements entièrement retravaillés,
toujours par Joe Venneri et Arthur Jenkins, autour de voix datant de
1967-1971.
Cette fois le résultat est un peu plus convaincant, et le disque
a un certain succès malgré un tollé de la presse.
Plusieurs enfants de Bob y participent. Un intéressant CD ROM
signé Roger Steffens est inclus sur l'album audio.
En 1997 et 1998, les enregistrements originaux de l'essentielle période
d'avant Island sortent enfin entièrement restaurés sur
la série des Complete Bob Marley & the Wailers 1967 to 1972.
Mais
l'empoignade juridique pour l'héritage n'en finit pas.
Bunny Wailer et Rita Marley (qui a hérité de tout) se
disputent les disques Tuff Gong.
Les premiers enfants de Bob, Ziggy Marley & the Melody Makers, perpétuent
sa mémoire avec dignité et succès : en 1986, leur
Tumblin' Down est une grosse vente aux Etats-Unis.
En 1997, Stephen Marley chante No Woman No Cry avec le groupe de rap
les Fugees, une énorme vente mondiale alors que ses demi-frères
Julian et Damian (sous le nom de Junior Gong) lancent chacun leur premier
disque et partent en tournée.
En 1999, un album de hip hop avec les plus grandes vedettes du moment,
dont Lauryn Hill, présente des duos basés sur des prises
inédites des morceaux de Bob Marley. Le projet est organisé
par Stephen Marley, qui interprète un duo avec son père.
Bob Marley a fait découvrir au monde le reggae, une riche, créative
et originale forme de rhythm and blues qui a considérablement
influencé la musique populaire occidentale, et ce bien plus qu'il
est généralement admis (remix, rap et basses proéminentes
notamment viennent directement du reggae). Mais au delà du reggae,
sa musique a touché tous les publics, transcendant les genres,
comme en témoigne un large culte, encore en pleine expansion
dans le monde entier à la fin du vingtième siècle.
Pourtant la dimension de Marley est infiniment plus importante que celle
d'un simple chanteur populaire. Cherchant à l'origine la dignité
pour son peuple bafoué par des siècles d'esclavage (Redemption
Song, Slave Driver) et d'oppression économique, il incarne bientôt
l'éveil de l'humanité entière à une révolution
pacifique contre un oppresseur qu'il décrit païen, capitaliste,
corrompu, raciste et hypocrite à la fois. Avec une authenticité
et une force inégalée depuis, il a su envers et contre
tout conquérir le monde en un temps record avec cette identité.
Il est devenu un des grands symboles universels de la contestation,
supplantant bien souvent dans l'inconscient collectif des masses des
combattants politisés du type de Che Guevara (la proche révolution
cubaine l'a d'ailleurs beaucoup marqué), Malcolm X, Marcus Garvey,
Léon Trotsky, Nelson Mandela ou Thomas Sankara.
Pour certains, son message d'abord spirituel, culturel, et enrobé
d'un prosélytisme à consommer du chanvre indien détourne
les masses qui lui sont acquises d'une action plus pragmatique, et ne
les incite pas toujours suffisamment à s'organiser comme ils
pourraient le faire pour mieux défendre leurs droits. Quoi qu'il
en soit, miroir de l'esprit rebelle des peuples opprimés, héros,
exemple et modèle à la fois, Marley est considéré
par plusieurs générations déjà comme le
porte-parole défunt mais privilégié des défavorisés.
Il
est avant tout le premier musicien auteur compositeur interprète
à incarner et assumer pleinement cette identité de porte-parole
contestataire et symbolique à une échelle mondiale, un
statut que d'autres comme James Brown, Bob Dylan ou John Lennon ont
approché mais n'ont jamais totalement obtenu ou accepté
pour diverses raisons.
Avec dans son message l'essentiel ingrédient spirituel et culturel
rasta, Bob Marley a été plus loin encore que la protestation
d'ordre social en dénonçant avec raison et insistance
la falsification et l'omission de toute 'histoire africaine par les
religions occidentales et les historiens colonialistes (Zion Train).
Marley confronte l'humanité à une approche de l'histoire
jusque là essentiellement ignorée, puis de plus en plus
largement admise, étudiée, et reprise.
Son approche théologique rastafarienne, relayée par sa
célébrité, fait de Marley l'objet d'un grand nombre
de réflexions de nature hagiographique.
Beaucoup voient dorénavant en lui une sorte de premier prophète
multimédia, le fils d'un Blanc et d'une Noire, signe d'un métissage
planétaire unificateur dont l'avenir dépend en bonne partie
d'une meilleure connaissance du passé.
Comme l'écrivait le New-York Times de façon peut-être
aussi ironique que prophétique quinze ans après sa disparition,
"en 2096, quand l'ancien tiers-monde occupera et colonisera les
anciennes super-puissances, Bob Marley sera commémoré
comme un saint."
Bruno
Blum
|
©Jahmusik
2001/2002 - all right reserved mangeur de cigogne |