Cela
fait 14 ans que PETER TOSH nous a quitté, à l'âge
de 43 ans, assassiné chez lui, à Kingston.
Membre du trio fondateur des Wailers avec Bob Marley et Bunny Livingston,
Tosh alait devenir une légende du reggae, et même un de ses
pilliers, avec sa guitare, sa voix, et ses textes.
De son vrai nom Winston Hubert MacIntosh, il est né à
Grange Hill dans le Westmorland, le 19 octobre 1944, de Alvera Coke et de
James MacIntosh.
Il a grandi à la campagne et a connu la vie de ferme dans une région
paisible, riche en canne à sucre et en plantes médicinales.
Son père n'étant pas souvent à la maison, et sa mère
n'étant qu'une très jeune femme, Peter est périodiquement
élevé par sa tante dans la ville côtière de Savana
La Mar.
Issu d'une famille très pauvre, le jeune winston Hubert arrêta
l'école après l'enseignement primaire ; vers l'âge de
10 ans, personne dans sa famille n'est en mesure de lui assurer une éducation
décente et il devient un gamin des rues, souvent livré
à lui-même.
Baladé de maison en maison et surtout élevé au sein
d'une famille instable, Peter Tosh, dès sa prime adolescence, s'empare
de la musique pour exprimer son mécontentement.
C 'est à l'église, comme
beaucoup de ses contemporains, qu'il rencontre la musique ; il y
apprend le piano, et chante à la chorale, et
rapidement il s'illustre comme un garçon plein de talents.
Très attiré par le son de la guitare, Peter se
fabrique son premier instrument avec un boût de bois,
une boite de fer blanc et du fil de nylon sans savoir que la guitare
deviendrait partie de lui même, une de ses armes.
En 1960, son père abandonne
définitivement le foyer, il ne le reverra plus. D'abord hébergé
par une soeur de Alvera, il est alors obligé de partir avec
sa mère, direction la capitale, Kingston. C'est à
West Street qu'ils débarquent, chez un oncle.
Peter a 16 ans, c'est un grand gaillard, et pour ne pas sombrer
dans la rue, c'est vers l'église que sa famille le dirige.
Il n'est pas bien ami avec la religion mais il s'y rend volontier,
et ce n'est pas pour écouter les "bonnes paroles"
, mais pour avoir accès à la guitare que le pasteur
lui confie de temps en temps.
Rapidement livré à lui même, c'est dans le ghetto,
à Denhamtown que Tosh s'établit, avec comme
seul objet : sa guitare ; il vit de petits business, et chante dans
la rue ; il côtoie les rude boys qui le respèctent
pour sa taille impressionante et pour son arrogance.
En ce début des années
60, c'est la période des indépendances dans le monde,
l'époque du Black Power aussi, le Blues et la soul des USA
influencent énormément les jeunes jamaïcains,
mais une nouvelle musique cohéxiste, elle est locale, c'est
le ska, très vite adopté par les rudies, car il
véhicule des messages de rebellion et pousse à la
reflexion.
En 1962, comme tous les aspirants musiciens de sa génération,
Tosh atterit chez Joe Higgs, attiré par cette mythique
école de musique dans le ghetto, et ce professeur. C'est
là qu'il rencontrera Bob Marley et Bunny Livingston,
c'est là aussi que se dessinera une page de l'histoire du
reggae.
Sous l'impulsion de Higgs, Peter, Bob et Bunny marient leurs timbres
de voix si distincts ; le plus célèbre trio vocal
jamaîcain était en train de naître. Rapidement
ils deviennent amis, Peter apprend la guitare à Marley, et
ils décident de monter un groupre. Ils forment alors "the
Wailing Rudeboys" puis "The Wailing Wailers"
et enfin "The Wailers".
A cette époque, ils ne sont pas encore le trio que l'on connait,
mais plutôt une bande d'amis dont le chanteur principal était
Junior Braithwaite. Joe
Higgs a tout appri, a Peter, Bunny et Bob au niveau musical, mais
c'est aussi lui qui a forgé leur esprit rebel dans leur compositions.
Un autre homme aura une importance notoire sur le groupe, leur maître
de rythme, qui sera aussi leur maître spirituel, Alvin
Patterson aka Seeco.
De
STUDIO ONE à ISLAND
Aux Etats-unis et en Angleterre, des
jeunes blancs se sont accaparés le Blues ; ce sont les Rolling
Stones, Bob Dylan, les Beatles, ils allaient chevaucher
la vague de la musique "engagée".
En Jamaïque, la crise économique fait rage, le mouvement
rasta commence a prendre une ampleur considérable chez les
rudies, et la contestation est à son apogée.
Maître de tambour Nyabinghi, Alvin Seeco Patterson est
également musicien professionnel et a joué avec de
nombreux groupe de Mento et de Calypso ; depuis plusieurs années
il entretient donc de bonnes relations dans le milieu de la musique
à Kingston. C'est lui qui présentera les Wailers à
Coxsone Dodd.
C'est un jour d'août 1963 que Higgs et Seeco emmènent
les Wailers auditionner chez Clément Coxsone Dodd, le propriétaire
du Sound System Sir Coxone Downbeat, qui venait de monter
son studio : le Studio One, c'est là que les trois
jeunes apprendront plus tard à vivre de la musique.
Après l'audition des 1er morceaux, Dodd ne semblait pas emballé
et conseille aux jeunes de revenir, mais c'est Peter Tosh, qui déterminé
poussa le producteur et ses amis à tenter une nouvelle chanson
: "Simmer Down", c'était le message
d'une jeune jamaïcain, aux autres jeunes jamaïcains, avec
les mots, les symboles qui étaient les leurs. Coxsone séduit,
signa de suite les Wailers, qui deviendront quelques mois plus tard
n°1 des charts avec ce titre, et bientôt l'emblême
d'une jeunesse.
Entre 1963 et 1966, les Wailers travailleront pour Coxsone Dodd
; en solo, Peter enregistrera des titres fabuleux comme "Can't
you see" ou "Shame on scandal" pour Coxsone,
"Maga Dog" et "Leave my business",
pour Joe Gibbs à la même période.
En 1966, les Wailers se séparent
de Coxsone et créent leur label Wailing Soul pour
s'auto-produire. Peter en solo, affirme de plus en plus son penchant
"engagé" dans des chansons comme "Funeral",
"Fire Fire", ou "Steping Razor".
En 1968, sous l'influence d'un producteur comme Lee Perry
qui a su faire rencontrer les Wailers et les Upsetters, le
rythme du rocksteady se ralenti pour devenir le reggae.
Entre 1966 et 1972, les Wailers enregistreront plus de 80 titres
avec des producteurs comme Perry, Danny Sims, Lesly Kong ou pour
eux même (Wailing Soul, Tuff Gong).
La recontre Lee Perry, Peter Tosh, donnera aussi en 1970 un superbe
"Rightful Ruller" sur lequel le godfather U
ROY fera sa première apparition.
En ce début des années
70, les Wailers sont très populaires et donc très
sollicités. Ils travaillent avec le producteur américain
Danny Sims, qui tente de les faire connaitre aux USA et en
Angleterre, où ils partiront pour une série de concerts.
Peter ne s'entendra jamais vraiment bien avec Sims, qui dès
le début voulait diviser les Wailers et garder Marley avec
lui.
Le climat commencera à se détériorer entre
les Wailers à partir du moment où ceux-ci furent promis
à un avenir international.
En octobre 1972, les Wailers signent un contrat avec Island Records.
Peter Tosh co-signe "Get up, Stand up" et interprète
"400 years" et "Stop that train" pour
les albums Catch a Fire et Burnin', puis, déçu
par le manque de revenu après la tournée qui donnera
Talking Blues, et certainement de la place grandissante que
prenait Marley dans les Wailers rebaptisé Bob Marley &
the Wailers, il décida de quitter le groupe fin 1973.
FREEDOM FIGHTER
Contrairement à ce que certaines rumeurs
peuvent dire, les relations entre Peter et Bob restèrent très
bonne ; plus qu'amis, ils étaient des frères, d'ailleurs
peu après leur séparation Tosh allait s'engager une fois
de plus, en produisant son mythique Legalise It avec la participation
de Bunny, des frères Barett, de Judi Mowatt et de Rita Marley.
Peter Tosh devait à présent vivre sa propre épopée
musicale.
Rastaman coléreux et arrogant, Tosh
a toujours eu une image de rudeboy qui lui collait à la peau ;
il était très mystique et réellement révolté,
ses chansons le transparaissent assez bien.
Grand militant des droits de l'homme, il réclamait avant tout la
justice, fait qui deviendra son cheval de bataille et qu'il chantera dans
Equal Rights :
" La paix est un diplôme qu'on vous délivre
à titre posthume au cimetière. Tout le monde réclame
la paix mais personne ne demande la justice. Je ne veux pas de cette paix,
car nous avons tous besoin des mêmes droits et de justice avant
tout"
Après Equal Rights, Peter arrète de travailler avec les musiciens
de Marley, et s'entoure de Sly & Robbie qui forment alors son
groupe officiel, le Word Sound & Power.
En 1977, il recontre Mike Jagger, chanteur des Rolling Stone, et
ils signent un duo ensemble, "Don't look back". Par la
suite Jagger produira l'album Bush Doctor (1978), et Tosh fera une
tournée avec les Stones.
En 1979, il atteind alors une stature internationale et signe un contrat
de production sur le label EMI.
Dans les albums qui suivent Bush Doctor (Mystic Man, Wanted dread and alive,
Mama Africa et Captured Live), Peter Tosh ne manque jamais de s'engager
pour ses thèmes favoris, mais ses albums soufrent du son Pop international
ambiant, malgré d'excellents titres.
Le Toughest, comme il était surnommé, jouera ses classiques
dans le monde entier, sur tous les continents.
Dans son dernier album Nuclear War, mieux réussi que les précédents,
Tosh dresse un portrait apocalyptique d'un monde que nous sommes peut être
en train de vivre.
PETER TOSH, LE MARTYRE.
Dès son plus jeune âge, Peter est blessé par la pauvreté
et par l'ambiance familiale résidente. Ces faits lui laisseront
des plaies profondes, et auront certainement contribué à
faire de Peter un être blessé determiné à conquérir
Babylone.
Mais Babylone pour Peter Tosh, c'est avant
tout le shistem comme il l'appelle, un système d'opression,
de violence et d'injustice.
Comme nous l'avons vu plus avant, c'est pour la justice que Tosh se sera
le plus engagé, parce qu'il a plus que souvent vécu l'injustice.
D'abord, par sa condition sociale, mais aussi raciale, d'être né
noir, descendant d'esclave, dans un système colonial qui ne se
sortira jamais de son indépendance.
Si on peut considérer qu'il a été un chanteur engagé,
on peu aussi penser qu'il a été persécuté
par le système qu'il dénonçait.
Bien sûr les rumeurs vont bon train
en Jamaïque et il est réellement difficile de savoir pourquoi
Peter Tosh a été aussi attaqué par le pouvoir politique.
Bien sûr cette image de badboy qui lui colle à la
peau n'a jamais rien facilité pour lui, ni son arrogance, au contraire,
elle dérangeait. Et de fil en aiguille, le cercle vicieux de la
haine emmena Peter vers un mépris total du sytème, il devenait
donc un véritable ennemi de celui-ci.
Dès son adolescence, quand il arrive à Kingston, Peter est
confronté à l'explosion de la criminalité, mais son
véritable ennemi c'est la police réputée être
très brutale, logique dans un système qui pense que seule
la représsion vaincra ses badboys.
Peter est alors arrêté et emprisonné de nombreuses
fois, il est quasiment à chaque fois tabassé, en
fait je pense qu'il n'a surement jamais pu fermer sa bouche face à
ses détracteurs, qui qu'ils soient. Le principal fait pour lequel
Tosh sera si souvent arrêté : la ganja ; on comprend alors
mieux la profondeur de son combat pour la légalisation qui en était
un pour la justice encore une fois.
De nombreuses fois la carrière des Wailers sera interrompue par
des peines de prison de ses membres. Peter gardera toujours un
très mauvais souvenir des geoles en 1966, où il passa quelques
mois et se fit sévèrement tabasser.
En 1968, c'est avec Prince Buster qui organisait une manifestation
contre la sécession de Ian Smith et la création en Rodhésie
d'un état raciste, qu'il sera arrêté et emprisonné,
encore une injustice.
"J'ai toujours
été plus respecté à l'extérieur de
Jamaïque ... je ne suis jamais allé en prison à l'extérieur...
je n'ai jamais été brutalisé par la police ... et
surtout, je ne vois pas tant de mauvais esprits qui ne veulent pas voir
les progrès que nous apportons et qui veulent absolument nous détruire."
(Walker - Tough Tosh)
Peter Tosh ne manqua jamais une occasion
de revendiquer ce qu'il pensait, comme au One love Concert en 1978,
où il réitèra son message qu'il avait lancé
dans l'album Equal Rights.
Peter était un grand ennemi de Babylone, très engagé
et très pessimiste sur l'avenir de l'humanité ; à
coup sûr, cela ne pouvait pas plaire aux dirigeants, surtout venant
d'une voix du peuple, aussi puissante que celle de Tosh, on se laisse
alors facilement aller aux rumeurs qui disent qu'il aurait subit une volonté
déterminée d'élimination, de la part du pouvoir politique,
avec qui il ne mangea jamais à la même table.
Badboy ? prophète ? en tous cas il est idôlatré
en Jamaïque, et detesté par ses dirigeants ; il a aussi subit
9 attentats sur sa personne avant d'être assassiné
le 11 septembre 1987 au soir, chez lui, par trois pseudo-cambrioleurs
armés. Sa femme et des invités présents lors de l'attaque
furent blessés. Parmi les meurtriers se trouvaient une vieille
connaissance du ghetto ; les circonstances de sa mort reste encore à
présent très floues.
On parle d'un rêglement de compte, on sait aussi qu'il devait acquérir
une grosse radio nationale et voulait en faire une radio 100% reggae,
instrument potentiel de propagande ? outil stratégique ? arme ?
Tosh avait beaucoup d'ennemis, et nous pouvons être certain d'une
seule chose, ce n'était pas un vrai cambriolage. Un de ses meurtriers
est aujourd'hui encore en prison après un procès clos en
11 minutes, les deux autres assassins courent toujours.
Le mystère qui entoure sa mort contribue à faire vivre la
légende de ce personnage, Peter Tosh restera à jamais le
symbole de la justice.