Je vous avoue que c'est plein d'émotions
que nous nous lançons dans cette interview, car c'est une
figure proue du reggae que nous devons rencontrer aujourd'hui.
Il a été le premier singjay, le premier à poser
des dubplates, il a fondé le premier crew, découvert
des artistes parmi les plus importants de leurs générations
... ce soir, nous devons rencontrer l'original SUGAR
MINOTT.
Introduit à l'hôtel par son poulain Quench Aid,
que nous avons rencontré dans la journée, nous convenons
d'un rendez-vous pour une interview après le show. Nous avons
donc 2 heures à tuer avant le spectacle, et c'est avec Quench,
dans les backstages que nous les passons.
Il nous présente à tous les membres du Black Roots
Crew, venus spécialement de Kingston et de Londres pour
cette tournée française.
Les musiciens
sont tous hyper enthousiastes et impatients de découvrir la
scène montpelliéraine, après l'accueil chaleureux
reçu à Marseille la veille. L'ambiance
est tellement chaude dans le backstage que les deux heures filent
à la vitesse d'un spliff de locale... l'heure du concert est
enfin arrivée, nous nous joignons aux autres spectateurs dans
la salle.
Le concert ne durera pas moins de 2 heures et demi, durant lesquels
défileront Quench Aid, avec sa pure voix très proche
de celle de Jah Cure, le vétéran Original Tony Tuff
(dont nous vous proposerons bientôt l'interview), et la vedette
du soir SUGAR BOOGAR MINOTT, toujours aussi ruffneck quant
il s'agit de qualité de son, mais tellement juste, profond
et inspiré une fois son set lancé.
C'est vraiment un chanteur hors
pair ! et il n'a rien perdu de sa magnifique voix Soul que les Jamaïcains
ont découvert il y a plus de 30 ans. Il enchaîne ses
plus grand Hits et émerveille la salle ce soir, il se donne
à fond ; et fidèle à sa parole, il nous reçoit
après son shown, dans sa loge.
L'homme a envie de parler ce soir, il va nous raconter son histoire
de chanteur, de producteur, de découvreur de talent, d'inventeur,
il va se dévoiler et nous faire partager ses sentiments sur
la société jamaïcaine .... les sélecteurs
qui attendent la session attendront bien !
Tu
as commencé très jeune à t'impliquer dans
la musique en vendant des disques, peux-tu revenir là-dessus
?
Ouais c'est vrai ! En fait je
suis né juste à côté d'une salle
de soirée, ma maison était à la porte
à côté du dancehall. Du coup j'ai eu l'habitude
d'entendre les sounds de Coxsone,
de Duke Reid, dès
mon plus jeune âge. Puis cette attirance par la dancehall
n'a cessé de s'accroître, c'est cette musique
qui m'a toujours attiré, et pas celle de l'église.
(sarcastique)
Ensuite, en 1969, on a formé le groupe African
Brothers, avec mon ami de toujours, Tony
Tuff , puis Derrick Howard,
avec qui j'ai grandi, dans le ghetto. A l'époque on
chantait surtout pour Ruppie Edwards de Micron music,
mais on a aussi enregistré quelques chansons pour Studio
One. On était un groupe Roots, avec un message
Roots & Culture, et ça a duré un moment
pendant notre jeunesse. Ensuite au début des années
70, les grandes voix Soul ont commencé à chanter
pour Coxsone, et j'ai enregistré pour lui mon premier
album, Live Loving
qui a eu un bon impact sur le public, avec des chansons comme
"House is not a Home", "Mr. DC",
"Vanity", "Never gonna give Jah up"...
Pendant toutes les années 70 j'ai travaillé
à Studio one, aux côtés d'artistes comme
Freddie Mac Gregor, Johnny
Osbourne, Jackie Mittoo,
mon directeur musical qui nous a quitté, il y a une
dizaine d'année, il était établi en angleterre
où il a développé le Lovers Rock. Ensuite
en 1979 j'ai créé l'organisation Youth Promotion,
puis le label Black Roots.
Peux- tu nous parler de ton premier
Hit, VANITY ?
Quand j'ai commencé à
faire de la musique, je vendais aussi des disques, particulièrement
ceux de Dennis Brown mais aussi de nombreux autres
artistes, et bien sûr les miens, ceux des African Brothers.
Alors quand j'arrivais dans les shops je mettais toujours
les miens en avant en disant : "regarde celui-là,
il est wiked " et les gars me répondaient
toujours : " ouais ouais, la semaine prochaine! t'as
rien d'autres ? ", puis je leur montrais un Dennis
Brown et ils me disaient : " OK YEA ! donne moi en
un " (rires).
Alors un jour je me suis dis que je devais en mesure de sortir
un son que tout le monde voudrait avoir, et surtout que je
ne devais pas être aussi prétentieux.
Du coup, quand Coxsone m'a proposé le riddim Vanity,
j'ai essayé de faire quelque chose de très simple,
inspiré des chansons d'enfants qui regorgeaient de
lyrics sur la vanité.
C'est sur ça que je me suis basé pour la faire
et je me souviens que la première fois que ce disque
a été joué dans la Dancehall de Socialist
Roots, ils l'ont joué 10 fois de suite. La chanson
est devenue plus populaire que moi ; c'est vrai, ça
a été ma première Big chanson.
Quand
as-tu choisi ton nom Sugar Minott ?
Quand j'ai commencé à
enregistrer, j'ai pris mon vrai nom, Lincoln
Minott, mais à cette époque je
jouais aussi au foot et j'étais un gardien super connu,
tout le monde me connaissait par le nom de SUGAR, Sugar
le gardien de but. Alors quand j'ai enregistré mon
premier disque chez Coxsone et que j'ai signé Lincoln
Minott, tout mes pôtes m'ont dit : " Non t'es fou ! c'est pas toi. On le connaît
pas ce Lincoln ". Alors je suis retourné voir
Coxsone, et je lui ai dit : "pour le prochain ne mets pas Lincoln Minott parce
que personne ne sait qui c'est, met plutôt SUGAR MINOTT."
Tu sais, dans mon quartier personne ne connaissait mon vrai
nom; puis là bas un gars tu l'appelle par exemple Jah
Bill puis c'est tout, c'est comme ça.
Coxsone c'est quelqu'un qui a rendu les choses possibles ;
il avait la place, et surtout il t'écoutait, il prenait
le temps de t'écouter, toujours. C'est pour ça
qu'on était très proche. Il n'a jamais négligé
personne, je lui donne mon respect pour ça.
Il t'a beaucoup appris sur la musique
?
Il m'a beaucoup appris sur la
vie ! Depuis que je suis né, il n'y a pas grand monde
qui m'ait appri la musique. Jackie Mittoo, puis Sly
Robbie, sont les seules personnes qui m'aient réellement
produite et me disaient ce qu'ils attendaient de moi.
Jackie Mitoo, le plus grans musicien du monde, c'est mon maître.
Mais tu sais, depuis que je suis jeune, je produits mes propres
chansons. J'ai produit moi-même mon premier Hit "
River Jordan ", " Hard Time Rock "
aussi ... j'ai aussi beaucoup travaillé pour les autres.
Je joue dans les sounds system depuis tout gamin, et quand
j'avais 19 ans, je connaissais tout le monde et tous les sounds
system de Jamaïque devaient passer par mon Yard pour
des dubplates. Jack Rubby, Black
Star ... tous.
Bien avant les ordinateurs, on samplait et on remixait la
musique ; personne ne m'a jamais dirigé.
Mais je donne beaucoup de respect à des gens comme
Bagga et Pablo black qui sont là ce soir, Noel Belly,
Hernest Wilson, Freddie Mac Gregor, tous ces gens qui ont
pu m'apporter leur soutien et leur assistance, Jackie Mitoo,
Tony Tuff. Tony Tuff est mon Godfather man ! il a été
le premier à être célèbre, puis
il était aussi le seul à jouer de la guitare,
sans lui... mais cet homme est toujours resté fidel
à lui-même, il est très humble. J'ai produit
son premier album, Mister Tuff
presents Tony Tuff.
Pour nous ça a toujours
été plus dur, parce qu'on vient d'un autre côté
du ghetto, on est pas impliqué dans la société
qui de son côté, nous méprise.
Quans j'étais gamin, la radio promotionait à
fond Berres Hamond, et
nous on était les African Brothers, on s'aimait pas
vraiment. Il y avait plein d'artistes que j'aimais pas vraiment
; mais c'est parce que je viens d'un ghetto, Maxfield Park,
les pires des misérables, les gun shot, les braquages
de banques, là-bas les gens souffrent et meurent, alors
je ne peux pas chanter que tout va bien.
Où habites-tu maintenant
?
Je suis toujours au même
endroit, mais plus au milieu du ghetto, maintenant je suis
un peu plus haut dans la rue.
Je n'ai jamais quitté le ghetto parce que j'y ai trop
d'amis, de famille, je ne peux pas m'échapper de là.
Et même si j'ai déjà essayé, que
je sois en Angleterre, en France, ou n'importe où,
tu verras que dès le lendemain il y a plein de jeunes
dans mon Yard, qui veulent que je les aide, que je les produise.
Ghetto way, je ne peux pas faire autrement c'est ma
voie. J'ai souvent essayé de me dire que je suis fini,
que je vais aller me la couler douce quelque part, mais ils
ne me laissent pas partir !!! (rires) C'est le destin.
Qu'est ce qui t'a poussé à créer ton premier
label ?
J'ai travaillé à Studio
One pendant des années, mais ce n'était pas encore
un accomplissement, surtout par rapport à mes enfants ; j'ai
toujours chanté avant tout pour ma liberté. Du coup,
un jour j'ai décidé d'essayer de gagner un peu d'argent
par et pour moi-même.
A l'époque, il n'y avait pas grand monde pour me produire
et les relations n'étaient pas toujours très bonnes
parce que j'ai toujours voulu m'impliquer dans la production.
Mais c'est pas parce qu'ils ont de l'argent qu'ils doivent me dire,
assis sur une chaise, ce que je dois chanter . Alors je me suis
dis qu'il valait peut être mieux faire les choses par soi
même. Je n'avais pas plus de 800$ jam en poche mais je
me suis lancé ; Earl Chinna
Smith du Dub Syndicate
est venu gratuitement avec son groupe, et on a enregistré
l'album Ghetto-Ology.
A partir de là, de plus en plus de jeunes qui voulaient s'activer
traînaient dans le quartier et ont fini par nous rejoindre.
Barry Brown,
Triston Palma, Likkle John,
Tony Tuff,
Rod Taylor ... tous ces jeunes, jusqu'à Junior
Reid, Yami Bolo,
Tenor Saw, Nitty
Gritty, Tony Rebel,
Garnet Silk ; ils ont tous commencé
là ; ils y avait plein de youth et ils étaient tous
fiers de faire partie de Youth Promotion, de s'accomplir par eux
mêmes.
Mais je n'ai jamais rien planifié, ça c'est juste
passé comme ça. Youth Promotion, ça a toujours été un crew
avant tout, Colourman, BlackaT, Daddy Shark... on a tous grandi
ensemble dans la même vibes.
Aujour'dhui Youth Promotion se mobilise pour construire une école
de musique, et on essaie de réunir plein d'artistes pour
l'occasion. Prochainement on organise un festival, il y a aura Gregory
Isaacs, Josey Wales, Luciano, Tony Tuff, Triston Palma, Likkle John,
Filip Frazer, aussi des plus jeunes comme Warrior King , Abijah,
Elephant Man aussi sera là ; on aime aussi les Djs, tu sais,
on a grandi dans le même endroit, BeenieMan... tous. Ils ont
juste oublié les aînés, ils se rappellent pas
de nous, mais on les aime quand même, ce sont nos jeunes.
Youth Promotion est donc venu avant Black Roots?
Non, en fait ça a été
le label Black Roots d'abord, mais il y avait tellement de jeunes
dans les parages qu'on a décidé de formé Youth
Promotion ; parce qu'on était des jeunes qui essayaient de
faire nos trucs nous mêmes, d'être nos propres producteurs
tu vois.
A l'époque
tu jouais avec le Black Root Sound ou le Sugar 's Youth Promotion
?
Tu sais, je joue dans les sounds depuis
que je suis tout petit. J'ai commencé comme sélecteur
d'ailleurs.
Le premier Sound dans lequel j'ai joué s'appelait Keytone,
ensuite il y a eu le Sound Of Silence,
puis Jah Live qui a été
en quelques sortes le prémice de Black Roots qui,
lui, fut mon premier Sound Personnel. A l'époque je jouais
avec Papa Roots. Ensuite, à
partir du moment que j 'ai vu de plus en plus de jeunes affluer
vers mon sound, je lui ai donné le nom de Youth Promotion,
c'était en 1983.
Ton Sound a été
le premier à cut des dubplates ?
Oui, enfin non ! en fait on a été
le premier crew, et pour ma part, j'ai été
le premier chanteur à enregistrer des specials pour
Blackstar, pour King
Stur Gav le champion Sound, ouais ! Daddy U Roy jouait
des Specials de Sugar Minott.
Mais pour ce qui est de Youth Promotion, ça a été
le premier crew d'artistes, après nous est venu le crew Volcano.
On a aussi été le premier sound à mixer
le son pour faire jump up les gens le premier aussi à aller
au Japon, en 1984.
En fait les premiers sounds qui ont réellement joué
des Specials étaient le Blackstar et Stur Garv ; avant ça,
les sounds system comme celui de Coxsone faisaient bien des Specials,
mais ce n'était pas vraiment des disques originaux, seulement
des pre-release qui servaient à promouvoir et tester les
disques sur le public des dancehall.
Youth Promotion a aussi fait parti des premier à passer au
Dancehall style, au Singjay style, likkle John et moi avons
été les premiers sinjays.
Avec ce crew, nous avons innové sue des tas d'aspects et
surtout permis à de nombreux artistes de s'établir.
Et pas des moindres, Garnett Slik, Yami Bolo, Nitty Gritty, et tant
d'autres ... quel conseil as tu pu leur donner à tous ?
Bon ! le conseil que je leur donne...
Tu sais, à la base, certains d'entre eux ne sont pas forcément
capable de chanter en harmonie, d'écrire une chanson... et
ici, tu trouves de tout, des pianistes, des guitaristes, des batteurs...
tous là dans le but de trouver une vibes musicale. Par exemple
Tenessa, le chanteur roots, il avait une bonne voix, un timbre particulier,
mais il avait besoin d'une direction, pour savoir comment être
en accord, pour avoir son propre flow, ses phases... Certains gars
comme Garnett Silk sont nés
comme ça, pour chanter, et ils ont surtout besoin d'encouragements,
parce que quand ils arrivent personne ne veut les enregistrer, ils
peuvent aller n'importe où, et personne ne voudra les enregistrer.
Le truc c'est qu'ils ne veulent pas dépenser d'argent pour
promouvoir les jeunes, ils préfèrent travailler avec
des artistes établis. Youth Promotion n'est pas une maison de disque, c'est juste une
organisation pour aider les jeunes talentueux qui ne trouvent pas
de réponses. Black Roots est une sociéte de production,
c'est ma société, mais Youth Promotion c'est de la
charité.
Depuis 1979, on a fait beaucoup d'autres choses aussi ; de nombreux
ingénieurs se sont formé chez nous aussi, comme Bunny
Bass, Anthony Selassie,
Steely... plein de musiciens
aussi.
Existe t-il une philosophie Youth Promotion
?
Notre démarche est avant tout
culturelle, on a toujours su garder cette voie ; mais la religion
n'a pas d'importance, tant qu'un homme est respectueux et qu'il
a envie. Chez nous tu verras des bobos, des rastas,
des baldhead, des sweet boy(rires), tout quoi ! on
est là pour faire de la musique. Mais on dirige aussi des
gens dans d'autres directions que la musique, tu peux être
électricien, technicien... On aide aussi à trouver
des endroits pour que les gens s'installent, et on s'occupe aussi
d'une école de chant.
Comment ça
s'est passé en Angleterre avec Musical Youth ?
J'ai rencontré Tony
Owens durant un voyage, ils s'occupait d'une bande de
jeunes chanteurs reggae.
Je m'y suis intéressé, et on s'est impliqué
avec eux, c'était une très bonne expérience.
On a commencé à les former avec Jackie Mitoo, pour
leur apporter le rythme, le One drop, le Roots.
Ensuite j'ai fait une grosse tournée et ils nous ont suivi
tout le long, assurant les premières parties ; et à
chaque concert, les gens nous demandaient " qui est ce groupe
de jeunes ". Après ça, ils ont eu leur big
hit, " Pass the Dutchie "
Tu étais
aussi impliqué dans la réalisation de ce titre ?
Yes ! pas pour les lyrics, mais pour
la musique. On l'a produite avec Jackie Mitoo.
Youth Promotion a aussi été un moteur là bas
en Angleterre, on a développé le Lovers Rock Anglais
; et d'ailleurs, j'ai également été un des
premiers à amener ce style au top.
Avant ça, des groupes comme Dennis
Bovel Band étaient posés, mais n'avaient
pas le skank. On a travaillé avec des tas de personnes là-bas,
Jah Woosh, Doctor
Alimentado, Steel Pulse
quand ils étaient tout jeunes, Aswad,
pareil tout jeunes et à peine connu. Le style développé
là-bas était beaucoup plus militant, et personnellement
j'ai toujours cherché à me poser sur tous les styles,
afin d'être le plus proche possible du public, de tous les
publics.
Tout ça c'est beaucoup d'Histoire ! Tellement d'Histoire
!
Penses-tu
que le reggae est en train d'accomplir sa mission ?
Je n'ai plus autant d'amour qu'avant
pour le reggae aujourd'hui, j'ai en quelques sortes perdu ma foie
; ce n'est plus bon pour moi, je n'ai plus ma place.
Parce qu'en jamaïque tu vois Capleton,
Beenie Man, Bounty
Killer, Sizzla,
Lexxus,
ce genre d'artiste, mais, il n'y a plus de roots music. Ils ne veulent
pas en entendre, les radios n'en jouent pas ; ils ne jouent pas
Sugar Minott. Tu vas dans une Dance, c'est identique, tu n'entends
que des Djs ; un peu de chanteurs au début quand il est tôt,
mais sinon c'est que des Djs.
Pendant des années, le reggae m'a emmené vraiment
loin, grâce à des hommes comme Bob
Marley, Burning Spear,
Freddie Mac Gregor, Dennis
Brown le prince couronné du reggae .... il y a
eu tant de bonne musique !
On a push ce style, et quelques années plus tard quasiment
pas de reconnaissance, on nous remercie à peine.
Des gens comme Bounty Killer et Beenie Man ne rendent jamais hommage
aux anciens dans leurs show...
Mais, peut être aussi que les
choses se déplacent un peu, tu vois bien la reconnaissance
ici en Europe, en France...
C'est de la reconnaissance de notre
peuple, de notre pays dont on a besoin. Ca m'importe pas vraiment
de savoir qu'en France ils connaissent ça (triste). Tu as
besoin d'être accepté par ton peuple ; quand tu es
chez toi, tu veux avoir l'air honorable. Aujourd'hui, ce que je
ressens c'est : "qui c'est celui là ? je ne te connais
pas.", et c'est une réalité qui me blesse
profondément. Tellement de travail, et tu montes sur scène
on te dégage !
Je n'ai plus autant d'espoir dans le reggae music (reflexion)
Mais oui, peut être tout ces gens en France ! c'est bien,
ça me donne un petit espoir. Ici les gens veulent encore
entendre cette musique... alors ! je continue à chanter.
Est-ce
qu'il y a de nouveaux jeunes qui arrivent dans Youth Promotion ?
Il y a déjà
Quench Aid, c'est comme mon fils ; il chante depuis longtemps,
il a commencé sur le label Xterminator.
D'ailleurs, ça aussi c'est un autre des rôles de Youth
Promotion, que d'aider de jeunes labels comme Xterminator,
Power House, Jammys. Tu sais que j'ai été
le premier à chanter pour Jammys, le premier aussi à
chanter pour Fatis (Burell, patron de Xter.), Channel One
aussi.
On les a aidé à se construire, et beaucoup d'artistes
de Youth Promotion y sont passés. Aujourd'hui ils ne retournent
pas forcément la faveur ; ils sont riches, ont des bigs voitures,
des bigs maisons, et ils ne se rappellent pas, ils n'ont pas le
temps.
Qu'est
ce que tu penses des mesures du gouvernement pour censurer les lyrics
?
Le gouvernement est hypocrite, car
il accuse les artistes de diffamation sur scène, mais il
n'accuse jamais les radios, qui pourtant passent les mêmes
sons.
On ne peux pas accuser quelqu'un pour ce qu'il dit, on est tous
libre de dire ce qu'on veut.
Pour toi,
il n'est donc pas normal de condamner Bounty Killer ou Lady Saw
?
Non, non, écoute ! Si tu n'aimes
pas quelque chose, tu ne l'écoutes pas, tu ne le joues pas.
On ne peut pas diriger les gens et leur dire ce qu'ils peuvent dire
et ne pas dire. S'ils se croient dirigés par le diable, qu'ils
chantent leurs diableries, s'ils sont dirigés par Jah, qu'ils
parlent de Jah, chacun fait ce qu'il veut.
Si je n'aime pas ce que fait Lady Saw, je ne l'écoute pas
; mais je n'irais jamais lui dire ce qu'elle doit faire. Elle doit
être responsable d'elle même, comme tous les artistes
d'ailleurs.
Tu vois, moi même aujourd'hui je chante quelques lyrics Dancehall,
quelques Rude Boys lyrics, mais je ne dis jamais que j'y crois,
et je ne mets jamais la violence sur un pieds d'estale ; mais je
rends hommage à leur travail.
Sugar Minott te donnera toujours de la musique Conscious , sur n'importe
quel style.
Est-ce qu'un
jour on verra alors une école Youth Promotion ?
Yes ! Youth Promotion doit devenir
un jour une organisation mondiale comme la croix rouge. En France,
en Allemagne... partout. Parce que toi même tu fais parti
de Youth Promotion, on fait le même travail. En Angleterre
aussi, il y a plein de jeune de Youth Promotion, ils ont construit
ensemble un studio ; à Brooklin pareil, à Miami
aussi... on est déjà bien établi dans le monde,
mais beaucoup de gens cherche toujours à tout distinguer,
à tout diviser, et disent : " ça c'est Junior
Reid , "one Blood", ça c'est Triston Palma,
"Black Solidarity", ça c'est Likkle John "Romantic"
" tout ça c'est une blague ,ONE UNITY. Mais
aujourd'hui chacun veut être son propre patron !
Youth Promotion n'a jamais signé un artiste, tout s'est toujours
fait gratuitement ; on a pas besoin de signer un contrat ; I man
fait le travail de Jah, alors je n'attends pas après les
gens pour qu'ils me donnent de l'argent, j'ai juste besoin de FAIRE
et d'aider.
Un de nos jeunes, Shalom, qui
monte souvent sur scène avec moi, va bientôt se lancer
dans une carrière solo.
Bon attention j'ai des News pour toi : l'année prochaine,
Quench Aid, aura son propre
show, et se sera le tour d'un autre la prochaine fois. Berres Hamond
procède de la même manière ; à chaque
fois qu'il fait un concert, il vient avec un nouvel artiste, et
celui-ci devient une star. Alors, c'est sûr, tu peux créer
beaucoup de stars, mais ça créé aussi une compétition
,et beaucoup de gens ont peur de ça, ils ne veulent pas s'affronter
aux autres artistes car ils sont complexés que d'autres soient
meilleurs qu'eux.
Où est
ce que tu puises toute ton énergie ?
Je ne comprends pas toujours ce qui
m'anime, c'est quelque chose de très spirituel.
Quand je suis sur scène, je ne sens pas tout ce qui est physique,
comme la fatigue, ou des trucs comme ça, je suis guidé
par mon esprit, c'est de là que je puise mon énergie,
et pourtant je ne suis pas du tout endurant normalement. Les gens d'église appellent ça Holly Ghost, moi
j'appelle ça Natural Vibes.
Est-ce
que tu as des enfants ?
J'ai 7 fils et 7 filles.
Une de mes filles est la chanteuse et Dj Passion, elle est marié
à Peter de Morgan Heritage; un autre de mes fils est producteur,
il s'occupe de jeunes Djs; j'en ai d'autres dans le Gospel... ils
font tous leurs affaires maintenant, ils ont bien grandi ; et je
suis maintenant prêt à avoir une nouvelle famille,
parce que je commence à me sentir seul. (rire)
Ma plus jeune fille a 6 ans, et celle avant a 13 ans, mais tous
les autres ont au moins 20 ans. J'ai commencé à avoir
des enfants jeune, à 18 ans. Aujourd'hui j'en ai 14, et j'ai
aussi 4 petits enfants. Grand père Sugar Minott, j'en suis fier.
SUGAR
MINOTT /
Rubenxela - Juman
- Big up Cultural Vibes Crew