Il
y a peu de femmes connues et reconnues dans le reggae,
milieu réputé machiste. Pourtant elles sont
tout de même nombreuses à faire passer la
vibes un peu partout, musiciennes, choristes, chanteuses,
deejays ... et dans Jahmusik, nous ne manquons jamais
de leurs rendre hommage.
Pour cette édition, c'est une légende du
reggae que nous avons rencontré, une des premières
femmes à aller tchatcher dans les sounds system
de Kingston :
Carole East, Mother Culture SISTER
CAROL.
Certain d'entre vous l'on peut être
découverte sur scène accompagnée
par le Artikal Band, lors de son passage au Jamaican
Sunrise cet été ; à mon avis,
ceux qui étaient présents ne sont pas prêt
de l'oublier! Elle a donné le meilleur d'elle même,
si contente d'être en France, qu'elle découvrait
d'ailleurs cette année (elle avait seulement joué
au midem devant des pros il y a quelques années).
C'est à Montpellier que nous avons eu l'honneur
de la renconter découvrez sans plus attendre cette
interview exclusive d'une grande dame du reggae,
SISTER CAROL.
On t'appelle aussi Black Cinderella (Cendrillon Noire) ; tu
attends un Prince ?
Non pas du tout. Je suis l'originale Sister Carol, la sister
roots, une enfant de Kingston Jamaïque. Black Cinderella,
Mother Culture.
J'ai choisi ce nom par rapport à une chanson populaire
qui était sortie en Jamaïque : "Where
can I find my black Cinderella ?" d'Errol
Dunkley. J'ai eu l'impression que c'était moi dont
il parlait. De fait je prends certaines choses de la vie sur
mes épaules, des choses indissociables telles que l'oppression,
le racisme et la division. Alors je suis loin d'être à
la recherche d'un prince charmant, je voudrais plutôt
trouver la rédemption grâce à sa majesté
Haile I Rastafari et grâce au reggae, le vrai reggae music.
En ce temps là j'ai choisi Black Cinderella comme appellation
personnelle et par la suite après douze ans de carrière
les gens m'ont surnommée Mother Culture. Cela prouve
bien que je n'ai jamais cessé de transmettre le même
message depuis l'époque jusqu'à aujourd'hui.
NOS
SITES
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et chez nos voisins.
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Tu
as grandi à Kingston ?
Oui, j'y suis née et j'y ai été
élevée. J'ai quitté Kingston dans
les années 70 pour aller à New york. Entre
temps j'ai fait pas mal d'aller-retour entre la Jamaïque
et New-York.
Ca
été difficile pour toi de t'intégrer
à l'époque dans une ville comme NY ?
J'avoue que c'était un peu bizarre mais à
l'époque je me suis facilement adaptée.
Tout est dans le cur je crois; la lumière
et la plénitude. Jah est présent dans
le monde entier. Il suffit de savoir s'adapter et surmonter
les petits obstacles, après on est protégé.
Il
y avait déjà une grande communauté
jamaïcaine à NY ?
Oui la communauté jamaïcaine était
assez importante mais à l'époque ce
n'est pas le reggae qui la rendait populaire. D'ailleurs
le reggae était assez limité, on ne
l'entendait pas à la radio, même Bob
Marley ne passait pas à la radio.
Depuis cette époque il y a eu beaucoup de
changements, le reggae s'est propagé sur
toute la planète, ça déchire
!
Qu'en
est-il de la communauté Rasta à NY
?
Il y en a beaucoup. Il y a une communauté
Rasta dans chaque partie du monde, Rastafari est
international !
Tu
as fait cette chanson "Fayah pon the west",
avec les événement du 11 septembre tu
n'as pas eu peur que le titre soit mal interprété
?
Hé bien avec ce qui s'est passé le 11
septembre, je ne saurais jamais vraiment dire quelle
est la vérité. Tout ce que je peux dire
c'est que je ne connais peut être pas tout, j'ignore
qui est l'ennemi. Mais Dieu est mon ami. J'en ai eu
le témoignage suffisamment de fois pour en parler.
Ca ne s'arrête jamais. Il faut avoir les pieds
solides pour marcher sur les sentiers de notre idéal,
pour être en accord avec nos principes.
En fait quand j'ai sorti cette chanson, je parlais de
l'Afrique à la base. A l'Est (en Afrique), la
femme est respectée. On lui fait de belles révérences
parce qu'elle donne la vie, digne de son appellation
"Femme". D'un autre côté, à
l'Ouest, la femme est minimisée et rabaissée,
voire même dégradée. En quelque
sorte, "faya pon the
west" est un cri en faveur de la
femme. Parce qu'elle est la mère de la civilisation,
la mère de la création, la mère
de l'univers.
Il
paraît que tu as eu un diplôme de professeur
avant de te lancer dans ta carrière musicale
?
Oui, mais je continuais quand même à m'entraîner
pour devenir chanteuse pendant que j'étudiais.
As-tu
eu l'occasion d'enseigner ?
Oui, dans deux écoles publiques, à New
York. Mais depuis que j'ai quitté l'enseignement,
je ne suis plus retournée à l'école.
J'ai mis mon savoir dans ma musique. Ainsi j'ai eu plus
de temps pour aller vers l'essentiel, c'est à
dire éduquer les gens grâce à mes
chansons pour les édifier autant que pour les
divertir. Aujourd'hui ma salle de classe c'est le monde,
ainsi vous m'avez près de vous ce soir. Quand
vous venez en concert vous entrez dans ma classe et
vous apprenez quelque chose avant de partir : "l'original
school teacher" , c'est moi !
Est-ce que ça été
dur pour toi en tant que femme de s'imposer dans la
"reggae arena" ? Quand tu es une femme, tu dois travailler au moins
dix fois plus qu'un frère pour être
reconnue et acceptée. Et quelques fois, même
si tu transpires plus qu'un frère, tu es moins
bien payée que lui. Parce que les gens croient
que le reggae appartient aux hommes. Mais Dieu l'a aussi
bien laissé aux hommes qu'aux femmes. Dans ma
musique je cherche à créer une inspiration
et y donner un pouvoir. J'essaie d'établir une
certaine balance pour un certain équilibre car
il n'y en a pas suffisamment. Le reggae a besoin d'artistes
hommes, aussi bien que d'artistes femmes.
Si tu prends Bob Marley par exemple, la plus grande
star du milieu reggae, tu peux remarquer qu'il a tourné
à travers le monde en compagnie de ses trois
choristes, bien que ce soient des femmes. Elles ne se
contentaient pas seulement d'apporter sur scène
une harmonie dans les mélodies ; elles y mettaient
aussi leur force spirituelle et émotionnelle.
Alors tu vois c'est important qu'il y ait plus de femmes
dans le reggae, mais pour l'instant le déséquilibre
subsiste et il est dans notre rôle de le rayer.
Ainsi les I threes t'ont inspirée
?
Bien sûr, énormément !
Beaucoup
d'autres, j'imagine, il y en a d'autres excellentes ..
Yeah man ! Je reçois l'inspiration à travers
chaque femme qui a chanté avant moi. J'ai écrit
"Woman inna de ghetto" grâce à Celest.
Elle a également eu une grande influence sur moi à
mes débuts. Ainsi que Cynthia Richards, Marcia Griffiths,
Rita Marley, Judy Mowatt et encore d'autres ; quelques américaines
et une africaine : Myriam Makeeba. En fait, tout le monde
me donne de l'inspiration.
Tu
as joué, il y a quelques temps, avec Sister Nancy et
d'autres Djs au Cooler de NY ; un concert qui ne rassemblait
que des artistes femmes sur scène ; tu peux nous en
parler ?
C'est vrai ! C'était il y a deux ans à peu près,
au Cooler. Assez sympa comme rassemblement. C'était
pour célébrer l'Histoire de la Femme. Il y avait
Impress Jah Jah Chess, Sister Nancy, Lady
China et d'autres artistes.
Peux-tu
nous parler de Brigadier Jerry ? Brigadier Jerry est un pilier dans ma carrière.
Quand j'ai commencé, c'est lui qui a été
ma plus grande influence. Je m'inspirais entièrement
de son style. Avant lui ce fut U Roy puis Big Youth.
Mais Brigadier Jerry m'a beaucoup forgée sur le plan
spirituel. Avant d'écrire mes propres chansons, c'est
sur sa musique et sur ses lyrics que je m'entraînais.
C'est vraiment un ami très proche ; plus qu'un ami
c'est un grand frère. Je lui dois beaucoup de respect.
En
1996, ton album "Lyrically Potent" a été
nominé au Grammy Award
Toi tu as visité mon site sur internet, n'est-ce pas
? (rires)
Ouais
ouais..
Tu as l'air de t'être bien préparé pour
cette inteview, j'aime ça
J'ai été nominée en 1996 grâce
à mon album Lyrically Potent,
au Grammy Award dans la catégorie reggae.
Tu
dois en être fière ?
Bien sûr, c'est quand même mémorable, big
time !
Est-ce
l'album dont tu es le plus fière ?
Depuis cet album, je pense que j'en ai sortis des meilleurs.
Ils n'ont pas été reconnus comme ils méritaient
de l'être, mais je vais en sortir un nouveau bientôt.
Et selon moi il a des paroles bien plus puissantes que celui
là. J'espère que pour cette fois je ne vais
,pas me contenter d'une nomination, mais que j'obtiendrais
le Grammy.
Dans
cet album, il y a une chanson sur laquelle tu joues avec Sugar
Minott. Peux-tu nous parler du travail que vous avez fait
ensemble ? Sugar Minott est un frère très spécial
à mes yeux, c'est un ami très cher. Ca fait
longtemps qu'on se connaît. On a eu l'occasion de
faire une tournée au Japon ensemble, en 86, c'est
là qu'on est devenu amis. Pour cette chanson, il me
fallait un vétéran rodé. Comme il avait
beaucoup d'expérience déjà, il m'a été
d'une grande aide. Tu sais, on ne fait pas du reggae dans
l'intention de vendre. Il y a une multitude de chansons qu'on
stock simplement pour entretenir notre culture. La culture
Dj.
J'ai
entendu dire que tu as tourné dans deux films. Quelles
étaient tes rôles ?
En effet j'ai joué dans deux films réalisés
et produits par Jonathan Demme : il s'agissait de Something
Wild, je jouais le rôle d'une serveuse, et puis
Married to the Mob, avec Michèle Pfeifer où
j'étais cette fois ci une esthéticienne.
Tu
aimerais recommencer l'expérience ?
Oui j'aimerais bien continuer plus tard. J'aimerais saisir
l'opportunité de représenter mon peuple grâce
à l'image positive que peut offrir cinéma. J'espère
que le destin s'y prêtera et que j'aurais l'occasion
de jouer dans quelques films encore.
Selecta
Daweed joue Herbal is Natural Herbal
is natural n'est pas seulement une chanson
sur la ganja ; elle parle de toutes les plantes médicinales,
elle explique que Jah a créé les herbes pour
soigner les hommes. Toutes les plantes y compris la Ganja.
(rires)
Peux-tu
nous parler de ton album album live Direct Hit ?
En 20 ans de carrière, c'est la première fois
que je fais un album live. Je l'ai enregistré en 1999,
dans 3 villes différentes aux Etats Unis : en Caroline
du Nord, à Mireland et dans le Montana.
Il a été enregistré avec mon groupe,
the High Life Flairs, en compagnie de mon frère
Junior Jazz, Nowela Falso, Harris James,
Val Douglas et le groupe d'Anis. La musique de cet
album recouvre le son de mes débuts de carrière
et celui d'aujourd'hui. C'est mon premier live et je suis
fière de l'apporter au public. J'espère que
je trouverai une personne qui s'occupera de me le produire
en France !
Au
début, tu chantais seule dans les sounds systems ou
tu avais un groupe ?
J'ai commencé dans les sounds system mais depuis 15
ans je joue avec un groupe. De temps en temps je fais un saut
dans les dancehall car cela fait partie de ma culture. Mais
je préfère monter sur scène avec mon
groupe parce que cela me donne la sensation d'offrir un vrai
show au public.
Que
penses-tu des sanctions dont Bounty Killer et Lady Saw ont
été victimes à cause de leurs lyrics
?
La situation en Jamaïque est assez paradoxale. Le
gouvernement veut l'argent du beurre mais il condamne le crémier.
C'est plutôt malhonnête. On ne devrait pas chipoter
sur ce genre de choses. Le gouvernement pourrait se préoccuper
de choses plus importantes et utiles pour le pays au lieu
d'enquiquiner les artistes. Il devrait les laisser tranquilles.
En tout cas c'est mon avis.
Ils
créent de faux problèmes pour que les gens oublient
qu'il en existe de bien plus grave à résoudre.
Tout à fait ! Ce sont les pièges de Babylone.
Les politiciens sont de bons illusionnistes. Ils bernent les
gens sans problème. Ils font ce qu'ils veulent de l'esprit
des gens.
En
même temps ils se servent du reggae pour se faire de
l'argent.
Le reggae est une musique très rentable pour le pays,
mais le gouvernement n'investit pas grand chose pour elle.
Ils savent que c'est une musique qui vaut de l'or, vu qu'elle
entretient le tourisme mais ils ne lâchent pas un rond
pour en faire la promotion ou pour la faire avancer. Ils se
contentent de lui chercher la bête, mais le reggae et
sa weed continuent de marcher. Et si nous sommes arrivés
de la Jamaïque, c'est pour renforcer la promotion du
reggae ici à Montpellier. Avec le frère Daniel
Ray, un vrai promoteur !
Peux
tu nous parler de ta rencontre avec Daniel Ray ? Ca fait
longtemps que vous vous connaissez ? Daniel Ray c'est mon "heartical Rasta breddren",
mon frère. Je l'ai rencontré il y a quelques
années en Jamaïque, dans le sound system Jah
Love Music, avec le frère Brigadier Jerry. Il chantait
dans le sound. Depuis on est devenu comme frère
et sur. On reste en contact régulièrement
parce qu'il me soutient spirituellement et c'est en majeure
partie grâce à lui que je suis venue en France.
Que Dieu le bénisse pour cela. Daniel Ray est vraiment
un DJ qui a du talent. Il veut faire connaître le
reggae dans le monde entier et pour l'instant il est en
train de le faire en France.
C'est
vrai les gens le connaissent bien ici.
Yeah man ! C'est l'ambassadeur de Jamaïque en
personne qui est arrivé en France. Respect.
As-tu
un message à laisser aux visiteurs de Jahmusik ?
Ce que je peux dire c'est que nous apprécions la manière
dont vous aimez et respectez le reggae. J'aime les vibes d'ici
mais j'aimerais que vous n'oubliez pas que le reggae vient
de Jamaïque. C'est une musique créée pour
unir le monde. Elle est là pour amener la paix. Elle
a juste besoin de beaucoup plus de promotion et de pub. Les
gens doivent savoir que nous venons de la Jamaïque pour
leur procurer du love, des rayons de soleil et l'énergie
que nous puisons dans le reggae. C'est une bénédiction
chaque fois ; Nous sommes tous les enfants de Jah.
SISTER
CAROLE / JUMAN pour Jahmusik - Big Up à Irène