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Jusqu'à présent dans cette rubrique nous avons toujours rendu hommage à des personnalités jamaïcaines ; cette fois ci, c'est dans la mémoire du reggae français que nous avons voulu nous plonger, et ainsi, rendre un spécial hommage à un pionnier du mouvement en France, peut être pas parmi les tous premiers adeptes, mais certainement un des premiers qui a su adapter son flow à la langue de Molière, un des premiers à avoir sorti l'underground du ground ... le soldat raggamuffin PUPPA LESLIE.
SOMMAIRE
- Le Reggae arrive en France
- La passion du reggae occupe Leslie
- Ghetto Activité

TEMOIGNAGES
- Bunny Dread
- Yao
- Luz
- Forum

LIENS
- Le site de P. Leslie
- l'histoire du reggae en France par General Burning.

LE REGGAE ARRIVE EN FRANCE

Apparu dès la fin des années 60 avec quelques titres restant néanmoins anecdotiques, c'est au début des années 80 que le reggae commence à vraiment s'implanter en France.
Depuis environ 5 ans la plupart des artistes jamaïcains en vogue passent par les plus grandes villes du pays. Durant l'été 1980, Bob Marley prouve son rang de star incontestable, regroupant plus de 50 000 personnes lors de son concert au Bourget ; il est à son apogée. Pourtant il est déjà condamné et mourra à peine un an plus tard.
Si au début des années 80 le public connaît principalement le reggae au travers de Bob Marley qui est fortement médiatisé depuis la sortie de son album Natty Dread chez Island (1975), il ne connaît pas pour autant le mouvement reggae jamaïcain et sa multitude de genres et d'artistes, et encore moins rastafari qui semble encore bien exotique au pays du pain, du vin et de Johnny Halliday. Pourtant depuis quelques années le milieu underground se forme dans les plus grandes villes de France et principalement à Paris qui voit émerger les premières boutiques de disques spécialisés reggae (dès 1979 le Blue Heaven) et les premières émissions de radio (1978 Radio Irie sur Radio Ivre).

Ce début des années 80 est très "reggae" en France. Yannick Noah porte les dreads et le bracelet vert jaune rouge, les plus grands artistes du cru s'essayent au son jamaïcain... ; cette époque correspond vraiment à une nouvelle ère pour l'expression, et c'est aussi bien sûr l'époque Mitterrand.
La peine de mort est abrogée, le combat politique donne de l'espoir au Français ; c'est aussi le renouveau du mouvement associatif, relayé en puissance par toutes les nouvelles radios libres dont radio Ivre (absorbé par Nova en 82) ,ABC, Gilda, Radio 7, La voix du Lézard (devenu skyrock), Aligre, Libertaire, Tropic FM ... qui toutes auront leurs émissions Reggae.
Ce sont en ces lieux que passeront la plupart des personnalités des médias actuels, et de nombreux artistes des milieux underground (rap, reggae, rock ...) relayés par les multiples émissions spécialisées.
C'est principalement au travers de ces espaces pour la musique jamaïcaine que Leslie s'initiera au reggae dès l'adolescence, comme de nombreux jeunes de la banlieue parisienne.

Aussi, depuis le début de l'année 80 et la venue du Top DJ Jamaïcain de l'époque, Lone Rangers, pour 6 mois, Paris et son mouvement découvre le sound system tel qu'il est joué à Kingston. Très vite émergent les premiers Sounds réguliers français : Neg Soweto, Youthman Academy ... Leslie y découvre les premiers DJs du cru, souvent des antillais ou des africains, et il décide de s'y mettre également.
Bob Marley décède le 11 mai 1981, ironie du sort, le même jour que l'élection de Mitterrand, passant ainsi inaperçue en France; sauf peut être pour quelques passionnés qui organiseront le premier hommage à Bob.
En Jamaïque le peuple tout entier est attristé et cette date devient jour de deuil national. La Jamaïque a perdu Marley, mais en ce début des années 80 c'est la Dancehall qui fait rage dans les dancefloor, promulguée par la jeunesse entière. Barrington Levy fait ses débuts et devient une star, Eekay Mouse, Sugar Minott, Mickael Prophet ... font fureur, et le top DJ du moment n'est autre que Yellow Man.
Le reggae est également très actif est Angleterre où les enfants des immigrés jamaïcains viennent revitaliser le genre avec des groupes comme les Cimarrons, Steel Pulse ou Aswad, qui se placent facilement au même rang que les meilleurs groupes jamaïcains ; le lovers Rock est en vogue là bas et une nouvelle génération de DJs émerge également, venant relayer les précurseurs yardies : Maka B, Pato Banton ...


Londres est une des capitales du genre, Leslie y puisera souvent son inspiration au cours de ses nombreux voyages.

LA PASSION DU REGGAE OCCUPE LESLIE
C'est en 1984 du côté de Créteil que le jeune Leslie se lance réellement derrière un Mic, essayant d'imiter Dillinger, son DJ favori. Emballé, il continue à forger son style dans de nombreuses émissions de radio de la capitale (sur 988FM avec Bunny Dread et sur Nova). Baignant totalement dans le milieu, Leslie fréquente toutes les salles de Paris et sa banlieue ; il y fait de nombreuses rencontres et notamment deux jeunes français, Ramses et Ricky, passionnés également, en passe de créer leur propre Sound, le Sai Sai sound. Les 3 DJs se rejoignent alors sur l'idée de jouer ensemble, mais de le faire d'une manière plus originale que les grands frères, en français. Certains s'y essayent déjà et même Gainsbourg ! Mais quasiment personne dans l'underground qui de son côté reste fortement influencé par le model jamaïcain.
Le pari est lancé et les trois Djs (entre autres) partageront le Mic à de nombreuses occasions pendant près de 2 ans. Mais Puppa a déjà pas mal de projets et parallèlement, il continue à fréquenter les émissions de radios et d'autres sounds.
C'est au sein du Kwame
N'Krumah Sound qu'il imposera plus encore son style, aux côtés de Bunny Dread, Aldo B, Saxo, Litte Dan ... et deviendra un des DJs phare de la capitale, tant par son style vif et rapide que par son verbe tranchant et posé.


Du côté des sounds system, c'est le ragga qui est au top, et toute une philosophie s'empare des jeunes débrouillards qui se font à présent appeler raggamuffin (du jamaïcain Rag = haillons et muf = empoté, soit vaurien, le mot a rapidement dévié sur "gosse des rues", "débrouillard").
Profondément ancrés dans la réalité, les raggamuffin abordent de nombreux thèmes dans leurs chansons: le slackness (paillards), la dope, la violence, l'humour et la rage contre le système, Babylone. Parallèlement, le mouvement Hip Hop se développe aussi et de nombreuses collaborations ont lieu.

Si Puppa est petit par la taille, Puppa voit grand. Il rêve de connaître la même vibes à Paris qu'à London ; et pas seulement en Sound System. Puppa est également attiré par les instruments et ne compte pas poser seulement ses lyrics sur des faces B de 45Tr. il tenterait bien aussi l'expérience du groupe.

Le reggae n'est pas le seul mouvement musical underground de l'époque, on y trouve aussi le rap comme nous le disions plus avant et diverses variantes alternatives du rock dont le punk. Contrairement à l'Angleterre, ce mouvement fortement attiré par les influences reggae ne prendra jamais une véritable ampleur en France ; mais comme le mouvement reggae, il existera, restant marginal et surtout localisé sur Paris ; ainsi la rencontre des deux genres était inévitable.
Même si la mémoire musicale des biens pensants ne semble pas l'avoir encore noté, en 1987 une rencontre mythique aura lieu et encore une fois Puppa Leslie est de la partie.
C'est la rencontre de Puppa avec le groupe alternatif AUSWEIS qui depuis quelques temps oriente ses compositions vers la tendance Dub anglaise. Au départ Puppa est septique, le son lui parait trop spécial, mais une fois de plus il va tenter le pari avec à la clé la sortie d'un mini album, "DUB ACTION", au ton raggamuffin, composé de titres engagés comme " le feu va brûler", "il pleut des bombes", "cours Leslie cours" et "tout, tout, tout", 4 titres faisant sensation à l'époque de "touche pas à mon pote", particulièrement après les évènements de 1986 (attentats rue des rosiers, assassinat de Malik Oussekine par la police).
Entre 1987 et 1988 Puppa Leslie et AUSWEIS se produiront dans de nombreux endroits, jusqu'en 1988 et leur dernière apparition à l'Elysée Montmartre avec Mad Prof au mix.
A la fin de l'année le groupe se sépare et Puppa accompagné d'une partie des ex-membres d'Ausweis, épaulés de nouvelles recrues, dont Yao des Djins à la basse, créé une nouvelle formation dans le but de perpétuer le travail commencé. Le groupe empruntera son nom à l'arme de Benet Gesserit dans Dune, GOM JABBAR, nous sommes en 1989.
 

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Contrairement à Ragga Dub Force qui à la même époque devient le backing band et le crew incontournable du moment, Gom Jabbar est un véritable groupe soudé, aux textes piqués d'une révolte très politisée, sans pour autant oublier la règle n° 1 du raggamuffin : l'humour, comme le montre "dimanche au ghetto", tiré de l'album "Belle époque".

"Belle époque", premier et seul opus de Gom Jabbar est anthologique
pour le reggae français, notamment car il est un des premiers albums complets de raggamuffin ; mais il est exceptionnel à plus d'un titre, tellement précurseur sur le genre, en faisant signer le mix par Mad Professor.

A ce moment le reggae français avait bien besoin de ce coup de pousse, étant en phase d'être supplanté par le tout jeune rap. Puppa parvient tout de même à imposer son style aux côtés de quelques pionniers ; on le verra même dans l'émission "Rapline" d'Olivier Cachin (actuel rédacteur en chef de l'Affiche), notamment dans le clip de "Prédominant" dans lequel il figure en boxeur ; quelle époque ! Gom Jabbar tourne dans toute la France, souvent accompagné de quelques acolytes du Kwame N'Krumah, dont ALDO B avec qui Leslie crée parallèlement son propre sound system en 1989, le GHETTO ACTIVITE SOUND SYSTEM.


GHETTO ACTIVITE

Dans une interview donnée à Emmanuelle Debaussart du magasine Best au début des années 90, Puppa explique ce qui l'a poussé à créer son propre sound system :

"Au moment où on a commencé, les Sounds ne concernaient encore qu'un milieu restreint, un petit nombre de gens qui se trouvaient régulièrement. Des rastas principalement, qui toastaient surtout en créole et en anglais et personne ne semblait avoir l'idée de le faire en français. Même les rappeurs, à l'époque c'était aussi des rigolos, avec des paroles genre :" J'étais sur ma bécane, j'ai vu passé une meuf, j'ai flashé sur ses cannes...". Alors on a monté Ghetto Activité et on a essayé d'élever un peu le débat ! Aujourd'hui c'est vraiment devenu un truc hyper important. Ca bouge de plus en plus et ça n'a rien d'étonnant. Mêmes si les médias commencent à peine à s'y intéresser, ça fait quand même plus de dix ans que c'est lancé. Le raggamuffin c'est plus qu'une musique, c'est un état d'esprit, un message qui se propage, une force que personne ne pourra stopper."

En créant son Sound, Puppa ne veut pas faire les choses à moitié. Il se rappelle que pour les Jamaïcains le Sound n'est rien sans son système son, et de ce côté le Ghetto activité était plutôt bien loti avec sa sono de 4000 Watts en façade (que l'on verra même plus explosive à certaines occasion). Mais une autre chose qui tenait à cœur à Leslie, c'était l'esprit du sound, toujours raggamuffin, prêt à jouer n'importe où, n'importe quand, écumant les squats et les salles obscures comme le garage Guy Mocquet, autant que les salles "officielles" du moment, Peuplier, Massena, Bataclan ... ils se faisaient appeler eux-mêmes, les "original squatters".
Avec le Ghetto Activité, Puppa et Aldo ont énormément apporté à l'underground français, donnant tant que possible les moyens, à des jeunes débrouillards, de s'émanciper du Babylone system par le Sound system. Toujours raggamuffin, le frère avait également conservé l'esprit du rastaman, développant tant que possible les projets humanitaires et humanistes, dans le but d'éduquer la nation".
Voilà ce qu'il disait à ce sujet dans l'interview précédemment citée :

"C'est carrément magique, pendant les sounds, tu ne sais pas ce qu'il se passe mais il y a comme un fil qui est là, que personne ne voit et qui relie tout le monde. Les gens sont heureux, différents.
On essaie de cultiver un esprit non-violent, de faire en sorte que les gens aient envie de communiquer les uns avec les autres, que chacun se sente libre et participe. On veut développer une prise de position, pousser les gens à réagir. On sait que personne ne peut rien faire pour nous. Babylone va bientôt tomber, il faut se prendre en charge. Les choses vont mal et ça ne sert à rien d'écouter les politiciens, ils n'ont aucune réponse à apporter à nos questions. Il faut que les gens réussissent à raisonner par eux-mêmes et non suivant ce qu'on leur dit, qui se rendent compte des mensonges qui les entourent. Quand les gens rentrent chez eux, ils ont bougé toute la nuit mais ils réfléchissent à tout ce qui s'est dit. Dans un sound ta conscience ne te laisse jamais tranquille."


Et concernant la société idéale :

" Celle que décrit Haile Selassie, une société selon les lois de Jah, vivre en harmonie avec soi même et avec ce qui nous entoure. Que les richesses de la planète soient partagées entre tous les êtres humains."

Fortement lié au ground, aux racines, Puppa ne connaîtra jamais l'ascension pourtant promise à un artiste de sa trempe.
A partir du milieu des années 90, le reggae prend une nouvelle tournure en France, et on entend plus trop parler de Ghetto Activité qui laisse la place à une nouvelle génération de Sounds, émergeants dans toutes les régions et se


séparant nettement entre tendances conscious et dancehall.
Le reggae s'est propagé dans tout le pays, les groupes instrumentaux sont également de plus en plus nombreux et se divisent également en plusieurs tendances.
Mais l'aventure Gom Jabbar ne perdure pas et Puppa ne produit rien durant les années 90, hormis une apparition avec un remake de "Belle époque" sur la compile "No Limit" de Tonton David en 1998. Les pionniers ne sont plus légions dans la capitale en cette fin de millénaire. Du moins ils ont cédé la place à un reggae souvent moins intègre que le leur, moins engagé. Le raggamuffin cède le pas à la Dancehall, qui envie de plus en plus ouvertement le succès commercial de son cousin Rap, qu'il soit américain ou français. Un temps vient d'être révolu. C'est également la fin de l'ère Mitterrand, la place est à présent occupée par quelques multinationales qui donne libre cours à toutes fantaisies, tant qu'elles sont lucratives.
Le temps a aussi rattrapé Puppa qui n'a pas couru assez vite. La mort l'a emporté le 7 mai 1999, marquant résolument la fin d'une époque.

Pendant prêt de 15 ans, Puppa Leslie a été un acteur indiscutable de l'explosion du reggae en France et pourtant qui se rappelle de lui aujourd'hui ?
Bien sûr, ses proches continuent d'œuvrer en sa mémoire, comme le fait Yao, compagnon de 10 ans avec qui il s'apprêtait à ressortir des titres que Tonton David voulait produire, quand la mort l'a emporté.
Sachant le rôle que la mémoire peut avoir sur les peuples, il nous a semblé indispensable de rendre hommage à cet homme et à son œuvre. Aujourd'hui si le mouvement français veut perdurer, il lui faut penser à son histoire, à ses racines, et pas seulement penser la création artistique en termes marketing. Le reggae est dans notre pays depuis plus de 20 ans et connaît aujourd'hui une richesse sans. La scène des sounds et des groupes est immense, il y a des shops dans quasiment toutes les régions, de l'information concernant le reggae est disponible, tant par les émissions de radios que par les magazines et Internet. Espérons seulement que le mouvement sera en mesure de rester digne des précurseurs qui depuis des décennies activent dans le monde pour donner une vibes qui ne viendrait de nulle part ailleurs.

Big up à Clarisse et ses enfants. Big Up à tous ceux qui ont œuvrés pour que le reggae soit moins anonyme et prenne la place qu'il a aujourd'hui, Bunny Dread, Yao, Kodjo Asher, Jah Mike RDF, Rude Lion RIP, Pablo Master, Aldo B, Sai Sai, Kreyol Syndikat, General Burning et les crews de la première heure, Suppa John, Yod ... Big up à tous les raggamuffin souljah du nord, du sud, de l'ouest, de l'est ...
JAH BLESS

Pour en savoir encore plus sur Puppa Leslie vous pouvez découvrir les témoignages que certains de ses proches nous ont laissés : Bunny Dread - Yao - Luz - et laissez les votres dans le Forum

Visitez le site en hommage à Puppa Leslie. Vous y trouverez de nombreuses vidéos.

© Jahmusik.net - Rubenxela - 10/2002

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