A
l’aube des années 70, la construction de nouveaux studios ;
Randy de Clive Chin, Channel One des frères
Hokim, harry J. … offrent une tribune
à l’idéologie rastafarienne répandue dans les
ghettos de Kingston.
Un nouveau style est en germe le Roots & Culture.
Horace
" Augustus Pablo " Swaby,
l’un des architectes de cette nouvelle vague qui deviendra l’âge
d’or du reggae, naît à St Andrews en 1953 dans une famille
de classe moyenne. Musicien précoce et doué, il apprend la
musique sur le piano familial, il jouera du clavier, du xylophone et du
mélodica (genre de flûte à clavier utilisé pour
l’initiation des enfants à la musique) ce dernier reste intiment
lié à l’image de cet homme à la santé précaire,
il en exploite les ressources comme jamais aucun musicien ne l’avaient
fait avant lui.
Herman Chin Loy producteur d’ "
Aquarius " lui donne son nom d’artiste " Augustus
Pablo " et lui fait enregistrer à 16 ans son premier single
" Iggy Iggy ". En 72 Pablo enregistre sur " Impact
" le label de Clive Chin (un ami rencontré
au Kingston Collège ) " Java " le succès de l’année
en face b " Maro " de Denis Alcapone
et " Hospital Trolley " de I. Roy,
cette même année Clive Chin produit " This is Augustus
Pablo ", un des premiers album dub qui valide le genre " Far
Est " d’Augustus. Une migration à travers le pacifisme
oriental du mélodica doublé d’une détermination
profonde et pénétrante de la rythmique emmenée à
la basse par Aston " Family man " Barret
et à la batterie par Lloyd Adams.
Augustus Pablo est le cyprès qui ne souhaite pas grandir dans l’ombre
du chêne, voulant contrôler sa musique, il crée ses
propres labels ; " Hot Stuff ", " Rocker " nom du
sound qu’il monte avec Garth Swaby son
frère et " Yard & Message ". Ces premières
productions sont des versions de riddims de Studio One " Swing Easy
", " Frozen Soul " et " Rebel Rock "
baptisées " Skanking Easy ", " Frozen
dub " et " El Rocker ". Conservant la mélodie,
il ralentit le tempo le 2eme et le 4eme temps de la mesure sont marqués
par la caisse claire donnant la sonorité Rocker alors que sur la
composition originale le temps fort est le 3eme. Bien que le dub apparaisse
en 1967 avant l’entrée en studio d’Augustus Pablo, il
en est l’un des précurseurs en tant qu’artiste, sublimant
le style en compagnie de l’alchimiste King
Tubby. Le dub devient la version transcendante du reggae, dépassant
les mots il donne une universalité au message musical chargé
d’un profond mysticisme, il est un appel méditatif, un son
éthéré qui manifeste également de puissantes
vibrations terrestres.
En 1977 sort " King Tubby meets rockers uptown " compilant
certains morceaux de cette prolifique collaboration. " Say So
" dub d’un superbe lover rock chanté par Paul
Whiteman, " Sanking dub " sur lequel Dillinger
toaste " Take it Easy ", " Each one dub "
et " King Tubby meets rockers uptown " archétypes
du dub, tirés des sessions avec Jacob "
Killer " Miller qui donneront 6 singles compilés par
Greensleeves avec leurs dubs. Le trio magique enregistre en 18 mois l’anthologie
du reggae des années 74-75. La douce voix du jeune Miller se pose
sur un " keep on Knoking " un lover rock poignant et
déchirant, introduit par une annonce tenébreuse : "
Now this is rockers, original rockers rock is wise ". Jah
Levi un autre protégé de Pablo interpréte
" Book of Life " un appel à la paix et à
la sagesse dans le ghetto, Pablo sur le xylophone que
King Tubby lui a offert enregistre "Black Gun ",
ce riddim semble être la pierre angulaire de sa production. Son
écurie est une pépinière de talents ; Jacob
Miller, The Tetracks (Carlton Hines, Dave Harvey, Paul Magoo), Sister
Africa, Jah T, Dillinger, Jah Levi, Junior Delgado, Yami Bolo …,
en compagnie des Pablo All Stars qui ofrrent
les mesures sur lesquelles ces chanteurs et Dj cristallisent les espoirs,
les attentes, les peines, la rébellion des sufferers des ghettos.
Musicien de studio Augustus Pablo enregistre pour d’autres producteurs,
il fait parti du Mighty Upsetter sur "
Kung Fu meets the Dragon " de Lee "
Scratch " Perry, l’album s’inspire des films d’arts
martiaux, malgré les facéties du dingue et industrieux Perry
le son semble plus oriental qu’asiatique. Les thèmes cinématographique
sont recyclés le Far West a également remporté un
vif succès, reflétant l’ambiance des ghettos, les artistes
prennent des noms comme Clint Eastwood, Lee Van
Cleef, Gregory Peck, The Lone Ranger ou encore Dillinger.
Pablo donne l’impression d’être séduit par le style,
le son du mélodica rappel celui de l’harmonica sur de nombreux
morceaux comme sur " East of the River Nile ", on assiste
à une confrontation entre Western Babylon et Far East Pablo, cependant
le décor planté s’apparente plus à une chevauché
entre paradis perdu et terre promise retrouvée et Pablo s’identifie
mieux à David Caradine de la série " Kung Fu "
qu’à Clint Eastwood.
Résolument tourné vers l’est, de " Java
" à " The valley of Jeosophat", la foi en
Sellasie I est à la source de son inspiration, sur les albums l’empereur
d’Ethiopie est cité comme coproducteur
" Give thanks & praise to the most high king Selassie I for
inspiring I & I to create this L.P. ", " Produced by King
Selassie I through his divine powers working throught I & I to manifest
these inspiration "
autant dire que de simples mots restent dérisoires pour décrire
ou définir ce qui appartient à l’insaisissable.
En 1999 Pablo affecté par Myasthenia Gravis (une maladie du système
nerveux) décède à l’university Hospital de Kingston,
avec sa disparition une page de la musique se tourne, mais le livre reste
grand ouvert.
