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C'est lors de son passage à Paris, accompagné du Sound System parisien Soul Stereo, que nous avons rencontré Maxie Smith, aka Max Romeo, avec qui nous avons pu faire le point sur sa carrière, et sur l'évolution du reggae.

D'abord chanteur des Emotions, avec qui il enregistrera son premier disque "I'll buy a rainbow", c'est sur les standards américains de l'époque que Maxie se calera pour forger son style, avec une pure voix dans la tradition du gospel alliée à un incontestable talent de parolier.

Max Romeo " J'ai commencé à chanter à l'école, et tous les samedis je chantais dans la chorale de l'église. Au début, j'ai commencé à écouter des chanteurs comme Fats Domino, Elvis Presley, Franck Sinatra, Louis Armstrong..., à cette époque le Rythm & Blues nous influençait énormément ; il a d'ailleurs influencé la musique en générale, le rythme. Sur cette base accélérée est né le ska, puis sont venus le Rock Steady, et le reggae. J'ai toujours été très influencé par tous ces gars ; à l'époque, une de mes chansons préférées était "Over and over" de Bobby D, et sur l'autre face il y avait "Rockin' Rabbin"; quand je me présentais pour des tremplins, je chantais toujours

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"Rockin' Rabbin" et je gagnais la plupart du temps. Par la suite, j'ai commencé à travailler avec une maison de disque qui m'a donné la chance d'enregistrer mon premier disque, "I'll buy a Rainbow"."

Mais ce n'est qu'en 1969, que Max Romeo connaitra le succès, avec un titre qui fut certainement un des premiers Slackness, qualifié à l'époque de "Rude reggae", "Wet Dream" (rêves humides), titre qui lui ouvrira les portes des charts tant en Jamaïque, qu'en Angleterre, où les jeunes skinhead avaient adopté le "rude".

" "Wet Dream" est une chanson que j'ai écrite pour Jack Unlimited qui a fait le riddim. Ca a commencé par être un tube dans les charts anglais où il est sorti en premier ; il a atteind la deuxième place du top 10 et y est resté pendant 26 semaines, mais il n'a jamais été joué à la radio. J'ai été censuré dès qu'ils ont vu ma tête. Je me souviens, à cette époque, les Beatles étaient venu me voir et étaient effrayés par le succès de cette chanson. Mais quoiqu'il en soit, ça a quand même été un succès et ça a lancé ma carrière."

Après ce titre, et fort de son succès, Max sortira par la suite des titres décrivant plus la réalité jamaïcaine, comme "Let the power fall", "Six Pence", "Public enemy number one"... et deviendra très vite un artiste incontournable de la scène Yardie.
En 1972, en pleine période électorale, Max roméo comme bon nombre de ses contemporains fut attiré par le PNP qui semblait ouvrir de nouvelles perspectives pour la Jamaïque.


" En fait, je revenais de Londres, où j'étais parti vivre après "Wet Dream"; quand je suis rentré en Jamaïque, j'ai enregistré la chanson "Follow I", Michael Manley l'a entendu et s'est dit qu'elle ferait un très bon slogan pour son parti ; il m'a demandé la permission de l'utiliser et je lui ai donné mon accord. Par la suite, ils ont eu cette idée de faire des shows dans toute l'île, les Band Wagon, et ils m'ont aussi demandé d'y partiper. A cette époque j'aimais ses idées... le socialisme!
Il avait touché l'esprit et le coeur des gens, et tout le monde pensait qu'il serait un espoir pour la Jamaïque ; il a ouvert beaucoup de portes aux Rastas, qui à cette époque étaient encore persécutés.
Nous avons commencé à être plus respecté, alors j'ai pris la décision de contribuer à sa victoire."

MAX ROMEO - copyright Soundicate.com
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Ensuite il y a eu la rencontre avec Chris Blackwell, patron de Island, mais surtout l'époque Lee Perry, et les enregistrements de "Revelation Time" (1975) et "War ina Babylon" (1976)

" Nous étions déjà très proches depuis des années avant de collaborer sur ces projets.
En fait j'ai commencé à chanter pour Bunny Lee, qui était son rival, puis par la suite on a décidé de travailler ensemble sur le projet "War Ina Babylon" pour Island records. Mon premier tune avec lui a été "Three Blind Mice", mixé par King Tubby .
L'atmosphère du studio Perry était très très créative. Perry est un homme qui peut faire sonner n'importe quel objet, et lui donner un vrai son avec son fazer. Il pouvait utiliser une noix de coco, ou bien une feuille de papier roulée en cône pour en sortir un son de saxophone. Les meilleurs moments que j'ai passé en studio, c'était avec Lee Perry."

Après ces deux énormes succès, il se sépare de Lee Perry (nous ne savons pas trop pourquoi) qui le descendra dans toute la presse, et composera un titre en son "deshonneur": "White Belly Rat".
A partir de là sa carrière a commencé à prendre un autre tournant

" J'ai émigré aux USA en 1976, où je devais écrire des lyrics pour une pièce à Brodway, appelée "Reggae". Cette pièce a tournée pendant 7 semaines, puis les critiques ont estimé que le contenu des textes était trop révolutionnaire. Du coup la pièce n'a pas continué, mais je suis resté vivre aux USA pendant un moment ; j'y ai fait différent job, comme bucheron, taxi... puis j'ai décidé de retourner en Jamaïque en 1989, et j'y vis depuis."

Après plus d'une dizaine d'année dans l'ombre, c'est un anglais d'origine jamaïcaine, Jah Shaka, qui sortira Max Romeo de sa ferme, et le poussera dans ses studios pour enregistrer le superbe "Fari is The Captain of my Ship"

" Jah Shaka est venu en Jamaïque avec un projet, mais sans être vraiment certain de ce qu'il voulait faire, ni avec qui il voulait le faire. Je l'ai rencontré chez un de mes amis, Pepe Juda de l'Ethiopian World Federation, il m'a convaincu et nous avons travaillé ensemble sur "Captain of my Ship" et "Our rights"
La seule chose qui ne m'a pas plu dans le projet Captain of my Ship, c'est la pochette ; les graphistes n'avaient que des vieilles photos de moi, je leur ai pourtant donné l'autorisation de les utiliser, mais je ne sais pas ce qu'il ont fait. en dehors de ça c'était excellent.
J'ai d'ailleurs un nouvel album dans le même esprit que "Tafari is the captain of my Ship",qui va sortir sur mon label, il s'appelle "Collision" et il y aura 6 chansons et 6 versions."


Depuis donc le début des années 90, Max Romeo est revenu dans le monde de la musique, et arriverait même à en vivre, mais ce n'est sûrement grâce à Island records, chez qui il enregistra son plus gros succès .


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" Yea!!! Island records ne m'a jamais donné un centime pour l'album "War ina babylon". Je devais avoir 25% sur la production et quelques titres, mais je n'ai jamais touché d'argent. Cette histoire m'a fait beaucoup de mal ; pendant trois ans j'ai refusé de chanter, je n'ai pas mis les pieds dans un studio, ni sur une scène, nul part, car j'étais réellement frustré par la situation. C'est mon meilleur album et je n'ai jamais été rétribué ! Aujourd'hui, la seule chose que je puisse faire, c'est de réediter ces titres sur mon propre label ; ça fait maintenant 25 ans que cet album a été produit, alors automatiquement toutes les chansons m'appartiennent, je les ai toutes écrites.
Je continue aussi à me battre pour récupérer ce qu'ils me doivent; pour ça, je dois voyager de Londres à New york, puis à la Jamaïque, juste pour trouver quelqu'un qui pourrait me dire comment je pourrais récupérer un peu d'argent sur ce disque."


E
n fait ce n'est que depuis l'album "Open the Gate", sur le label Blood & Fire de Steve barrow , que Max Romeo arrive à vivre de sa musique.

" Avec Steve, nous sommes amis depuis un bon moment. On s'est rencontré par l'intermédiaire de Bunny Lee qui était aussi un de ses amis. On était toujours ensemble quand je venais en Angleterre, puis un jour il est venu avec cette idée d'album. Steve Barrow est vraiment un frère, et Blood & Fire est une très bonne société, ils sont droits et honnêtes."

Sur cet album, "Open the gate" ne sont présents que des foundations tunes, de pures paroles, et du vrai reggae roots. En fait Max Romeo, en fin amateur de musique ne s'est jamais vraiment posé et adapté à l'ère digitale, peut être que l'avènement du Sleng Teng aurait tué le reggae ?


" Non, je ne peux pas blâmer le Sleng Teng, mais plutôt les producteurs qui réalisent des disques que tu ne peux pas réellement comprendre si tu n'es pas jamaïcain. Je voyage beaucoup, dans le monde entier, et le seul endroit où j'entende cette musique, c'est en Jamaïque, même ici à Paris ce soir je n'ai rien entendu de tel.
Tout ça, c'est aussi parce que la musique est aujourd'hui dirigée par des gangsters et qu'elle a toujours été alimentée par l'argent de la drogue.
De ma propre expérience, je peux dire que depuis longtemps, le reggae music sert à blanchir l'argent de la drogue ; du coup, il y a énormément de gens qui n'ont rien à voir avec la musique dans les radios, les médias... Ils n'ont aucune idée de ce qui se passe à l'extérieur de leur monde, et ils ont la main mise sur la situation. C'est une situation dans laquelle si tu ne payes pas, tu n'es pas joué ; et moi, de payer pour que ma musique passe à la radio c'est quelque chose que je ne veux vraiment pas faire. Je pars du principe que si tu joues ma musique, tu vends quelque chose de commercial et tu fais ton argent, alors je ne vois pas pourquoi je devrais payer. Alors des artistes comme moi ont peu de chance d'être joué ; ils ne jouent rien de nouveau venant de nous, seulement des vieux titres et même très rarement d'ailleurs ; ils dominent avec Bounty Killer, Bennie Man, Merciless....
Petit à petit, c'est ça qui tue l'industrie de la musique en Jamaïque ; la bonne musique n'est pas jouée et les gens qui produisent ne veulent pas prendre des artistes comme moi parce que nous n'avons pas d'argent de la drogue à donner aux DJs des radios, et l'argent propre n'est bien sûr pas suffisant pour pouvoir se mettre en avant.
Il n'y a plus d'industrie de la musique en Jamaïque, maintenant ça se passe à Paris, en Italie, au Bresil, en Chine, en Yougoslavie, mais plus en Jamaïque à cause de la musique qu'ils ont mis dans le circuit il y a une vingtaine d'années, 56 chansons et 1 riddim, c'est voler le public."


C'est vrai que pour ce qui est du reggae roots tout se passe de plus en plus à l'extérieur de Jamaïque, et finalement Max Romeo, tout comme de nombreux chanteurs de son époque, sont plus connu et reconnu en Europe ou au Japon. Pourtant les racines du reggae sont bien là, et Maxie n'est vraiment à l'aise que dans son île ; alors, si les roots sont là, peut-on dire qu'il n'y a plus de créativité en Jam?

" Non, la créativité est là, les gens sont là, mais ils n'ont pas l'opportunité de rentrer dans le clan ; puis il faut avouer que la musique actuelle doit être rentable, ils n'ont plus besoin d'instruments.
Les jeunes préfèrent prendre un micro plutôt qu'un instrument, parce que c'est plus facile et plus glorifiant, puis ils pensent qu'il y a de l'argent à prendre. Mais il n'y en a pas pour tout le monde, c'est un business frustrant. "

"Si tu as lu la révélation tu sais déjà ce qui va arriver. Il faut juste se tenir prêt. Il n'est plus temps de se rebeller, rester en vie c'est déjà bien."

Max Romeo/ Hutchinson pour Jahmusik/Trad Rubenxela

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