C'est
un vétéran des sounds system parisien que nous
vous proposons de découvrir ou de redécouvrir
pour cette édition.
Certains l'ont peut être découvert en sound system
dès la fin des années 80 avec le sound
Buster à Montreuil, ou encore par la suite
avec le KNS ou le Ghetto
Youth. On l'a aussi remarqué à la radio
plus d'une fois, notamment dans les émissions de Malik
Boulibaï, ou encore sur la compile Ghetto Youth
Progress produite par le regretté Rude Lion
en 1993. Jusqu'à la production de son album "Dans
ce monde" édité par Charles
Aznavour en 1996.
Puis 96 c'est le grand raz le bol et le départ de Paris
avec un retrait du monde musical pendant 4 ans.Depuis plus de
3 ans maintenant, Monsieur Lézard, installé à
Toulouse, entame son grand retour sur le devant de la scène
reggae francophone.
C'est
lors d'un passage à Montpellier pour la soirée
Warlords que nous l'avons rencontré et qu'il nous
a accordé de son temps. Aussi quand on fait une interview
avec Monsieur Lézard, il est impossible de ne pas aborder
de nombreux sujets et anecdotes propres au reggae français,
à son évolution dans la capitale ces 15 dernières
années. Rencontrer Lézard, c'est un peu se
replonger dans l'histoire du reggae en France, et ça
fait bien plaisir.
Pour
en savoir plus :
Allez sur le site de monsieur Lézard : monsieurlezard.com
La
News Letter
INTERVIEW...
Peux-tu
te présenter en quelques mots ?
Je m'appelle Monsieur Lézard, je suis
là depuis quelques années ;
on va dire 1988 ! Avant je m'intéressais
déjà un peu à la musique
mais j'étais encore à l'école,
donc je ne m'investissais pas à 200
% là dedans.
En
fait avant de vivre à Paris, j'étais
de la campagne, en Dordogne. Ensuite je
suis arrivé à Montreuil à
l'âge de 10 ans et j'y suis resté
jusqu'à 27 ans. Maintenant je suis
Toulousain.
Comment as tu commencé
à t'impliquer dans la musique ?
A l'âge de 13 ans j'ai eu le choix
entre la catéchisme et la musique,
c'était pour l'activité du
mercredi après midi. J'ai choisi
la musique et j'ai commencé à
l'étudier. C'était des trucs
scolaires, stricts ; et en parallèle
j'ai fait du saxo jusqu'à l'âge
de 17 ans, jusqu'à ce que je mette
à avoir envie d'écrire des
textes, ça correspondait en France
à l'arrivée du Hip Hop.
Puis un jour je suis allé chez une
copine chez qui il y avait toujours des rastas.
Ils étaient toujours aussi en rond
et fumaient des joints. Je connaissais pas
trop le truc et j'avais plein de préjugés
; puis il s'est avéré que ces
gars c'était Tonton
David et toute sa clique de l'époque.
A force de revenir ils m'ont influencé
en me faisant écouter des sons, comme
des Charlie Chaplin et vu que j'avais
déjà des textes Hip Hop j'ai
eu envie de faire ça.
A
cette époque j'étais encore
au lycée et en parallèle
on avait une petite équipe avec
qui on a monté notre petit sound
system. J'y avais emmené David
(tonton) ... En fait tout le monde est
passé par là bas. Avant
même que je rencontre Bunny (Dread)
vers 1989 je connaissais déjà
les Sai Sai,
Nuttea
... ils étaient tous passés
par ce sous sol qu'on avait investi.
C'était le Sound
Buster, ça remonte
à loin tu sais. Il y avait Azrock,
il y avait Big
Foot ... la petite équipe
de Montreuillois.
Un jour pour noël on avait organisé
un petit truc, et dans la salle, en
spectateur, il y avait l'équipe
du KNSsound ; c'était
Bunny Dread
et toute son équipe, mais on
ne les connaissait pas. Quand je dis
"son équipe" c'était
pas n'importe qui, tu avais
Little
Danny
(devenu El Dan), Saxo
... à l'époque c'était
des mastas, ils cartonnaient. Donc on a fait
notre sound et quand Danny a pris le micro
on s'est tous dis "wow!!", il était
trop fort. On s'est rencontré comme
ça, autour d'un Mic, puis j'ai laissé
un numéro de téléphone
et peut être six mois après les
gars me contactent et me disent qu'ils m'ont
mis sur un sound system et que Bunny Dread
aimerait bien me rencontrer. A partir de 1990
j'ai donc commencé à vraiment
écumer le maximum d'endroit avec Bunny
et toute l'équipe de KNS.
Ca
a duré jusqu'en 1993, jusqu'à l'époque
à laquelle je rencontre Rude
Lion. Je chantais avec Sister
Cherry et s'est elle qui a connecté
Lion. La rencontre s'est tout de suite vraiment bien passée.
En fait je ne le connaissais pas avant et je crois que
si ça avait été le cas je n'aurais
pas été aussi à l'aise, enfin bref
! Donc je lui fait écouter quelques sons qu'on
avait en maquette à l'époque, puis, il me
dit "bon ! là on monte quelques sounds
system, puis on fait une compilation !" C'était
la compile Ghetto Youth avec tout un tas de monde.
Il y avait les mecs d'Expression Directe, Big Red, Meelaz
... On prenait ça vraiment au sérieux et
on répétait tous les jours, malgré
toutes les aventures qu'il y avait à chaque sound,
parce que Rude Lion, c'est vrai qu'il attirait les foudres
du monde entier et à chaque sound system Ghetto
Youth, à 3 heures du matin, c'était les
coups de fusil.
Bon ! on commençait à 22 h00 ,il y avait
quand même des bonnes danses. Mais c'est vrai qu'on
était aussi le premier sound system à augmenter
le prix des entrées et à dépasser
10 keuss, alors que les autres tournaient plus autour
de 40 balles. Aussi les premiers sounds system à
10 keuss on les a fait en faisant venir General
Levy, Sweetie Irie
... ça nous coûtait plus cher.
J'ai
donc évolué avec eux pendant 2 ans et Ghetto
Youth s'est dissout pour X raisons. Je me suis un peu mis
à l'écart, mais à l'époque c'est
vrai que j'avais quand même fait quelques conneries
et je me suis retrouvé face à un choix : soit
je faisais de la musique, soit j'allais en prison parce que
j'avais déjà largement dépassé
les bornes.
En 1996 j'ai eu un raz le cul de Paris
et je me suis barré. J'avais la chance d'avoir
des parents qui étaient en Dordogne. Du coup je suis resté à peu prêt 4 ans
sans vraiment entendre parler de musique, sans prendre contact
avec personne. En fait le raz le bol c'était que j'ai
découvert la vie à 27 piges en me disant que j'aimerais
bien savoir ce que ça fait de se lever le matin. C'est
con, mais c'est la vérité! J'ai eu un peu envie
d'être comme tout le monde! Donc pendant 4 ans j'ai vécu
ça ; le monde du travail, les conneries à la radio
... et les seuls endroits où je bougeais c'était
les quelques boites de là bas. Tout ça m'a quand
même permis de voir autre chose et de me sortir la tête
de là.
En 2000 j'ai atterri à Toulouse en suivant ma
petite amie qui poursuivait ses études. J'avais déjà
un point d'attache parce que Bunny
était déjà là depuis un moment.
Puis un jour il m'a demandé ce que je voulais faire dans
le futur parce qu'il trouvait con que je me sois arrêté
avant même d'avoir commencé ma carrière.
Puis il m'a proposé de me mettre un peu les pieds dans
le management à condition que je me remette dans ma condition
d'artiste. Du coup la machine est repartie.
On a renoué avec quelques gars du passé pour
faire quelques musiques ; on a pris pas mal de contacts, fait
quelques concerts à droite à gauche et depuis
quelques temps on a rencontré des musiciens de Bordeaux
... Enfin ! Là il faut quand même que je raconte
l'anecdote jusqu'au bout si je veux être franc.
En fait, au départ j'avais trouvé des gars sur
Toulouse pour jouer. Je les avais tous plus ou moins sorti de
leur école de musique. Avant ça, malgré
tous les contacts que j'avais eu dans le reggae, je ne trouvais
personne qui me convenait. J'ai donc réuni cette équipe
de gars bien sympathiques, on a mis en place un répertoire
et on a tourné pendant 4, 5 mois. Puis, un jour, on a
fait une date à Bordeaux et en première partie
il y avait un groupe local. Quand ce groupe est monté
sur scène et a commencé son show, on a trouvé
qu'ils avaient de pures harmonies, ils étaient trop fort.
Là, on a entendu du reggae, du bon reggae. Avec Bunny
on s'est regardé et on s'est dit :" c'est comme
ça qu'on veut que ça tourne !". Du coup on
est rentré en contact ensemble et on a commencé
à travailler avec eux. Ca a commencé par la première
partie de Burning Spear
et Sizzla ...
C'est vraiment cool. Petit à petit, j'arrive pas encore
au top de ma forme, mais je me remets dans le bain bien comme
il faut et je me rend compte que je suis archi bien entouré.
J'ai une équipe de travail rigoureuse, carré,
efficace, qui regroupe de plus en plus de monde ... Je suis
content de l'évolution de la chose !
En
ce moment quelle est ton actualité ?
L'actualité du moment, c'est le titre "Si
faire de la musique est un crime" qui est sorti
il y a quelques mois chez Patate Records. Sinon je vais
bientôt sortir quelque chose de plus instrumental, travaillé
en Studio avec des musiciens, contrairement à "si
la musique est un crime" qui est plus digital. C'est un
titre un peu plus festif, il s'appelle : "La
vie est ainsi faite". Ce que j'entends par festif,
c'est que ce titre est un moyen positif de dire que la vie est
comme ça, avec ses haut et ses bas.
Il
y a quelque chose dont tu ne nous a pas parlé, c'est
ton album "Dans ce monde"...
Ouais c'est vrai ! En fait je l'ai zappé pour une simple
et bonne raison, c'est que quand cet album est sorti, j'étais
plus préoccupé par les conneries que je faisais
à côté et tout ça a débordé
sur ma musique. Au point que je me suis embrouillé avec
la boite de distribution. Il y avait aussi une mésentente
quand même. Ils avaient décidé de ne sortir
que des CDs. Mais en 1996 ce n'était pas encore comme
aujourd'hui, les gens utilisaient encore beaucoup de cassettes,
dans les walkman, dans les postes. Du coup, je voulais qu'ils
fassent une certaine quantité de cassettes. On a commencé
à s'embrouiller la dessus parce qu'ils n'avaient pas
voulu. On était en désaccord sur 2, 3 trucs, le
type avec moi était un peu chaud, du coup les affaires
se sont envenimées et ça m'a valu le retrait des
bacs de mon album au bout de 2 mois. C'est à cette époque
que j'ai trouvé tout trop lourd à supporter. Cet
échec plus les conneries d'à côté
! Je ne me voile pas la face, tout ce que tu sème, tu
le récolte. Seulement après il y a la manière
d'ouvrir les yeux ; c'est à dire que tu vois ce que tu
es en train de faire, ou tu ne le vois pas.
Voilà
comment cet album est passé à la trappe. Mais
maintenant avec le recul, je peux aussi me rendre compte de
pas mal de choses. Sur ce disque j'avais voulu tout faire. En
fait, j'écoute beaucoup de reggae, mais finalement j'écoute
aussi beaucoup de chanson française du genre
Aznavour, Goldman. Donc quand on m'a donné la possibilité
de faire un album reggae, j'ai voulu montrer que je savais tout
faire. Autant des phases de rap, que de ragga, de chant, de
la jungle ... j'ai voulu exploiter le plus grand panel possible
pour montrer que j'étais un artiste entre guillemets
multi-facettes. A l'époque, ça m'a valu pas mal
de reproches venant des mecs du milieu. On m'a reproché
de ne pas rester assez dans le reggae et d'avoir fait un truc
au format commercial.
Maintenant
c'est plus vraiment pareil ; quand les gars écoutent
cet album, ils me disent que j'étais vraiment en avance
sur mon temps. L'ironie du sort, c'est qu'aujourd'hui, je ne
sais pas si je serais vraiment capable de me poser sur autant
de trucs. Ca me fait moins kiffer. Voilà comment a été
fait cet album. Aussi vite fait qu'enterré.
C'est Aznavour qui avait édité
ce disque ?
Oui. En fait, parmi les chansons que j'aimais de lui et que
je n'arrêtais pas de chanter, j'en ai choisi une pour
l'harmoniser reggae, c'était "Sur ma vie".
Pour ça, il avait fallu l'autorisation d'Aznavour.
On a donc eu un rendez vous, ça lui a plu et il m'a proposé
en plus de protéger le titre et d'éditer l'album.
Ce qui l'a fait kiffer et ce qui le fait toujours kiffer aujourd'hui,
parce que j'ai lu une interview récemment, c'est de voir
un jeune interpréter une chanson écrite à
la base pour les années 30.
Il
y a autre chose dont on a pas parlé, comment t'es venu
ton nom ?
Ca remonte à vraiment loin. D'ailleurs je tiens à
faire une petite dédicace aux gars de cette époque.
Je crois que leur nom de groupe c'est Macadam,
c'est une équipe de danseur Hip Hop qui font des shows
un peu partout dans le monde entier. Donc je traînais
pas mal avec l'un d'entre eux, José, c'était
à l'époque du Hip Hop. En fait on partait pas
en vacances, on allait au parc de Créteil parce qu'il
y avait une piscine extérieure avec des grilles autour
et on fraudait pour aller se baigner. Un joue je ne suis pas
allé me baigner, j'étais tout blanc et je suis
resté allongé toute la journée au soleil.
Puis il y a un des gars qui a dit : "Il
fait le lézard" et c'est parti
comme ça, j'ai gardé ce surnom. Par la suite
je me suis aperçu que ce nom ne laissait pas indifférent
et que même si les gens ne se rappellent pas toujours
de ma tête, ils se rappellent de mon nom...
MONSIEUR
LEZARD / Juman pour JAHMUSIK.net
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