Vous
faisiez peut être partie des privilégiés
qui ont pu assister au grand retour du KING ORIGINAL
SOUND en France, à Rennes, aux côtés
d'un sound français que nous connaissons bien
: le King Fari.
Plus qu'un sound system, KING ORIGINAL est une institution
outre manche tant ses membres ont été
actif dans la scène reggae ces 30 dernières
années.
Reconnu comme un sound Roots & Culture incontournable,
Original Sound est aussi une structure de production,
un studio et on ne compte même plus tout les enregistrements,
albums, riddims auxquels ils ont participé, tant
il y en a.
Le
sound KING ORIGINAL de East London est un des plus anciens
du pays, 100% Original, Roots & Culture, this is
a rastaman sounds.
C'est Dread Lion du King Fari Sound qui a rencontré
Kenny
Original, lors de son
passage à Rennes. Ensemble, ils parlent du KING
ORIGINAL SOUND et de l'évolution des sounds system
au cours des 3 décennies pasées.
Tu
m'as dit que ce n'est pas la première fois
que vous veniez en France ?
Selassie I sait que c'est
un long travail que nous entreprenons. En effet
ce n'est pas la première fois que I&I
vient jouer en France ; c'est un long voyage qu'on
a commencé il y a bien longtemps. Le premier
Sound anglais à jouer en France ! Aujourd'hui
on revient pour propager l'esprit de Selassie
I, de King Fari, l'esprit Original ...
Quand
êtes vous venu pour la première fois
alors ?
On est venu à Paris
en 1980 avec JUNIOR
DELGADO, puis l'année suivante
avec EEK A MOUSE.
On faisait ça dans toute l'Europe et même
dans tout le monde, en s'occupant de tout en même
temps : la production, le management, les tournées.
Je pense qu'aujourd'hui on peut dire qu'on fait
partie des fondateurs du reggae Européen.
Peux-tu
nous parler des débuts de KING ORIGINAL
? KING ORIGINAL est un
sound rasta, et rasta a commencé bien
avant 1973, avant que Bob Marley ne sorte
"Catch a Fire" ou autre chose.
Mon son est un son RASTA.
A cette époque, il n'y en avait pas des
masses, mais je voulais déjà créer
mon sound.
C'est mon aîné Clifton
Wazair Carnegie, un joueur
de percussion professionnel et aussi un des plus
grand producteur en Angleterre, qui a en quelques
sortes fondé le Sound. Il m'a présenté
à son frère Frankie
et a un autre gars qui était entrain de
créer S&G records, Reader.
En fait KING ORIGINAL existait avant 1973, mais
c'est à partir de cette époque qu'on
a commencé à écumer les salles
du monde entier. C'était à l'époque
de "Catch a Fire" de Bob Marley.
Donc,
en 1973 en Angleterre ! Est-ce que tu peux me
parler de la scène reggae de l'époque
en Angleterre ?
Comme
partout, le reggae music s'est développé grâce
à ses fans, aux gens qui aiment la musique, qui aiment les
couleurs vert, jaune et rouge et le message prêché qui
est l'Amour. A cette époque, il y avait aussi beaucoup de problèmes
dans le monde et beaucoup de gens se sont tournés vers le reggae
qui pouvait dénoncer l'oppression, le racisme, l'esclavage
...
A
la fin des années 70, l'Angleterre a été particulièrement
touchée par des mouvements de contestation sociale. Est-ce
que les Sounds System, le reggae, y ont joué un rôle
?
A cette époque, c'était difficile
de jouer du reggae, n'importe où en Europe, parce que c'était
de la musique Black. Les gens souffraient vraiment du racisme en
Angleterre. La musique était une de nos principales soupapes
en dehors de l'église. C'est vrai que le Sound System
a été un moyen de se réunir avec des gens,
mais à cette époque, nous n'avions pas vraiment d'équipement
adapté.
Dans
les années 70, quels étaient les Sounds System les
plus importants à Londres ?
A cette époque tu avais des sounds
comme KING ORIGINAL, c'était aussi les débuts de JAH
SHAKA, il y avait COXSONE Sound,
JAH TUBBY's aussi commençait.
Déjà
avant ça il y avait des Sounds comme Stereograph
... Beaucoup de sons venaient de Jamaïque. Ce sont les
Jamaïcains qui ont ramené le concept du sound en
Angleterre. Le mouvement des Sounds system n'a pas commencé
Big, mais avec des vibes que nous apportait la musique ; des
vibes qui nous rappelaient nos racines, notre culture ...
Comment étaient les relations
entre tous ces sounds system ? Y avait t-il une compétition
?
Il y a toujours eu de la compétitions entre les sounds
et ça ne changera jamais parce que l'homme est compétitif
par nature. Ceci-dit, il n'y avait pas de place pour la violence
à cette époque.
Pour ce qui est de la compétition, c'était normal,
parce que c'était assez difficile de se procurer les
derniers sons de Jamaïque, alors quand tu en avais, tu
les jouais toute la journée et toute la nuit, c'est comme
ça que des morceaux sont devenus des hits, puis que des
gars sont devenus des stars en Angleterre. On a beaucoup travaillé
à la fin des années 70, début des 80 pour
mettre en avant des artistes pionniers comme SUGAR
MINOTT, FRANKIE PAUL,
DADDY FREDDIE.
Dans
les années 80, la compétition a pris une autre
tournure. Est-ce que vous avez pris part à des Sounds
Clash à cette époque ?
Comme tu sais, le nom de I&I est
KING ORIGINAL, "the original King", et rasta
ne clash pas ! Mais si rasta doit se défendre,
ORIGINAL Sound peut tuer n'importe quel Sound ! Et
si ça doit arriver, on le fait avec la foi en Selassie
et on ne tue personne, parce qu'on ne croit pas en ces trucs
de meurtre. En jouant notre musique, on fait aimer Selassie
à n'importe qui.
Pendant les années 80 de nombreux artistes se joignaient
aux sounds system. Ensuite est arrivé le Jugglin' et
ce sont les sélecteurs qui ont pris une place prédominante.
Comment perçois-tu cette évolution ?
Le fait qu'à présent ce soit le sélecteur
qui soit l'artiste me touche particulièrement parce
que j'aime beaucoup les artistes, je travaille avec eux, je
vit avec eux. Ca a donc été assez difficile
d'accepter que ce soit les sélecteurs qui deviennent
les célébrités. En dehors de ça,
j'apprécie le travail que font
certains gars . Mais c'est clair que
dans les années 80 la vibe n'était pas du
tout la même, on cherchait toujours à se
réunir, à partager, à faire des choses
ensemble. C'était une époque où on était
frappé par le chômage, le racisme et on faisait
notre maximum pour que le reggae soit présent dans
les médias, qu'on en parle.
Tu
as travaillé avec de nombreux artistes avec le KING ORIGINAL
; peux-tu nous citer les principaux ?
Dans mon sound il y a toujours eu des
artistes jamaïcains. C'est un sound où ils se sentent
à la maison. SUGAR MINOTT,
FRANKIE PAUL, DEVON
RUSSEL, SANCHEZ,
EEK A MOUSE... Tu sais Londres
est la deuxième plus grande communauté de jamaïcains
en Europe ; c'est pour ça que tout le monde y passe,
les musiciens, les producteurs, les tourneurs, les distributeurs
... et tous passent par chez nous.
C'est comme ça qu'on a commencé à sortir
nos productions sur notre propre label au début des années
80. On sortait des release de riddims des années 70.
Original Sound a toujours fait la promotion de ce style de dancehall,
parce que c'est le style que les gens aiment.
Dans
les années 90, c'est encore un autre tournant qu'ont
pris les Sound, le Fast style, avec des sessions où on
entend 30 secondes d'un son, où les dubplates faits rapidement
dominent ... Ca devient un vrai business ! Que penses-tu de
cette évolution ?
Selon moi, l'évolution de la musique
caribéenne durant ces 50 dernières années
a été phénoménale. La musique s'est
développée sous différents aspects et continue
d'ailleurs, parce qu'on a nos enfants qui viennent derrière
nous. Pour ce qui est du développement des années
90 vers la musique électronique, ça vient de l'Europe
! Et concernant le fait que la vibes soit Fast, il faut aussi
se tourner vers la vie quotidienne, vers la politique ! Si tu
regardes bien cette période, qu'est ce qui se passe en
Europe ? Tout est Fast !
Fast style, fast drink, fast money, fast food ... TOUT ! Même
dans la musique, parce que la musique reflète ta communauté.
Tu
me disais que dans les années 70 le sound system était
quelque chose de plus communautaire, où les gens se
réunissaient pour faire des choses. Aujourd'hui l'attrait
principal est souvent l'argent, c'est vraiment du business
... Est-ce que tu penses qu'il y a toujours une place pour
l'esprit communautaire ?
Je connais de nombreux Sounds, partout
dans le monde, qui partagent ma philosophie ; qui partent
du principe que le sound est ta communauté et ton église.
Si on laisse les gens penser différemment, c'est comme
si on laissait tomber la musique. Sans
la communauté, tu ne peux pas faire un sound
! Tu as besoin de menuisiers, d'ingénieurs, de producteurs,
tu dois avoir des tas de connections ! Il faut alors continuer
ses activités et impliquer sa communauté.
La raison pour laquelle la musique a changé dans les
années 90, c'est que l'homme s'est cru plus important
que la communauté.
Actuellement
tu concentres une grosse partie de tes activités sur
la production, peux-tu nous parler des projets en cours ?
En
ce moment on travaille sur des projets très sérieux.
Le plus important, c'est de s'arranger à ce que le
reggae anglais redevienne aussi important que dans les années
80 ; à l'époque de ASWAD,
STEEL PULSE, ORIGINAL
SOUNDS, MISTY IN ROOTS,
il y avait plein plein de musiciens, de groupes ... On souhaiterait
vraiment retrouver cette vibe.
Sinon je travaille sur des projets DUB.
On devrait compiler 4 albums ensemble, il y aura aussi Johnny
Osbourne et pas mal d'autres artistes qui chantent
du ROOTS ; parce que ORIGINAL SOUND est un sound rasta
! Tout ce qu'on fait est strictly Roots. Aujourd'hui nous
sommes reconnu tant pour nos productions Roots que pour notre
contribution au Roots jamaïcains parce que ça
fait plus de 30 ans qu'on fait ça et plein d'artistes
ou de producteurs Jamaïcains se sont servis de nos riddims.
En fait je ne travaille pas sur un seul label, ma vision est
beaucoup plus globale que locale musicalement. Depuis toujours
je travaille avec tout le monde. Si un artiste français
veut venir poser sur mes riddims, il est le bienvenue. On
ne veut pas produire une seule sorte de riddim, mais on veut
travailler pour tout le monde.
Aujourd'hui on a notre propre studio, le studio
55. Tu y trouves les meilleurs musiciens, les meilleurs
artistes. On essaie vraiment de faire ressortir une très
haute qualité du Roots UK.
Hier
tu jouais en France à Rennes, comment as-tu sentis
la vibe ?
Selassie I know, ça fait un petit
moment que je viens jouer en France, et cette fois encore
ça a été une véritable joie. Il
y a eu des barrières, des obstacles, mais à
la fin de la journée, quand les gens sont rentrés
chez eux, ils étaient fans.
Rappelons nous bien que sans tous ces gens on ne peut pas
faire de reggae !
La place était sympa, la vibe a été bonne
pour tous les gens qui sont passés dans cette danse.
Dès qu'ils entendent du Roots, même s'ils n'aiment
pas, ils viennent écouter et peut être que ça
peut changer leur vie parce Selassie I est bon.
Tous les gens qui font la promotion du Slackness dans la musique,
on ne vous combat pas, on vous aime, vous faites aussi partie
de notre peuple ! Mais à un moment, il faut vraiment
se rendre compte que la promotion de la violence, du sexe,
des armes, de l'homosexualité n'est pas du tout nécessaire
à notre époque. Ce
qui est important c'est SELASSIE.