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Au
moi de mai, nous vous avions annoncé le départ du KING
FARI Sound System pour le KOSOVO.
Cela fait maintenant près de six mois que nous suivons le parcours
de ce Sound Parisien que nous
vous avions présenté à nos débuts.
Cette fois ci, ils sont de retour de leur périple, d'un pays où
la guerre et les bombes ne sont encore que trop présentes dans
les mémoires.
Ayant pu intercepter Dread Lion, nous vous proposons ce mois ci, une interview
dans laquelle il nous donne ses impressions sur le déroulement
des évènements, et exclusivement pour vous il nous délivre
le carnet de route de leur périple au KOSOVO |
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- A
la base vous aviez prévu de faire deux shows, vous en avez
fait 5, comment ça s'est passé?
Les autorités en place se sont
dites qu'il serait dommage d'en rester là, et que si on était
déjà sur place, autant en profiter. Nous nous étions
déclarés prêt à faire plusieurs shows,
surtout dans les enclaves où les populations étaient
isolés. Et comme nous avions finalement été
le seul
groupe à venir, il restait un budget non négligeable
qui pouvait être
utilisé pour quelques shows supplémentaires. S'est
donc mis en place une petite tournée, et l'opération
a pris de l'envergure. Il a été également question
d'aller jouer en Macédoine, mais là, nous avons refusé,
car le
climat y était trop tendu, et la sécurité n'était
pas assez assurée.
- Kossovar
et reggae?
Les kossovars n'écoutent pas
énormément de reggae, c'est vrai, bien que nous ayons
souvent entendu Bob Marley tout au long de notre séjour.
Par contre,
nous avons vu énormément de CD de Hip hop vendu au
noir dans les rues. De plus, il y a quelques groupes de raps locaux.
D'ailleurs, l'accueil était généralement plus
enthousiaste pour les chansons au rythme dancehall que pour le roots
reggae, ce qui nous a surpris. En effet, il semble que les
gens ont un besoin énorme de faire la fête, de se défouler,
et de danser sans trop se poser de questions. Le message de paix
n'a d'ailleurs pas toujours été accueillis avec énormément
d'enthousiasme, les cicatrices de la guerre ne s'étant pas
encore refermées. Ce qui n'était pas le cas des populations
serbes, repliées dans les enclaves, qui eux étaient
très sensibles et favorables à un message de réconciliation.
Mais si les gens, ont parfois été réticents
par rapport au message, ils ne l'étaient pas au niveau des
vibes que véhiculaient notre musique. Nous étions
conscient que
nous prenions des risques en venant prêcher l'unité.
Mais le reggae a une
mission éducative, et ce qui a du mal à passer avec
des diplomates
internationaux a peut être une chance de passer avec nous.
C'est en tout cas ce que nous espérions. La bonne ambiance
des concerts nous a d'ailleurs donné raison, en partie du
moins.
- relation
avec l'armée?
La relation avec l'armée a été
très bonne en général. On a vu que les militaires
sur place avaient vraiment envie d'aider, de contribuer à
une paix fragile. Ils font un travail très difficile, ingrat
parfois car ils ne
reçoivent pas toujours la reconnaissance des populations
qui les considèrent
souvent comme des intrus. Mais leur rôle est essentiel, car
ils garantissent la paix sur place.
|
-
Comment avez vous perçu la situation
du kossovo? Quel climat politique y règne actuellement?
Le pays est en reconstruction, il est
sous administration des Nations-Unies. La monnaie courante y est
le Deutschmark,
ce qui est assez surprenant. On a l'impression que le pays ne pourrait
pas encore voler de ses propres ailes. La tension est encore très
présente, les
populations serbes et albanaises vivent strictement séparées.
La Macédoine
est encore en guerre. Il faudra encore beaucoup de temps pour que
la haine se tasse. Cependant la capitale Prishtina, exclusivement
albanaise, donne l'impression d'une ville plutôt paisible.
- Si c'était
à refaire?
Nous repartirions immédiatement
! Il n'est pas exclu d'ailleurs que nous y
retournions, car les organisateurs étaient vraiment très
satisfaits et
enthousiastes de notre engagement. Nous avons systématiquement
donné le
maximum de nous même, dans des conditions techniques très
difficiles. Et
toujours dans un esprit positif, même dans les moments de
tensions extrêmes.
Je crois qu'ils ont vraiment été très surpris
à ce niveau.
- Qu'est ce
que vous avez fait cet été? qu'en est
t'il du projet de jouer à Portland, Jamaica?
Nous sommes un peu
parti en vacances, et nous préparons la rentrée, prenons
des contacts et organisons le calendrier pour l'automne. On a tendance
a oublier que le côté organisation est une part importante
de l'activité d'un sound system qui veut tourner régulièrement.
Nous devons contacter beaucoup de monde, envoyer des dossiers, des
cassettes, relancer les anciens contacts, tout en sachant que beaucoup
d'efforts n'aboutissent pas. En plus, Shocking Murray est actuellement
en studio et enregistre son album, il n'est
donc pas disponible. C'est une des raisons pour laquelle nous avons
repoussé notre projet d'aller jouer à Portland pour
le début de l'année prochaine.
L'autre raison est que nous participons, comme l'année dernière,
à la deuxième édition du championnat de
France des sound systems qui à lieu d'octobre à
décembre. De plus, nous avons déjà pas mal
de dates à l'automne.
Pas assez en France malheureusement car nous aimerions jouer plus
en
province, dans le Sud notamment.
|
-
Dans quel contexte a t-on fait appel à vous ?
Les autorités françaises
en coopération avec l'ONU voulaient organiser une grande
fête de la musique le 21 juin à Prishtina, la
capitale du Kosovo. Ils
cherchaient plutôt un groupe français avec un message
positif, mais pas trop
cher car le montant du budget était incertain. Plusieurs
groupes ont été
contactés, dont nous.
Au départ, de nombreux artistes devaient faire le déplacement.
Une copine qui connaît notre engagement culturel en tant que
sound system et qui a suivi notre parcours nous avait recommandé
auprès des autorités françaises sur place.
Nous avons réagi tout de suite très enthousiaste et
nous nous sommes immédiatement déclaré près
à venir, même
gratuitement. Nous avons même proposé d'étendre
l'action à des endroits plus reculés, où les
populations avaient souffert. Ensuite, quand les choses se
sont précisées, nous avons finalement été
les seuls retenus. Je crois que c'est surtout notre enthousiasme
et notre volonté d'apporter quelque chose
qui a convaincu. Et notre mobilité, la formule sound system
étant plus simple d'un point de vue logistique qu'un groupe,
où il faut transporter plus de matériel et gérer
une plus grande équipe.
- Avant d'y
aller qu'est ce que vous évoquait le Kosovo?
Beaucoup de souffrances et de divisions.
Comme tous le monde, nous avions suivi le développement du
conflit dans les médias, et nous savions à quel
point les populations avaient énormément souffert.
Nous sommes depuis
longtemps de l'avis que la musique peut panser certaines plaies,
et qu'elle peut véhiculer des messages positifs, qui peuvent
faire réfléchir.
Face à la violence irrationnelle, la musique reggae présente
un contrepoids, irrationnel également parfois, qui fait du
bien. C'est d'ailleurs toujours dans cette optique que nous travaillons.
Nous avons toujours soutenu les
projets humanitaires et nous nous sommes d'ailleurs souvent produits
dans des concerts de charité. Aller au Kosovo s'inscrivait
donc totalement dans cette logique.
- Quels membres
du crew était présent?
Le crew en entier. Le selecter Daddy
K, Shocking Murray, notre MC jamaicain, et moi-même,
Dread Lion, MC-animateur également.
- Etiez vous
le seul groupe Français? étranger?
Nous étions le seul groupe venus
de l'étranger. Mis à part une formation musicale de
militaires de la KAFOR, le reste des concerts étaient assurés
par des groupes locaux.
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Jeudi 21 juin
Départ de Paris aux aurores. A laéroport,
lhôtesse, à laquelle nous avons remis nos passeports,
les contemple longuement puis nous jette un regard incrédule, du
style "Quest ce quun français, un marocain et
un jamaïcain peuvent bien aller foutre au Kosovo? . Du coup,
elle préfère se rassurer et nous demande intriguée
« Cest bien à Prishtina que vous allez ? ».
Premier problème : nous navons
pas de visa. Lattaché culturel de lambassade nous avait
assuré que nous nen avions pas besoin. Lhôtesse
se tourne vers sa collègue « Tu sais sil faut un visa
pour le Kosovo ? », mais personne nest au courant. Un supérieur
est appelé, mais lui non plus nest pas formel. « Vous
y allez pour quelle raison ? » nous demande til. Une tournée
organisée par les autorités françaises et lONU
? Vous avez une invitation officielle ? Nous nen avons pas. Finalement,
après quelques discussions, on nous laisse passer, mais sans garantie
quen Slovénie, où lavion transite, on fasse de
même. Le transit se passe sans difficulté et nous nous posons
à Prishtina avec un léger retard. « Vous allez halluciner
en arrivant à laéroport ! » nous avait annoncé
Laura, la collaboratrice du Bureau de Liaison de la France au Kosovo.
En effet, à la sortie de lavion, des militaires partout,
mitraillette en bandoulière. A la douane, une sorte cabane en
planche bricolé à la hâte, nos passeports attirent à
nouveau lattention, alors quà coté de nous un
albanais explique aux douaniers son séjour en prison en Allemagne
pour tentative dimmigration clandestine, les militaires des différentes
nationalités présentes (les forces de lONU en comptent
plus dune dizaine) discutent de notre cas. Nous avons beau expliquer
pourquoi nous sommes là, on ne nous croie pas. Après attente,
plusieurs coups de fil et négociation, on nous laisse finalement
passer. Derrière la douane, nous sommes accueillis par lattaché
culturel et son assistante qui, inquiet, simpatientaient déjà.
En effet, le premier concert est prévu dans quelques heures le soir
même, et il faut encore faire les balances. Entre temps, notre jeep
passe à coté de nombreuses maisons bombardées. |
« ça
cest le campement des russes », nous explique ton
en désignant quelques tentes au milieu de ruines. Arrivé à
lhôtel, un vieux bâtiment dapparatchik communiste,
« le meilleur de la ville » comme on nous dit, nous nous
changeons rapidement car nous sommes en retard. Quand nous arrivons sur
les lieux, les concerts ont déjà commencé: impossible
de faire la balance. Nous essayons de communiquer avec les techniciens,
visiblement dépassé par lévènement. Difficulté
supplémentaire, aucun ne parle langlais. Pendant quon
cherche un interprète, les groupes (rock indé, rap kosovar,
pop albanaise...) senchaînent sur scène, accueillis avec
un enthousiasme variable par une foule importante, principalement composée
par de jeunes albanais kosovars. Une panne délectricité
interrompt le tout. « ils ont lhabitude, ils reviendront
» nous explique ton dun ton nonchalant. Laissant les
techniciens saffairer, nous enregistrons dehors un clip contre la
drogue pour un groupe de jeunes journalistes. Shocking
Murray se lance devant un petit freestyle devant la caméra : «
Say no to drugs, say no to drugs, people of Kosovo you haffi say no to drugs
! ». Cela deviendra par la suite lhymne de la
tournée, car il le refera en live lors de tous les shows, et elle
sera repris en coeur le soir même par la foule. Lorsque le MC de la
soirée nous annonce en grande pompe, la technique ne suit pas. Nous
commençons le |
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show malgré
tout, mais nous sommes contraints darrêter au bout de 5 minutes
car le son est horrible. Après plusieurs bricolages pendant lesquels
le public simpatiente, le son arrive à être à
peu près correct, et le show peut enfin commencer. Frileux au départ,
le public semble préférer les parties dancehalls et les
parties live que nous faisons en duo avec Shocking Murray. Au bout de
45 minutes, nécessaires à faire passer la surprise, le public
se détend et danse tout dabord assez timidement, puis de plus
en plus frénétiquement. Après deux heures de show,
nous quittons la scène devant un public enthousiaste, les organisateurs |
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nous faisant comprendre
que les militaires aimeraient que cela se termine. Pascale, la responsable
des affaires culturelles de lONU (ayant dansé pendant toute
la durée du show !) nous emmène encore manger dans un restaurant
ouvert toute la nuit.
« La cantine de Bernard Kouchner », nous explique telle.
Après un repas assez simple, composé de essentiellement de
salades (la cuisine végétarienne nest pas trop dans
répandues dans les moeurs !), nous nous rendons encore à un
bar de nuit qui accueille régulièrement des groupes locaux.
Selon Pascale, le patron voudrait que nous produisions dans son bar dans
les jours qui suivent mais souhaiterais nous rencontrer auparavant. Nous
sommes en effet accueillis chaleureusement par un patron visiblement très
content, qui nous offre tournée sur tournée. Il montre un
certain intérêt en effet pour un concert dans son bar, mais
il essaye de négocier celui-là contre un visa pour lItalie
pour un proche. On apprendra par la suite que ce bar sert plus ou moins
de couverture pour la mafia albanaise. Après avoir décidé
que nous repasserions demain pour discuter du show, nous regagnons lhôtel,
épuisés. |
Vendredi 22 juin
Le lendemain nous nous retrouvons tous assez tôt à lhôtel,
car le programme est chargé pour la journée.
En effet, un concert est prévu ce soir à Grastanica,
une enclave serbe, à quelques kilomètres de la capitale.
Seulement, nous devons nous y rendre très tôt, car il nest
pas du tout certain que sur place, il y ait le matériel nécessaire
pour assurer laspect technique. En effet, cette enclave est complètement
séparée du reste du pays par plusieurs barrages militaires,
et les populations serbes ne quittent lendroit que sous escorte
armée de lONU.
Pour nous y rendre, nous navons quune voiture de lONU
à disposition. Or nous sommes trop nombreux, et une partie doit
suivre en taxi. Seulement, le chauffeur, de nationalité albanaise,
refuse de se rendre dans la partie serbe. Après négociation,
il se laisse finalement convaincre par un copieux supplément sur
le tarif de la course. Arrivé aux barrages militaires, nous tombons
sur une file de voitures à larrêt à perte de
vue, les passagers attendant patiemment les contrôles de leurs véhicules
et de leur identités par les soldats de lONU .
En effet, le risque dattentat reste très élevé.
Nous doublons la file, et arrivons directement au poste de contrôle.
Je maperçois que jai oublié mon passeport
à lhôtel. En principe, nous explique Pascale nous
ne pouvons pas passer sans passeport. Tension. Heureusement, le badge
ONU de Pascale, accompagné de quelques explications, détendent
les soldats et ils nous laissent passer. Arrivé à la mairie,
cest leffervescence. En effet, tous le monde sactive
pour le concert prévu le soir même à la salle des
fêtes, lévènement étant le premier dans
le genre depuis la fin des hostilités. Une annonce tourne en boucle
à la radio locale. Le problème : le matériel, le
plus difficile étant de trouver des platines. Les autorités
françaises avaient pourtant insistés à maintes reprises
pour que nous ne ramenions pas les notre, pour des raisons de nombres
de kilos limités en bagages.
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« Il y a
tout ce quil faut ici », nous avaient-ils assurés,
après avoir reçus notre fiche technique. Manifestement, ils
sétaient trompés. Du coup, tous le monde est réquisitionné,
lun prête des enceintes, lautre les micros ; mais
toujours pas de platines. Seule solution, aller en chercher à
Prishtina, mais cela veut dire passer à nouveau les barrages. Et
le seul magasin de location de matériel de la ville a déjà
fait savoir quil ne louerait pas son matériel pour un concert
dans la partie serbe. Encore une fois, la promesse dun large dédommagement
réussit à vaincre sa résistance, et Pascale part franchir
les barrages militaires afin de récupérer les platines. Entre
temps, les gens commencent à se rassembler devant la salle des fêtes
dans lattente du concert. Tous le monde est venu, beaucoup dados,
mais également des enfants, et même des vieillards.
Une demi heure avant le commencement, Pascale arrive enfin, les platines
sous le bras. Après un rapide sound-check, nous nous retirons dans
les loges et les
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portes sont ouvertes. La salle
est pleine à craquer, de personnes dabsolument tous les âges.
La réaction est beaucoup plus enthousiaste que la veille. Et si une
partie de la salle se vide rapidement (les personnes âgées
sont visiblement pas trop emballés), le reste dégage une rare
euphorie. On a vraiment limpression que les gens ont un réel
besoin de samuser. Chaque
« How youre feeling ? » est répondu par de nombreux
cris. Vers la fin du show, la scène est envahie par une
foule denfants et de jeunes filles qui se déhanchent sur les
riddims divers que nous jouons. Les parties live suscitent le plus denthousiasme,
les refrains sont repris en coeur. Le charisme de Shocking Murray
ny est certainement pas étranger, il est certain quils
nont sûrement pas souvent vu de grand rasta aux longs dreadlocks
tout les jours ! A la fin du show, quelques jeunes filles insistent pour
être prise en photos avec nous, et nous signons même quelques
autographes. Nous finissons de ranger le matériel, puis nous donnons
une interview très émouvante à une radio de jeunes,
très bien informés sur le reggae et très sensibles
au message de paix que nous leur délivrons. De retour à Prishtina,
après un dîner de copieux de poisson (enfin autre chose que
de la viande !) dans un restaurant chic de la ville (nous arrivons juste
avant la fermeture, mais il restera ouvert spécialement pour nous
jusquà une heure tardive), nous repassons au bar de nuit. Laccueil
y est toujours aussi chaleureux, cependant il nest plus du tout question
du concert évoqué la veille. Par contre, après avoir
offert quelques verres, il fait pression pour son visa. La tension monte
un peu. Il semble évident que le type nest pas vraiment intéressé
à organiser quoi que soit, mais nentend pas avoir perdu son
temps. Pour détendre latmosphère, nous promettons de
revenir le lendemain et nous nous retirons à lhôtel.
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Samedi 23
juin
Nous nous retrouvons tous assez tôt, car aujourdhui deux
concerts sont prévus dans la même journée.
En plus, nous avons de la route à faire puisque nous nous rendons
à Mitrovica, la ville séparée par le pont, ce
fameux pont que nous avions vu pendant des semaines à la télévision
lors des reportages sur les hostilités. Dun coté vivent
les albanais, de lautre les serbes. Un énorme festival est
prévu dans toute la ville. Nous devons tout dabord nous
produire du côté serbe et dans la soirée du coté
albanais. Sur la route, nous ne rencontrons pratiquement que des camions
militaires de lONU, peu de voitures de civil circulent. Tout au long
du chemin, nous pouvons apprécier les dégâts de la guerre,
beaucoup de maisons en ruine, beaucoup déjà en reconstructions.
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Il fait très beau, et cest
donc plein dentrain que nous traversons le pays, pendant que la sono
passe à plein volume notre dernière
mixtape. Lorsque nous arrivons sur place en début daprès
midi, les concerts ont déjà débuté, une foule
immense à investie tout le centre ville. Un groupe de percussions,
composé de militaires, est sur la scène. Parmi eux se trouve
le fils de Mori Kante, soldat auprès des forces de lONU,
daprès ce quon nous explique. Le son est horrible, les
musiciens simpatientent et les techniciens Albanais sont apparemment
à nouveau complètement dépassés. Nous essayons
de trouver le responsable pour savoir à quel heure notre passage
est prévu, mais cela se révèle être une tache
assez compliquée. En effet, il semble que personne ne soit vraiment
responsable de lévènement. Sur scène, les musiciens
se sont arrêtés de jouer, car les micros sifflent en larsen.
Pendant que nous attendons un moment en plein soleil, essayant de former
un cercle autour de notre matériel, un groupe de jeunes rappers
albanais nous abordent. Nous leur demandons une démonstration,
et ils se lancent dans une freestyle en albanais assez impressionnant, que
nous nous empressons de filmer. Enfin, un militaire sapproche accompagné
dun albanais visiblement stressé. Apparemment, Les autorités
militaires lui ont sous-traité lorganisation du festival.
Nous serions prévus pour un show
dune demi heure, entre 4 et 4h30 de laprès midi !
Le responsable du BLF à beau essayé de lui expliquer que nous
venons de Paris pour lévènement, il ne veut rien savoir
et disparaît dans la foule. Nous demandons à être conduis
auprès du général afin de débrouiller la situation.
Escorté par quelques militaires, nous nous frayons un chemin jusquau
campement militaire, se situant au début du fameux pont de Mitrovica.
On nous conduit auprès du général, visiblement très
préoccupé. Il nous explique quun
serbe a été enlevé par deux albanais le matin même,
que le concert du coté serbe doit être annulé, et pour
des raisons de sécurité, nous avons été remplacé
par un groupe serbe local. Nous lui expliquons la situation,
et il nous écoute dun air distrait. Notre conversation est
interrompu par un appel sur le talkie-walkie.Le serbe a été
retrouvé, vivant.Visiblement soulagé, il nous explique à
nouveau sur un ton plus détendu,qu « il allait voir ce
quil pourrait faire ». Il nous propose également daller
traverser le pont et daller jeter plus tard un oeuil de lautre
coté. |
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Nous revenons en centre ville,
et nous nous frayons un chemin à travers la foule. On nous explique
quon nous a finalement accordé une
heure sur une autre scène, de 9 h à 10 h du soir,
en fin de programme, après les groupes folkloriques. Nous profitons
du temps quil nous reste pour aller manger un bout, et nous revenons
vers le pont que nous traversons accompagné de militaires. Le coté
serbe à lair moins joyeux, les gens nous lancent des regards
hostiles. Nous passons à coté dune scène où
un groupe de hard rock local joue devant une troupe dune cinquantaine
de personnes. Peu dapplaudissement, on est loin de leuphorie
qui règne de lautre coté. On nous fait comprendre quil
ne faut pas trop sattarde et nous retraversons le pont dans lautre
sens. Revenu près de la scène, on nous installe dans le bureau
du directeur de la bibliothèque municipale qui fait office de backstage.
Après presque deux heures dattente, on vient nous expliquer
que le programme a pris du retard. Un militaire suédois monte
sur scène avec une guitare electro- acoustique et interprète
quelques standards. Entre temps, la nuit est tombé et une foule
denviron 3000 personnes sest rassemblée sur la place.
Pendant que le suédois fini dinterpréter «
No woman no cry », nous installons le matériel. Rapidement
nous nous rendons compte que les techniciens ne comprennent rien, et surtout
ne savent pas du tout se servir de leur sono. Où bien font ils exprès
de ne pas comprendre ? Le suédois quitte la scène, pendant
que nous essayons de faire fonctionner la sono. Il manque des câbles,
même les prises de courant sont insuffisantes. Après une demi
heure à bricoler, pendant que la foule simpatiente, nous rendons
à lévidence : uniquement une
platine fonctionne, le sampler ne peut être branché, et le
tout est en mono. |
Nous nous laissons
pas décourager et décidons de faire un show tout de même.
Dès les premières notes, le public réagi enthousiaste,
et acclame le tout énergiquement. Après quelques classiques
reggae, Daddy K ne balance plus que des versions sur lesquels Shocking Murray
et moi du nous posons à tour de rôle. Malgré un
son épouvantable, nous donnons le maximum de nous même et la
foule réagi très bien et nous sommes acclamés. Nous
profitons des pauses entre les dubs pendant lesquelles le selecter change
les disques pour faire différents speach sur la paix et la nécessaire
unité de la ville. Une série de briquets sallume dans
la foule. Après un big up passé aux
militaires, la tension monte dun cran. Soudain, deux bouteilles
de bières viennent sécraser sur le fond de la scène.
Pendant que je continue la chanson, Shocking Murray quitte la scène
escorté par les militaires. Japerçois devant moi un
mouvement de foule, et je vois que les militaires saffairent. Derrière
la scène, la sortie est obstruée par un groupe de jeunes
albanais qui nous font des signes agressifs. Après un instant
de légère panique, un groupe de militaire montent sur scène,
nous aident à prendre le matériel et nous traversons la foule
sous leur protection jusquà la bibliothèque, où
nous nous réfugions le temps que la foule soit dispersée.
Nous sommes ensuite escortés jusquaux portes de la ville par
deux camions de soldats, et nous reprenons la route en direction de la capitale.
Nous arrivons tard dans la nuit à Prishtina, mais lémotion
et la tension est encore présente et nous décidons daller
boire encore quelques bières afin de nous calmer et de digérer
les émotions de la soirée. Lorsque nous rentrons finalement
à lhôtel, le soleil est déjà en train de
se lever. |
Dimanche 24 juin
Lorsque nous descendons dans le hall de lhôtel, Pascale, responsable
culturelle pour lONU, nous attend depuis un bon bout de temps, un
rien impatiente. En effet, nous sommes prévus
pour une émission en direct sur la chaîne de télévision
nationale du Kosovo, et nous sommes en retard. Pendant que nous
lui expliquons les émotions de la veille en chemin, elle nous explique
à son tour que le locataire du matériel veut impérativement
récupérer ses platines à 15 heures pour les louer pour
un autre évènement. Or, lémission est prévue
pour 14 h 30. De plus, un autre club sest dit intéressé
de nous programmer pour le soir même, en supplément dun
groupe local, « le meilleur groupe du Kosovo », selon ses dires.
Le problème à nouveau : le matériel. |
Nous
arrivons dans les studios télé et nous sommes accueillis par
la directrice de production, qui nous présente lanimatrice
chargée de nous interviewer. Pendant que les techniciens installent
le plateau, nous discutons un peu avec elle, et elle nous explique très
sérieusement la teneur de ces questions. En effet, elle semble très
bien préparée, puisque quelle a à la main trois
feuilles dactylographiée recto verso pleines de questions ! Grande
est la surprise lorsquelle nous raconte où et quand nous avons
fondé le King Fari. « Jai fais des recherches sur
internet », rajoute telle avec le sourire.
Entre temps, Pascale négocie
âprement avec le propriétaire des platines, qui visiblement
ne veut plus attendre. Encore une fois, une large rallonge sur le prix de
location fini par vaincre ses résistances. Entre temps, en effet,
le prix de location pour la journée atteint presque 500 francs,
ce qui est une vrai fortune pour lendroit ! Mais nous navons
pas le choix, car il ny a pas dautres platines dans tout Prishtina.
Soulagés, nous entrons dans le studio, et linterview commence.
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Après une heure de
discussion (lémission ne sera finalement pas retransmise
en direct, car nous avons pris trop de retard), nous faisons encore un
showcase dune heure également, particulièrement difficile
car nous navons pratiquement pas de retour sur le plateau. Une fois
terminé, nous profitons de laprès midi de libre pour
nous promener en ville. Partout où nous allons, les gens se retournent
sur notre passage et nous regardent curieusement, probablement à
cause de lallure exotique de Shocking Murray. De nombreux jeunes
nous abordent et viennent discuter avec nous. Nous en profitons pour leur
annoncer le concert de ce soir, qui na été annoncé
nulle part vu quil a été prévu le matin même,
en dernière minute. Nous sommes surpris à quel point
les jeunes sont habillés selon la dernière mode, très
occidentalisés. Laura, notre accompagnatrice, nous explique quils
investissent tout leur argent dans les vêtements, même lorsquils
sont très pauvres. Les filles par contre restent très distantes
et nous observent du coin de loeuil. « Elles sont surveillés,
la société albanaise reste très machiste »
nous explique encore Laura. Après dîner, nous nous rendons
au club en question. La salle nest quà moitié
remplie cette fois-ci, les gens étant surtout venus pour applaudir
le groupe albanais en question. Visiblement, leurs chansons sont connues,
car les refrains sont repris en coeur par le public. Avant de terminer,
ils entament un reggae en kosovar quils nous dédient. Lorsque
cest à notre tour, le public, un peu plus âgé,
est visiblement assez réticents. Il ne réagi que lorsque
nous passons les premiers raggas, et nous poursuivons donc avec un
programme de tubes dancehalls. Une partie des gens dansent, une autre
partie nous observent en silence. Le seul moment de vrai enthousiasme
est lorsque Shocking Murray, à la grande
surprise du reste du crew, se lance dans un freestyle hip hop.
Les jeunes, visiblement plus habitué au flow du rap, applaudissent
bruyamment. Le tout ne se termine pas trop tard et nous repartons vite
vers lhôtel, car notre avion est prévu assez tôt
le lendemain et que nous sommes vraiment épuisés par le
programme non-stop des derniers jours. Le lendemain, nous nous rendons
encore au Bureau de Liaison de la France pour prendre congé de
tout le monde, puis un chauffeur nous conduit à laéroport,
où nous prenons lavion, le coeur un peu serré, direction
Munich cette fois-ci car deux jours plus tard nous avons un autre show
de prévu en Allemagne.
Remerciements : Maximum respect à
Pascale des Nations-Unies, Laura et Guillaume du Bureau de Liaison de
la France, tous les militaires sur place, spécial big up à
tous les serbes et albanais que nous avons rencontrés et avec lesquels
nous avons partagés des vibes. Que la paix soit avec vous ! Jah
guide & Protect.
Dread Lion pour
King Fari Sound System ©
2001 Christophe Geiger pour King Fari Sound System
Contact : kingfari@hotmail.com
Web : www.kingfari.de (hébergé
pour raisons financières sur un serveur allemand)
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