L'année
passée, vous avez joué plus souvent à l'étranger
qu'en France. Pourquoi ?
C'est vrai que nous n'avons pas assez été très
présent l'année dernière. On a pu nous
voir tout de même à l'affiche de quelques gros
événements, notamment lors des deux passages de
David Rodigan à Paris. Le 14 février, nous
avons fais un show à Rennes avec King Original de
Londres, la salle était comble et les vibes excellentes,
le public était vraiment chaud. Mais pour le reste, il
est vrai que nous avons joué surtout joué à
l'étranger, dans plusieurs pays européens (Suisse,
Hollande
) mais en premier lieu l'Allemagne. Nous y avons
d'excellentes connexions avec les principaux sounds allemands
avec lesquels nous jouons régulièrement. Du coup
nous bénéficions là bas d'une réelle
popularité, alors que c'est le cas dans une bien plus
petite mesure dans notre pays. Et comme nous jouons souvent
là bas, nous avons récemment eu la surprise de
découvrir sur un flyer d'une soirée où
on était annoncé KING FARI from Germany
! Alors que lorsqu'on joue en Allemagne c'est KING FARI from
France ! Au début cela nous perturbait un peu. Mais maintenant
on s'en fout. Les gens on toujours besoin de mettre des étiquettes.
Lorsqu'on a eu la mauvaise idée de dire que nous étions
parisiens, pourtant notre ville d'origine, nous avons eu certains
sounds de la Capitale qui nous sont tombés dessus pensant
qu'on risquait de leur faire de l'ombre. Du coup, je crois qu'on
peut nous qualifier de véritable sound
européen puisque nous sommes d'ailleurs toujours
sur la route et pas attaché à un lieu voir même
à un pays. Et en plus, cela correspond tout à
fait à l'esprit que l'on véhicule, transgresser
les frontières et les différences à l'aide
de la musique.
Vous avez participé aux deux
premières éditions du championnat de France des
sounds system, mais pas cette année. Pour quelles raisons
?
Il y a plusieurs raisons. Dès la première édition
nous avions senti que cela ne collait pas vraiment avec notre
musique. Mais nous voulions soutenir l'initiative qui
nous trouvions positive, car en dépit de tout ce qui
a pu être dit, c'est quand même un boulot énorme
de mettre cela en place et cela méritait d'être
soutenu. Tout d'abord, nous tournons régulièrement
avec notre chanteur Shocking Murray qui intervient lors
du show toute les 4-5 chansons pour faire des specials en live.
La première année c'est ce que nous avons fait,
nous n'avons joué que des dubplates et avons fait du
live, c'est à dire nos morceaux, 100 % original vibes.
Or le jury nous a éliminé au premier tour car
les chanteurs n'étaient pas autorisés, bien que
cela ne ressortait pas explicitement du règlement.
Ensuite, nous avons banni les " clashs lyrics "
de nos dubplates, les textes ne sont pas tournés
sur qui est le meilleur sound, mais sont travaillés et
sont porteurs de messages qui nous tiennent à cur
et qui sont travaillés, dans la mesure du possible, avec
l'artiste. Or, cela n'est pas l'idéal dans une compétition,
où il y a très peu de temps et les morceaux sont
joués vites, c'est les 20 premières secondes qui
sont les plus importantes, le riddim et pas les textes qui passent
totalement à la trappe. La répartition du temps
est également inadaptée à notre style.
Les passages des sounds system sont courts. Or, nous sommes
un sound system roots & culture. Nous avons besoin d'un
certains laps de temps pour amener les gens dans une vibes particulière.
Nous ne jouons pas de boggle, des hits dancehall à la
mode. Du coup, cela prend un certain temps. Cela c'est la raison
musicale.
Mais il y a d'autres raisons. En fait, il nous a paru que les
gens en France n'étaient pas vraiment près pour
cela. Car au lieu de créer un mouvement, ces idées
de compétition ont eu tendance à rendre les gens
agressifs. Les sounds system entre eux parfois, les massives
également. Un tel à gagné alors qu'il aurait
pas dû, et hop, les insultes voire les bastons qui démarrent.
Nous avons nous même été victime d'une
agression lors de la deuxième édition du championnat,
à la suite d'une embrouille qui ne nous concernait pas
mais qui a dérapé. Ce n'est pas cette esprit qui
nous anime et lorsque nous avons vu l'agressivité physique
mais également verbale qui régnait, nous avons
décidé de ne plus continuer. Mais cela reste une
bonne initiative, que nous continuons de soutenir, même
si nous ne participons pas. Espérons seulement que les
choses se mettent en place petit à petit.
A
vous écouter vous semblez assez déçu
de l'ambiance qui règne dans le milieux des sounds
system ?
Plutôt, oui. L'esprit qui règne dans le milieu
est très loin de l'esprit reggae, positif et de respect
de l'autre. Paradoxalement, d'ailleurs. En face, c'est "
bless ", " Rastafari " etc
,
puis dès que tu as le dos tourné, les mêmes
gens qui t'ont salué vont essayer de te casser et de
te mettre des bâtons dans les roues. Chaque fois qu'il
y a une bonne initiative, tu vas trouver autant d'énergie
négative pour la contrer. Nous mêmes nous avons
toujours été très corrects avec tout
le monde, mais nous n'avons pas toujours récolté
ce que nous avons semé. Si tu n'as pas l'esprit
de bad boy, certains ne te respectent pas. Un gros sound
francais, dont je tairais le nom (mais s'il lisent cela, ils
se reconnaîtrons), nous a ouvertement manqué
de respect en ne respectant pas leurs engagements envers nous.
Et tout cela dessert totalement la cause du reggae, car si
on marchait tous ensemble on pourrait faire avancer les choses.
Si en France, les gens s'aidaient un peu, le reggae pourrait
être bien plus loin qu'il l'est à l'heure actuelle!
Comme c'est le cas en Allemagne,
où le mouvement est en avance de 10 ans sur la France.
C'est pour cela que nous y sommes fréquemment, que
nous y jouons avec grand plaisir. L'organisation de sounds
system est encore obligé de se faire à la vibe,
puisqu'elle est encore dans l'underground. On doit compter
sur les links entre les gens pour que les choses avancent.
Mais en ce moment, cela ressemble un peu à une meute
de chiens qui se disputent un os déjà pas bien
garni. Espérons que cela changera rapidement. Car la
scène française a un très grand potentiel.
Il reste des gens biens, avec un bon esprit et beaucoup d'énergie.
Essayons de mettre à profit ces bonnes vibes, et tous
le monde sera content, le public car il y aura plus d'événements,
de meilleure qualité, mieux organisés, mais
également les sounds system car si le public se sent
mieux, il viendra plus nombreux. Puis en dernier lieu, les
promoters suivront car ils seront en confiance, les salles
de concert également, qui à l'heure actuelle
restent très réticentes, surtout à Paris,
pour louer leurs lieux pour des évènements sound
system. C'est Anthony B qui le disait très bien
dans son titre " Waan Back ", retrouvons
les bonnes vibes dans les dancehalls
DREADLION
KING FARI SOUND / Rubenxela
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