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SOMMAIRE
- Une fin peu glorieuse
- DANCEHALL TIME
- Junjo le volcan
VOLCANO le premier label de Henry Junjo Lawes, il y produira de nombreux hits

UNE FIN PEU GLORIEUSE.

Nous sommes le 16 juin 1999 à Harlesden, un quartier de "refugees" au nord de Londres, il est 15h00.
Un homme sort de chez lui et remonte Saint Mary Road en direction du bureau de tabac le plus proche. A l'instant où ce dernier traverse la route, une voiture occupée par 5 yardies (la mafia jamaïcaine) surgie de nul part et se met à ouvrir le feu. L'homme est touché mais tente de s'échapper dans une rue proche. Deux de ses assaillants le prennent en chasse, le rattrapent, et l'abattent quelques secondes plus tard.
Une scène tragique ! Mais depuis quelques années de plus en plus commune à Harlesden, où la guerre des gangs fait rage et tue sans vergogne.
HENRY JUNJO LAWES Junjo et des frères © Beth Lesser
L'homme qui vient de se faire froidement abattre n'est autre que le célèbre producteur jamaïcain HENRY "JUNJO" LAWES ; un des pères de la Dancehall, l'oreille ultime, qui fît de ses labels Volcano et Arival, des machines à hits.

Comme de nombreux jamaïcains ayant vécu aux USA et se retrouvant à Londres, c'est à Harlesden que Junjo vivait depuis quelques temps. Selon Isaiah Laing de Supreme Promotion, qui lui parla au téléphone une semaine avant son décès, il semblait même être sur le point de faire son retour en Jamaïque.
En fait, Henry Lawes avait plus ou moins quitté le circuit de la musique depuis quelques années, et personne n'est vraiment en mesure de nous informer sur ce qu'il faisait, seules les rumeurs courent. Quoiqu'il en soit il est certain que l'homme resta longtemps amer, loin des heures de gloire des années 80.

Au cours des années 90, on retrouve sa trace, fluctuant entre New York, Londres et Kingston.
En 91, après un passage de 6 ans aux USA, il fait son retour au pays et tente de se relancer en enregistrant certaines de ses anciennes vedettes comme Coco Tea, Yellowman, Josey Wales, et aussi des jeunes de l'époque, comme Ninjaman, Shaka Shamba ou General TK, mais il ne renouera jamais avec le succès d'antan, et il préfère s'exiler à nouveau. Puis plus rien jusqu'à son meurtre.
C'est en 1985 qu'il quitte la Jamaïque la première fois, dans le but d'installer son label Volcano à New York, comme l'a fait Coxsone avec Studio 1. Mais cette entreprise est trop périeuse en ces temps de crise économique et ne réussira jamais ; Junjo ne parvient pas à entrer dans la nouvelle mouvance. Comble du malheur, suite à d'obscures histoires, il passe plusieurs années en prison aux Etats Unis.

Pourtant, quand en 1985 il quitte Kingston, Henry n'est pas aux aboies. Son sound system Volcano Hi Powa est un des plus importants du moment, et c'est sur les titres qu'il produit que tout la Jamaïque danse depuis 5 ans. Il a bien quelques concurrents sérieux, d'autres princes de la Dancehall, comme son vieil ami Linval Thompson, ou l'original Sugar Minott, ou encore Jammy qui commence à pointer son nez ; mais rien ne semble pouvoir l'ébranler, et pourtant ! Le père de la dancehall à la fin des années 80, ne passe pas le deuxième stade de l'évolution du genre, celle de l'ère digitale, qui verra naître de nouveaux producteurs, et régner Jammy.
Mais revenons sur l'histoire de cette DANCEHALL
- Une fin peu glorieuse
- DANCEHALL TIME
- Junjo le volcan

DANCEHALL TIME
A la fin des années 70, la Jamaïque est politiquement désorganisée suite à différentes manœuvres obscures de la CIA.
Le parti de droite, massivement soutenu par les Etats Unis gagne les élections de 1980, propulsant Edward "CIAga" Seaga au pouvoir et le pays dans une grave crise économique ; c'est l'époque du Regganisme et du Tatcherisme, les pauvres perdent leurs acquis sociaux, et les riches s'enrichissent encore plus avec le tourisme. Malaise qui au début des années 80 fait sombrer le pays dans une "guerre civile" dont il aura bien du mal à se sortir. L'année 1980, 800 personnes meurent de mort violentes à Kingston. De nombreux artistes des années 70 qui ont soutenu (souvent malgré eux, mais c'est une autre histoire) le socialo-castriste Michael Manley, quittent à présent le pays . A l'époque, il ne fait plus bon vivre en Jamaïque, et il n'y a plus vraiment de place pour une musique revendicative, politique, ou historique. Ainsi, au début des années 80, on voit réapparaître les schémas de la dancehall traditionnelle.


Communément, le terme dancehall désigne l'endroit où les gens se rassemblent pour danser, la piste de danse ; c'est là qu'ils viennent assister aux sounds system.
Cependant la Dancehall est aussi devenue un style musical dérivé du reggae.
D'un côté, le Roots Rock Reggae explose dans le monde entier sous l'influence de Marley qui en est le roi. Pourtant on le voit de moins en moins au pays, et d'ailleurs c'est toute une génération de chanteurs qu'on ne voit plus et qu'on ne comprend plus dans le ghetto.
Une grande partie des jamaïcains, particulièrement les jeunes, ne suivent plus Marley qui semble loin de l'époque de Trench Town Rock. Ses lyrics, et ceux du reggae en général, ont pris une portée plus universelle. Le message s'internationalise, et ne leurs parle plus.
Eux ils cherchent de la proximité, et sont habitués depuis des décennies à ce que la musique soit leur moteur, partie intégrante de la culture. C'est de la rue qu'ils puisent leur énergie, pas dans les albums, dans les sounds system.
C'est la crise économique et sociale, il y a donc moins de concerts en Jamaïque, ou alors des shows pour les touristes américains. Du coup, le reggae retourne en force dans la rue avec une nouvelle génération le portant et l'appelant Dancehall pour le différencier. Les vedettes de ce nouveau style viennent de l'école des sounds System, leurs lyrics sont différents des chanteurs de reggae classique, laissant libre cours à la spontanéité, à l'improvisation et donc aux commentaires divers, tantôt sociaux ou politiques, tantôt paillards ou joyeux ; ils sont plus proches des aspirations du peuple jamaïcain.
Le style des sounds system change aussi, et parmi les anciens sounds, seuls le Stur Gav de Uroy et le Ray Symbolic passeront le cap ; les nouveaux Sounds en action s'appellent Volcano Hi Powa, Killamanjaro, Youth Promotion, Black Scorpio, Lee's Unlimited, Metro Media, Emperor Faith hi Fi, Black Star et Stereophonic. C'est aussi le retour du sound Clash et l'arrivée des premiers véritables Dubplates.

Une autre originalité de la Dancehall alors que le reggae se marie à diverses influences à la même époque, est de principalement se baser sur des riddims oldies ayant déjà fait leurs preuves, souvent des Studio One revus et corrigés, laissant une place prépondérante au couple basse batterie. Question de nostalgie ? certainement ! Mais ceci résulte aussi de la crise économique, qui pousse les producteurs à ne pas prendre trop de risques et à se contenter de rééditer des valeurs sures. Mais dans cette première phase du développement de la Dancehall les instrumentaux resteront toujours joués par des musiciens. Plus qu'une musique, c'est véritablement une culture qui est en train de naître.

Ainsi quand certains observateurs nostalgiques disent que le reggae est parti avec Bob Marley, au profit de la Dancehall, je pense qu'ils se trompent allègrement. Le Reggae n'est jamais mort, nous le voyons tous les jours et pouvons aussi observer que la Dancehall est bel et bien devenu une musique (urbaine) à part entière .Chacun a sa place dans l'émergence de ce style, artistes, producteurs, politiciens ... ; quoiqu'il en soit, c'est une combinaison de multiples facteurs qui donne vie à ce genre dérivé du reggae ; et si Bob Marley en fût malgré lui un véhicule, c'est bien de son vivant, à la fin des années 70 qu'elle apparu.
Le premier producteur à sentir le changement, est Errol 'DON' MAIS aka JAH BIBLE, figure incontournable de la fin des années 70, il est le premier à remettre les riddims Studio One au goût du jour, sur son label Roots Tradition. Il travaille principalement avec des artistes de Greenwich Town, et les musiciens qu'il emploie sont les futurs Roots Radics. Il sera une référence pour Junjo
 

JUNJO LE VOLCAN DE LA DANCEHALL
Né en 1948 à Olympic Road, Henry Lawes passe toute son enfance à Kingston west, où il sera toujours très attiré par les chanteurs, les musiciens, les studios, et particulièrement celui de Don Mais où il passe beaucoup de temps à observer. Comme beaucoup de jeunes du ghetto, Junjo (son surnom) aspire à devenir chanteur, et fini par enregistrer quelques titres qui ne sortiront jamais.
La première fois que son nom est crédité sur un disque, c'est comme co-producteur, en 1977 sur le "Jah Jah guiding star" de son ami Linval Thompson qui deviendra quelques années plus tard un de ses concurrents les plus sérieux, employant le même studio et les mêmes musiciens.
En 77, Thompson est déjà reconnu dans le milieu, et est plus âgé que Lawes, mais il le prendra sous sa tutelle et le formera.
En 1978, pour la création du label Thompson Production, ils réitèrent leur combinaison et sortent "I love Marijuana", un des plus gros succès de Linval Thompson en tant que chanteur, et le premier gros Hit de Junjo comme co-producteur.
Poussé par Linval, Henry Junjo Lawes lance son propre label, VOLCANO

Nous sommes en 1979, et Junjo a déjà repéré quelques jeunes du quartier, et particulièrement un petit gars de 15 ans, BARRINGTON LEVY qui a déjà enregistré quelques titres sans succès avec son groupe Mighty multitudes.
Pour leur première session, réalisé avec Hyman "Jah Life" Wright, c'est Thompson qui leurs fournit un riddim composé par les Roots Radics, il en sortira "A yah we deh". S'en suivront une série de Hits qui composeront en fin d'année l'album "Bounty Hunter", des classiques de Barrington : "Looking my Love", "Callie Weed", "Shine eye Gal".
Junjo a coché le bon numéro et son label VOLCANO est plutôt bien lancé ; aussi, un nouveau le nouveau style s'affirme, la Dancehall est à présent portée par tout le pays.

S'il est l'instigateur d'un tel succès, Junjo n'en est bien sur pas le seul acteur.
D'abord, notons l'importance du studio des frères Hookim, Channel One qui a l'époque devient l'endroit où il faut absolument enregistrer, également celle de Scientist, le jeune ingénieur du son surdoué, formé chez le maître Tubby, et sans aucun doute celle des Roots Radics que Junjo saura toujours diriger à merveille.
Aussitôt le succès de Barrington Levy entamé, Junjo s'envole pour l'Angleterre accompagné de Linval Thompson, dans le but d'ouvrir le marché de la Dancehall. Ils signeront un deal avec Greensleeves qui fera exploser Barrington, puis toutes les stars à venir du Volcano Crew.

Avec la Dancehall, Junjo a ouvert une brèche, et même si de nombreux producteurs s'y engouffrent, ils reste bien souvent le meilleur, enchaînant les Hits.
Un des plus percutant est le "Wa Do Dem" de Eek a Mouse, d'abord enregistré chez Joe Gibbs et finalement retourné à la sauce Junjo.
Prouvant toujours son flair novateur (mais encore inspiré par Mais), il relance aussi la mode des combinaisons, et fera un carton avec le "Diseases" de Papa Michigan & General Smiley. Formule gagnante, il réitère avec Clint Eastwood le petit frère de Trinity et le Dj anglais General Saint.
Souhaitant également séduire un autre public que la nouvelle génération au son Dancehall, et particulièrement les rastas, il enregistre aussi à cette époque des chanteurs Roots plus classiques, qu'il saura parfaitement mettre au goût du jour : Barry Brown "Give Israel another try", et avec "Gunman" Michael Prophet qui a toujours un pieds dans le reggae et enregistre à la même époque "Serius reasoning" avec Yabby U. Kingston West oblige, le WaterHouse style fait aussi sa place chez Junjo, particulièrement avec DON Carlos et Hugh Mundell.
En fait tout le monde veut poser chez Volcano ou chez Arival (le nouveau label de Junjo), tant le succès semble garanti. Les premières stars à soutenir Junjo, sont Johnny Osbourne et Tony Tuff, qui participeront toujours activement à cette culture du ghetto. John Holt vient aussi se refaire une santé, et fait mouche avec ses titres "Police in Helicopter", "Ghetto Queen" et "A love I can feel". Ce sont alors les chanteurs de l'ancienne école qui affluent et passeront le cap : Alton Ellis, Leroy Smart, Ken Boothe, Junior murvin ... mais ceux qui étendront le plus leur audience sont les Wailing Soul ("Fire House Rock") que d'ailleurs Junjo produit dans un style plus classique qu'à son habitude.
Un autre sacré chanteur découvert par Junjo, est Frankie Paul, pour qui il produit "Pass the ku sheng peng", "War ina the dance", "Jump no fence", ou "Dem Talk about", quelques uns des plus gros Hits du chanteur aveugle.
Les Roots Radics sont de plus en plus demandés, et Henry Lawes s'associe alors au High Times Band de Earl 'China' Smith, tout en restant fidèle au son de Channel One.

Si Junjo a découvert de fabuleux chanteurs, il n'en oublie pas moins son goût pour les Djs, et les plus populaires du moment passeront chez lui, tels Josey Wales, Early B, Charlie Chaplin, Peter Metro & Ranking, Toyan ... pour n'en citer que quelques uns, et d'ailleurs, nous pouvons aussi noter qu'il enregistre le premier Tune de Beenie Man qui n'a alors que 8 ans, "Too fancy", encore un Hit !
Mais le plus célèbre de tous les tchatcheurs ayant travaillé avec Junjo, est le Dj albinos du Aces disco Sound, YELLOWMAN, le roi de l'improvisation, avec qui il enchaînera une multitude de succès entre 1981 et 1984, toujours relayé par Greensleeves en Europe.

En 1984 Yellowman quitte l'écurie de Junjo et devient le premier DJ à signer un contrat international (CBS), signant en même temps la fin de sa suprématie sur la Dancehall. La même année, Barrington connaît son plus gros succès avec "Prison oval Rock", tous les artistes lancés par Junjo sont à présent des vedettes. Tout ce qu'il touche lui réussit.

Puis en 1985, il décide de partir aux Etats Unis pour implanter sa structure, à New York. Il est en pleine gloire, mais une nouvelle vague de producteurs pointent à l'horizon, et n'oublions pas le contexte socio-politique particulièrement tendu à l'époque. Mais c'est mal connaître Junjo que de croire qu'il va partir comme ça ; pas sans avoir découvert un nouveau talent et lui avoir enregistré quelques Hits, c'est donc le tour de Coco Tea, pour qui il produit "Rocking Dolly" et "Lost my Sonia".
 

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La suite vous la connaissez. La prison à New York, son retour raté en 1991, puis ses pérégrinations jusqu'à son meurtre le 16 juin 1999 à Londres.
Henry "JUNJO" Lawes, aura été certainement un des producteurs les plus talentueux de l'histoire du reggae. Bien sûr, certains spécialistes pourront contredire sa paternité de la dancehall qui revient en fait à de nombreuses personnes et évènements comme nous le disions, mais quoiqu'il en soit il fût sans aucun doute celui qui en fît une culture de masse, arrivant à surpasser et à révolutionner le reggae à une époque où le monde entier plébiscitait la disco. Jah Bless Him.

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