En
avril, quand nous avons rencontré Junior Kelly, personne
ne savait vraiment comment l'artiste serait, ni même s'il
serait vraiment là, après le terrible accident de
voiture qu'il a subit à la fin de l'année dernière.
C'est donc très heureux que nous avons fait sa rencontre
et l'avons vu courir toute l'après midi.
Le soir, après un superbe concert, il nous a accordé
une interview, dans laquelle il nous confirme son retour, revient
sur son passé, sa première idôle, son frère
Jim Kelly le fameux Dj de la fin des 70's, et nous délivre
sa chronique sur les temps à venir.
Jahmusik
: Junior KELLY est de retour ...
Junior
KELLY : La plupart des français et des gens
qui me connaissent savent que j'ai récemment eu un accident
très sérieux , aujourd'hui je peux dire que je suis
très heureux que le
tout
puissant m'ait sauvé la vie, et m'ait permis de continuer mon
travail. De toute évidence, il savait que c'était très
important, parce que si je ne pouvais définitivement plus faire
mon travail je serais devenu fou, mais aussi, pour la joie que je
ça donne aux autres. Alors franchement, je suis très
heureux d'être ici, très heureux.
NOS
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et chez nos voisins.
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On
dirait presque que tu as plus de force qu'auparavant ?
Ouais je suis sûr de ça,
parce qu' être blessé comme je l'ai été,
ça m'a demandé d'avoir plus de force intérieure
pour être là. Il y a encore peu de temps,
le docteur me disait que j'aurais pu mettre 6 mois à
me rétablir, et ça n a mis un peu plus de
deux , et depuis je suis là. C'est comme un miracle.
Tu
es resté en Jamaïque pour te faire soigner
?
Je
suis resté deux semaines à l'hôpital
et j'ai fini ma convalescence à la maison. I give
thanks.
Est
ce que tu a enregistré depuis que tu es rétablis
? Ouais
je suis retourné en studio dès que j'ai
pu le faire. (rires) J'aime faire ça , et
je le fais depuis tellement longtemps ! Tu sais, c'est
dans mon sang, et, c'est vraiment très important
pour mon bien être.
Ce n'est pas pour des raisons financières, mais
comme je l'ai dis tout à l'heure, ma santé
en découle, j'en ai besoin. Alors dès que
j'ai pu me lever sur mes jambes, jah était là,
je suis retourné en studio
Tu
as commencé a enregistré très jeune,
avec le titre "over in her body" en 1985,
tu avais quel âge?
En
1985 j'avais 15 ans.
Comment
tu as eu l'opportunité d'enregistrer ce disque?
Depuis
un moment, la vibes que j'avais pour la musique, et qui
est la même que maintenant, était reconnue
par de nombreuses personnes au sein de ma communauté,
et certains d'entre eux aimaient la musique que je faisais
et voulaient faire entendre aux autres gens ce que j'avais
en moi.
Ces producteurs sont aussi des amis ; ils se sont toujours
occupés de tout, de nous donner de la bonne nourriture,
ce qu'il fallait comme argent, payer les studios ... chacun
mettait en commun un peu de son budget pour mettre en
oeuvre nos projets.
C'est vraiment particulier à ma communauté
de donner l'opportunité ! Et c'est ce qui
c'est donc passé en 85 quand j'ai enregistré
mon premier disque.
Mais comme la plupart des jeunes artistes et producteurs
de l'époque, quand tu n'a pas assez d'argent
pour continuer le travail, l'expérience se termine
vite. C'est ce qui s'est passé ; on a jamais
eu assez d'argent pour faire de la promotion et pour
sortir de nouvelles productions. Donc ça n'a
pas vraiment marché, mais on a jamais arrêté.
Tu faisais
parti d'un sound system à cette époque
? avec ton frère Jim ?
Mon
frère était le Dj officiel de Killamanjaro
pendant la grande époque des années 70
et début des 80 ; il a été ma première
inspiration, j'écoutais toujours comment il posait
ses lyrics, et j'étais très intrigué
par toutes les histoires qu'il racontait quand il rentrait
à la maison. Il nous racontait qu'il était
au mic avec Super Cat, Early B, Charlie
Chaplin , Josey walles ... Pour moi, ça
a toujours été très excitant.
En fait depuis mon plus jeune âge j'aime cette
musique, et en plus mon frère faisait ce que
je voulais faire, ça m'a toujours vraiment captivé.
En
voyant les influences Early reggae dans ton son je crois
qu'on peut dire que l'influence de ton frère
est encore très importante.
Yea
yea
Sur scène et dans tes productions tu rends aussi
très souvent hommage aux grands nom du reggae qui
t'ont inspiré, Dennis Brown , Bob Marley ...
Mon
inspiration vient de la vieille école, même
s'il y a quelques artistes plus récents que j'apprécie.
Je pense que les artistes d'aujourd'hui on vraiment du
poids, parce que leurs chansons touchent les gens et font
travailler l'esprit des jeunes. Et c'est vraiment important
que les jeunes ne perçoivent pas que des discours
violents , qu'ils puissent faire la part des choses.
Un artiste doit donner ce qu'il est capable d'accomplir
par l'action, donc je pense qu'un artiste de devrait pas
parler des choses qu'il n'est pas en mesure de faire.
C'est pour ça que pour toujours, j'écouterais
et admirerais les grands noms qui ont fait le reggae ;
Bob Marley, Dennis Brown , Garnett Silk....
des gens comme Ken Boothe, Alton Ellis,
Israel vibration ... juste pour n'en nommer que
quelques uns. Parmi les nouveaux artistes que j'écoute,
toujours pour n'en citer que quelques uns ... Vous devez
écouter Luciano ...
En fait je n'écoute pas vraiment des jeunes artistes,
parce que je pense que souvent leurs actions sont vraiment
contraires.
Ce
n'est pas qu'un problème artistique alors ?
Je
fais ça depuis si longtemps, sans monnaie, sans
argent qui entre. J'ai toujours suivi ce que je pensais,
et je ne me suis jamais vendu pour des considérations
financières, tout comme Peter Tosh, qui était
un ferme croyant, une personne très radicale toujours
en train de faire ce qui lui semblait être le meilleur.
Personnellement je ne pourrais plus me regarder dans un
miroir si je devais me vendre ou faire ce que je n'aime
pas, parler de drogue, de femmes, d'armes, je ne me sentirais
jamais bien en chantant des chansons comme ça,
je ne pourrais plus regarder mes parents. Pour toutes
ces raisons ça n'a pas été facile
pour moi de me faire une place dans ce monde, et je suis
bien heureux de ne pas avoir cédé.
C'est
pour ça que tu apparais très rarement sur des
séries de Djs sur le même riddim?
Oui
c'est une des raisons. Je ne cherche pas forcément
à être différent ou antisocial, mais je
ne suis vraiment pas dans ce business pour avoir des femmes
autour de moi, ou pour l'argent. Je ne cherche pas non plus
à être sous les feux de la rampe, à faire
ça pour être vu. Je suis ferme avec ça,
je ne veux pas sauter sur n'importe quel riddim, car je pense
que ça ne fais que diminuer la qualité de la
musique, et la quantité n'est pas forcément
bonne , surtout quand c'est au détriment de la qualité.
Je veux vraiment que mon travail soit respecté et perçu
comme une denrée précieuse.
Ca
ne fait pas partie d'une stratégie pour moi de ne pas
poser sur tous les riddims, mais je me sens mieux comme ça.
La plupart des artistes qui sautent sur les riddims ne passent
pas assez de temps à écrire de bons lyrics
Ils sont
plus techniques que axés sur les lyrics ...
Exactement
! Jusqu'à présent j'ai réalisé
3 albums et quelques singles ! C'est peu !mais je pense que
de nombreux artistes passent trop de temps en représentation
et ne prennent même pas le temps de connaître
le business. Et c'est clair que de connaître le
business ça prend du temps.
Pour revenir à mes albums, j'en ai donc fait 3, mais
tout ne s'est pas passé comme je l'aurais souhaité,
mais je n'avais pas de contrôle sur ces productions
. Le truc, c'est que Love so nice
est sorti l'an dernier et peu de temps après est venu
Juvenile. Bon! Maintenant
j'ai plus de contrôle parce qu'ils n'ont plus de productions
pour moi, et j'en connais plus sur cette partie du business.
Mais quand deux albums sortent quasiment en même temps,
c'est trop. Si j'en juge par moi même, ces deux albums
sont bons ! Mais ça submerge les gens d'informations,
de mélodies, de lyrics, et souvent ils passent à
côté d'une bonne chanson ; alors que quand les
albums sont plus espacés, les gens sont plus absorbés
par le message.
Malheureusement je n'ai jamais eu de contrôle sur la
productions de ces albums.
Est-ce
que c'est une étape pour toi, pour avoir plus de contrôle
sur tes prochaines productions ?
Oui
c'est très important. D'ailleurs je suis en train de
finir la réalisation de mon prochain album.
Actuellement toutes les chansons sont enregistrées, le
mix est terminé, et je pense que le public va vraiment
aimer ce disque. La raison pour laquelle je ne le sors pas plus
vite, ce n'est pas un manque de lyrics comme certains le pensent,
mais c'est parce que je dois déjà promouvoir ce
qui est fait. Donc je pense qu'on devrait le sortir vers le
milieu de cette année chez VP Records. Quel
en sera le titre?
Je
n'ai pas encore vraiment choisi le nom ; on a plusieurs idées.
Mais, il y a une très belle chanson, et je crois que
je pourrais appeler cet album "Smile",
c'est le titre de ce track, et je suis impatient de la partager
avec les gens. Qu'est
ce que tu penses actuellement des sounds system ?
Voilà
mon point de vue sur les sounds system : J'en fait de temps
en temps, mais ce que je pense du sound system, c'est qu'il
ne permet pas une approche intégrale de la musique. Dans
les sounds, on chante sur un morceau, un riddim, un track ;
mais ce morceau est fixe, posé ; un morceau a sa vitesse.
Mais quand tu as un groupe qui joue les harmonies en live, c'est
tellement plus doux, tu vas haut , tu vas bas, c'est ton corps
tout entier qui s'investi dans la musique dans son intégralité,
rien n'est négligé. Quand on joue sur une version,
les gens sont négligés, ils n'ont pas le vrai
potentiel de l'artiste. Je le fais, mais de temps en temps.
Est-ce
que tu peux jouer d'un instrument, ou au moins comprends-tu
la musique de tes partenaires?
Oui
oui, je sais quand c'est juste ou faux, je ressens vraiment
la musique ; puis je joue un peu de guitare acoustique, enfin
j'ai commencé ! Mais en temps que père de famille
et puis avec mon travail je n'ai pas beaucoup de temps à
y consacrer, mais j'espère vraiment pouvoir trouver du
temps car j'aime beaucoup et je voudrais continuer.
En
ce moment les temps sont durs un peu partout dans le monde,
peux parler des lyrics du titre GEDEON RED
C'est
à propos des temps que nous vivons oui. En Jamaïque,
le terme que nous employons pour dire que quelque chose est
dur, est toujours RED : the time tuff, the time
red ; et Gedeon est une abréviation de armagedeon.
En ce moment nous vivons des moments difficiles avec la globalisation
; aussi car la situation économique est très
mauvaise dans les caraïbes ; on a l'impression qu'il
n' a pas de solution et pas de fin à cette crise. Nous
devons alors penser si c'est le destin qui veut ça.
Il faut vraiment faire attention à toutes les informations
qu'on nous fait passer, la plupart du temps ils ne font que
mettre en avant l'idée de sécurité. Si
on regarde les actualités, la situation en Israel,
la situation en Afghanistan, et qu'on écoute les usa,
ils ne font que nous dire qu'il y aura de plus en plus d'attaques
; si vraiment ils savent qu'il y aura d'autres attaques, pourquoi
ne savaient t-ils pas pour celle du 11 septembre ? Il faut
vraiment qu'on cherche à voir les choses plus profondément,
en disant qu'il y aura d'autres attaques, les gens aux Usa
sont de plus en plus effrayés ... il ne faut pas perdre
le contrôle. On vit vraiment dans un temps GEDEON
RED.
Pour finir sur un message
d'espoir, ton titre "One day"
One
day we will overcome, le bien l'emportera sur le mal.
Toute l'histoire tourne autour des notions de bien et de mal,
et jamais le mal ne peut surpasser le bien, même si
c'est lui qui règne! Le mal a régné pendant
un moment, et peut certainement encore régner pour
un bout de temps, mais il ne gagnera pas la guerre !
C'est pour ça que je veux que les gens autour de moi
ouvrent les yeux et voient les choses pour ce qu'elles sont.
C'est vraiment une chose pour laquelle j'essaie de me battre
et de faire passer un message.
Un message d'amour, de paix, et en même temps un message
qui te permette de réaliser ce qui se passe, d'ouvrir
les yeux sur la réalité, sur ce qui se passe
ailleurs, car avons pris l'habitude de vivre dans une bulle,
alors que chaque vie affecte l'autre. On mange le même
pain, on boit la même eau, nous devons alors nous unir
et arrêter de mépriser nos voisins.
Peux-tu vivre heureux en ayant de la pure eau à boire,
de la monnaie en banque, ton frigo plein ... et savoir qu'en
même temps ton voisin n'a rien de tout ça ?
Quand on a beaucoup, il faut donner à son voisin !
Et de toutes façons si on ne le fait pas c'est lui
qui viendra le prendre. Because an hungry man is an angry
man.
Junior
kelly / Rubenxela, Juman pour jahmusik - avril 2002