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Mélomane
depuis son plus jeune âge, STEVE MOSCO découvre
le reggae au milieu des années 70 à Manchester ; il
ne le quittera plus. C'est au début des années 80, à
Londres qu'il crée son sound system, Humble Lion, avec
quelques jeunes, impressionnés par sa collection de disques.
En 1987, fort d'une solide réputation, le sound prend le nom
de JAH WARRIOR et passe à la vitesse supérieure,
produisant des plates originaux, sur un style bien particulier, le
Warrior Dub.
Steve Mosco est aujourd'hui une figure incontournable du reggae avec
son label JAH WARRIOR, créé en 1995.
Plus qu'à un simple producteur, c'est donc à un expert
du reggae que nous avons affaire, et c'est avec lui que nous avons
décidé de revenir sur l'histoire du reggae en Angleterre,
qui fatalement est fortement liée à l'histoire de la
communauté jamaïcaine.
Steve Mosco a toujours été passionné et partie
intégrante de ce vécu, et c'est dans ce contexte qu'il
s'est construit et a construit son Warrior Sound.
Interview exclusive avec le Soldat de JAH, STEVE MOSCO.
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Comment s'est passée l'arrivée
du reggae en Angleterre, au milieu des années 60 ? Qu'elles
étaient les relations entre les communautés jamaïcaine
et anglaise ?
Le reggae a débarqué
en Angleterre, dès son apparition en Jamaïque. En fait
les premiers immigrants sont arrivés dans les années
40, et ils ont de suite apporté avec eux, leur musique et
leur culture.
Du coup le ska et le Early reggae était déjà
là très tôt ; la communauté jamaïcaine
était déjà très importante en Angleterre,
et avide d'entendre la musique du pays, qui petit a petit s'est
propagée parmi les Anglais.
A cette époque, il n'y avait pas beaucoup de discothèques,
où les blacks étaient bienvenus ; alors les premières
danses avaient lieux dans les débits de boisson clandestins
; c'est la première méthode que les Jamaïcains
ont trouvé pour se détendre le week-end, loin des
pressions de la vie en Angleterre.
Le racisme était et reste très imprégné
en Angleterre. Aujourd'hui, il s'exprime tout de même moins
ouvertement ; mais pendant bien longtemps, c'était commun
pour un noir de faire face à la discrimination au travail,
ou pour se loger.
Dans les années 50, des émeutes raciales ont eu lieux
dans des endroits comme Nottingham, West London ; le point culminant
du racisme était atteint, quand les blacks ont été
forcés de se défendre contre les attaques des Teddy
Boys.
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Peux-tu nous parler du mouvement
Rock Against the Racism, des gens qui participaient à
ce mouvement ?
Le mouvement
Rock Against the Racism s'est développé au milieu
des années 70, dans le but de combattre les mouvements
racistes en Angleterre, et particulièrement le
front National, qui n'a jamais réellement eu ses chances
aux élections, mais qui était fortement impliqué
dans les attaques racistes, et essayait en permanence de causer
des problèmes.
C'est à cette même époque que le Punk
Rock a fait son apparition, bien avant que les Sex Pistols
ou les Clash ou n'importe qui n'aient enregistré son
premier album ; c'est sur scène qu'on pouvait voir
ces groupes, entendre cette musique, mais il n'y avait pas
de disques Punk à jouer pour les Djs, aucun groupe
n'avait fait de disque à l'époque.
Du coup, des gens comme DON LETTS, qui était
le DJ du Roxy Club, ne jouaient que du reggae, et tous
les punks s'en sont vraiment imprégnés, car
beaucoup des valeurs étaient similaires aux leurs,
principalement d'ailleurs, la protestation contre l'injustice
sociale.
C'est aussi à cette époque que Bob Marley
a fait "Punky Reggae Party", il y avait
aussi Militant Barry qui avait fait un titre à
propos des Sex Pistols, "Pistol Boy" ; Les
Clash et beaucoup d'autres groupes Punk étaient aussi
profondément influencés par le reggae, et bien
que cela n'ait jamais été réellement
développé sérieusement, il y a eu pendant
un bon moment une sorte d'alliance entre le punk et le reggae.
La première fois que j'ai vu un sound system,
c'était lors d'un concert Rock Against the Racism,
à Manchester, en 1974. Lors de ces concerts,
il y avait généralement des groupes comme
Buzzcocks aux côtés de Steel Pulse,
puis un DJ reggae ou un sound system.
Je ne sais pas vraiment ce qu'il advient de ce mouvement,
s'ils ont accompli quelque chose, mais quoiqu'il en soit,
à cette époque, ça a été
pour les gens, une opportunité de montrer leur opposition
au Front National.
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Après coup, penses-tu que le Ska
et le Reggae puissent être responsables de changements qui se
sont passés dans la société anglaise, vis à
vis de la communauté jamaïcaine ?
C'est clair que le
Reggae a eu une grosse influence sur la société anglaise,
parce qu'il a ouvert les yeux de nombreuses personnes, sur la situation
des noirs, tant du point de vue historique que présent.
Il a aussi été très influent au niveau de la
musique, pas seulement en Angleterre, mais dans le monde entier,
malgré qu'on ne lui ait que rarement crédité.
Sans le travail qu'a fait King Tubby, je ne pense pas que
la dance music, ou l'art de remixer en serait arrivé là
aujourd'hui. Aussi, les DJ jamaïcains faisaient 10 ans avant
la naissance du Hip Hop, ce qu'on fait les rappeurs Américains
Pour en revenir à l'époque
des premiers sounds, qui en étaient les premiers acteurs
? Lesquels t'ont le plus influencés ?
Il y avait des centaines
de sounds en Angleterre, et quand on parle de sound System ici,
on ne parle pas de quelques gars avec une collection de disques
; je te parle de matériel énorme, de montagnes
d'enceintes, d'amplis, et de caisses de dubplates.
Pendant toutes les années 70, pas mal de Sound tournaient
en Angleterre ; des sounds comme Sir Coxsone, Fatman, Sufferer,
Quaker City, Frontline International, MOA Ambassa,
Soferno B, Jah Tubbys.... Mais celui qui a eu le plus
d'influence sur moi, c'est Jah Shaka.
A son apogée Jah Shaka était le premier Sound Roots
du monde, et croit moi ! C'était un phénomène
à tout niveau, il laissait une énorme impression à
chaque fois qu'il jouait, et personne ne pouvait se maintenir à
sa hauteur.
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Avant
de créer ton label Jah Warrior, tu faisais parti d'un Sound
System ?
Yes Jah Warrior était
un Sound et c'est bien de là que vient le nom du label. En
fait c'est moi et 2 amis qui l'avons créé en 1984,
j'étais le sélecteur, mais notre sound ne s'appelait
pas encore Jah Warrior ; c'est en 1987 que nous avons adopté
ce nom, et que nous avons commencé à tourner dans
toute l'Angleterre, jusqu'a ce que j'arrête et que je le cède
en 1999, parce que j'étais vraiment trop occupé par
le label, et je ne pouvais pas mener à bien le sound.
Est-ce
que tu as aussi joué à l'étranger avec ce sound
?
J'ai joué en France, en Allemagne, en Irlande, aux USA.
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Les
Etats Unis ! Ça a sûrement été l'endroit
le plus étrange où je sois allé ! je ne pense
pas s'ils savaient vraiment ce qu'était le Dub ! et puis, il
y avait des gars qui faisaient du breakdance... !
Quelles influences ont pu te laisser des
producteurs anglais comme Jah Shaka, Mad Professor, Adrian Sherwood
?
Les gens qui ont
vraiment eu de l'influence sur moi était des Jamaïcains,
pas seulement des producteurs, mais aussi des musiciens ; les gens
qui créaient un son distinct des autres, comme Augustus
Pablo, King Tubbys, Scientist, Lee Perry durant
sa période Black Ark, Yabby You...
Aussi, comme je l'ai déjà dis, Jah Shaka a eu une
grosse influence sur moi, mais je parle de la musique qu'il jouait
dans son sound system et de la façon dont il concevait ses
sons, mais pas tant que ça ses productions. Je n'ai jamais
été trop non plus dans les trucs d'Adrian Sherwood,
c'était un peu trop ambigu pour moi.
J'aime aussi beaucoup les influences Jazz, qui sont nombreuses dans
le reggae. " Beware Dub " de Yabby You est un album
très jazzy, et c'est un de mes albums Dub préférés
depuis toujours.
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Jah Shaka
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Comment
se sont passées tes premières rencontres avec
des artistes jamaïcains ?
Les premiers
artistes avec qui j'ai travaillé, ont été
Naph-Tali, Tena Stelin, Culture Freeman...
ils sont tous originaires de Jamaïque ou d'îles
voisines, mais la plupart son nés ici.
Le premier artiste jamaïcain que j'ai rencontré
et avec qui j'ai travaillé, a été Peter
Broggs. Il était en Angleterre, et son manager
est entré en contact avec moi, pour voir si on, pouvais
faire quelque chose ensemble. Il faisait un show à
Londres avec Prince Alla, que j'ai alors aussi pu rencontrer,
et à partir de là, les choses sont parties,
tu rencontres un artiste, puis il t'en présente à
d'autres...
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Quand as-tu commencé à
produire ?
C'était
à la fin des années 80, c'était les Dubplates
pour mon sound System. Certains d'entre eux, sont sortis sur
un album appelé Warrior Dub de Zulu Warrior,
il y a aussi eu un single de Naph-Tali qui s'appelait
"2000 style", ça avait été
produit sur un label appelé Mr Modo, mais je
n'étais pas vraiment content du résultat de
ces travaux, ou du moins ce que le label en a fait ; alors
j'ai fait un break par rapport à la distribution de
ma musique jusqu'en 1995, date à laquelle j'ai commencé
mon label JAH WARRIOR.
Peux-tu
nous expliquer comment tu travailles ? Comment tu choisis
les artistes, les riddims... ?
Habituellement
je ne cherche pas des artistes en particulier, ça dépend
plutôt de qui est à London, au moment ou j'en
ai besoin, et de si on arrive à s'entendre. Bien sur,
il y a certains artistes avec qui j'adorerais travailler,
et d'autres qui ne me disent rien du tout.
Je n'ai pas non plus fait beaucoup de remix, quelques trucs,
dont un sur " Show Me a Purpose " d'Alpha
& Omega, et en ce moment je travaille sur un petit
projet de remix avec Vibronics, mais ça ne représente
pas une grande part de ce que je fais.
On a repris pas mal de riddims classiques, mais la plupart
des compositions de Jah Warrior sont de moi, j'écris
toutes les partitions, même si je ne joue pas l'instrument.
Par exemple, j'ai l'habitude de dire aux trompettistes ce
que je veux qu'ils me jouent.
Qu'est ce que t'ont apporté
toutes ces collaborations avec tous ces artistes ?
Une des choses
que j'aime vraiment dans ce que je fais aujourd'hui, c'est
de pouvoir travailler avec des artistes classiques qui
ont pu m'influencer, comme Prince Alla ou Rod Taylor,
et de les faire poser sur notre style de riddim. Beaucoup
de ces artistes ne sont pas sortis de Jamaïque depuis
un moment, et ne savent pas vraiment ce qui se fait du côté
de Londres en terme de productions musicales ; et ils aiment
vraiment notre son quand ils l'entendent, parce que ça
leur rappelle une vibes qu'il y a eu en Jamaïque il y
a quelques années.
Quand Peter Broggs est venu ici, il disait qu'il se croyait
revenu à Channel One ; Prince Alla disait que l'album
Glory est le meilleur qu'il ait enregistré depuis l'époque
Freedom Sound ; je ne pourrais jamais demander rien de
plus que cela !
Est-ce
qu'il y a certains artistes avec qui tu aimerais travailler
?
J'aimerais beaucoup
travailler avec certains des nouveaux artistes Roots ; des
gens comme Luciano, Anthony B, Capleton
... afin de montrer aux gens qui aiment ces artistes qu'on
peut faire du wicked Roots moderne en Angleterre aussi
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Comment
s'est passée la production de ton dernier album, Showcase
Volume2 ?
Ce n'était
pas vraiment prévu de travailler avec tous ces artistes,
sur un seul album, c'est le temps qui a fait les choses.
Après l'enregistrement de Glory, j'avais volontairement
gardé un titre de Prince Alla pour cet album.
La plupart des autres artistes sont venus lors d'une session
que j'ai produite en France pour Patate Records. Patate
voulait qu'on enregistre plein d'artistes sur notre version
du Cuss Cuss (Can't Take the Pressure,
Hughie Izachaar), puis on a profité du studio
que je leur avait arrangé pour faire des enregistrement
supplémentaires avec les artistes, c'est comme ça
qu'est né cet album.
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Concernant la partie créative
de ton travail, peux-tu nous décrire sa spécificité
?
Jah Warrior est
un mélange d'ancien et de neuf, de traditionnel et
de moderne. Je suis énormément influencé
par les classiques Roots de la fin des années 70, mais
je ne veux pas me contenter de les copier, parce que j'aime
aussi utiliser des sonorités modernes, comme la basse
techno, la batterie digitale ... Au final, on arrange tout
ça avec des vrais trompettes, des percutions, et pas
mal d'autres instruments, pour créer un son qui à
mon avis est distinct et original.
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On parle pas mal d'une renaissance de la scène
electro-Dub, qu'est ce que tu penses de ça ?
Peut-on parler de renaissance ?
Je ne pense pas
que le Dub digital ait un jour disparu, depuis qu'il a démarré.
Tu as la première vague d'artistes Digital Dub, comme
les Disciples, Zion Train, Bush Chemist,
Alpha & Omega ... ils étaient tous là
au début, et étaient vraiment très bons.
Ce qui s'est en fait passé, c'est que cette musique
est rapidement devenue très populaire à Londres,
du coup, un tas de gens qui n'avaient rien à voir avec
ça, se sont mis à jumper là-dessus, ce
qui a sûrement contribué à rabaisser la
qualité de certaines productions. Mais à présent,
je vois venir une nouvelle vague d'artistes Dub, et certains
sont vraiment excellents, très proches de ce qu'on
entendait au début.
Maintenant, la plupart des gens qui sont dans ce mouvement,
écoutent cette musique depuis un moment et la connaissent
bien, je leur donne mon respect.
As-tu
un message pour les visiteurs de Jahmusik.net...
Regarder bien
ce qui se passe pour Jah Warrior cette année, parce
qu'on est le futur de la roots music en Angleterre.
De nouveaux albums vont sortir : Rod Taylor, Prince Alla,
U Brown, Alton Ellis, et aussi un wicked travail avec
Jah Mason.
Santé, Force et bénédiction à
chacun d'entre vous !
STEVE
MOSCO - JAH Warrior / Jahmusik.net - Rubenxela - Juman
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