Israël
Vibration est un groupe de reggae roots mythique originaire
de Jamaïque. Ses trois membres originaux, Wiss,
Skelly et Apple sont tous trois atteints
de poliomyélite, une maladie qui ronge le système
nerveux et provoque des paralysies irréversibles.
Ironie du sort, les trois membres du groupe ne se serait
sans doute jamais rencontré sans l'existence de
cette maladie qui les fit tous trois atterrir dans le
même centre de réhabilitation. L'image de
ces trois paralytiques chantant et dansant perchés
sur leur béquilles
force
le respect tout comme leur impressionnant palmarès
discographique.
Déjà séparés une première
fois en 1983 puis reformé, le trio ne compte
désormais plus que deux membres depuis le départ
d'Apple en 1996 vers une carrière solo.
L'an dernier, à l'occasion de la sortie de leur
nouvel album "Fighting Soldiers" (Nocturne/Virgin)
ils étaient de passage à Paris pour un
concert à guichets fermés. Rencontre
avec Wiss alias Lascelles Bulgin...
Parles
nous des débuts d'Israel Vibration...
J'avais deux ans lorsque ma maladie s'est déclarée.
Je suis ensuite entré au Mona Rehabilitation
Center où j'ai fait la connaissance de Skelly
et Apple également atteints de polio.
Tous deux ont quitté le centre avant moi, j'ai
continué mes études et obtenu un diplôme
de couturier avant de les rejoindre.
Je retourne toujours là-bas car pour moi c'est
comme ma deuxième maison. C'est grâce à
l'existence de ce centre si je suis ici aujourd'hui...
Au sein des 12 Tribus (Ndlr : Organisation rasta
basée en Jamaïque) nous chantions souvent
entre nous pour le plaisir sans penser à faire
carrière, les autres membres nous encourageaient
à persévérer. Notre premier single
est sorti sur le label "Orthodox" des 12 Tribus
d'Israël en 1976 et c'est leur propre band
qui s'occupait de la rythmique sur "Why Worry".
L'enregistrement s'est fait chez Treasure Isle
mais cela n'avait rien à voir avec le label de
Duke Reid nous avions juste loué le studio. C'est
Hugh Boot, un membre de l'organisation, qui a payé
pour la session et Skelly était l'auteur de la
chanson. C'est ce même homme qui nous a emmené
chez Cowan plus tard pour faire l'album "Same
Song". Mais ce n'était pas notre première
expérience en studio... Nous avions déjà
auditionné pour Channel One auparavant et lorsque
nous avions réécouté ces enregistrements
sur les enceintes du studio tout le monde était
emballé mais le boss du label ne voulait pas
de nous... Après plusieurs tentatives nous avons
fait effacer les bandes et ils n'ont gardé que
les rythmiques... Le nom Israël Viration date
d'avant notre entrée dans l'organisation,
c'est un nom inspiré par la lecture de la Bible...
Lorsque Bob a sorti Rastaman Vibration nous avions déjà
notre nom depuis un moment...
Parlons
du nouvel album "Fighting Soldiers"...
J'adore ce nouvel album, on a
l'a terminé juste avant de partir en tournée...
Skelly et moi nous vivons à New York mais
c'est à Washington au studio Lion & Fox que
nous sommes allés enregistrer pour trois jours,
nous avons fini les derniers morceaux chez Phillip
Smart (Ndlr : Ex-apprenti de King Tubby's) à
Long Island. Skelly et moi avons écrit les textes
chacun de notre côté puis, comme nous sommes
tous deux lead vocal à tour de rôle, on
a retravaillé ça ensemble. De nos jours,
tu as plus de technologie dans la musique mais nous
préférons enregistrer en acoustique avec
nos musiciens habituels dont la formation varie au gré
du temps. Cette fois ci nous avons Flabba Holt
à la basse, Sly Dunbar à la batterie
et Junior Murvin à la guitare qui font
du très bon travail, comme tous ces gens tournent
beaucoup ce n'est pas
toujours évident de les rassembler en studio.
Auparavant on aurait enregistré, réécouté
et modifié le tout mais de nos jours tout va
beaucoup plus vite, il faut parfois faire les harmonies
dés la première écoute
mais
le résultat ne décevra
pas nos fans. Cet album apporte un nouveau feeling au groupe
tout en respectant le style qui est celui d'Israël Vibration...
Vous
travaillez avec beaucoup de musiciens mais on voit peu
d'artistes invités sur vos albums...
Je n'ai rien contre les featurings d'autres artistes,
nous en avons d'ailleurs fait avec Brigadier Jerry...
Le problème c'est que beaucoup d'artistes ne
collent pas avec notre philosophie musicale... Si un
artiste est conscient et transmet un message positif
il n'y a pas de problème pour qu'il travaille
avec nous... Il n'y pas que le reggae, si tu fais un
rap ou un morceau de funk avec des paroles qui élèvent
les consciences pour moi c'est OK ! J'écoute
tous styles de musiques, le message prime sur la forme
yunno ! En Jamaïque, il y a trop de gens
qui se lancent dans cette musique par simple intérêt
économique...
Comme
Tommy Cowan, votre premier producteur ? Right (rires) ! C'est lui qui a sorti nos trois
premiers albums sur Top Ranking en 1978 mais
il ne nous a jamais reversé d'argent et cela
aurait pu être la fin d'Israël Vibration.
A l'époque le seul avantage pour nous c'était
de se faire un nom pour pouvoir ensuite travailler avec
une major. Le groupe a bien failli sombrer pendant cette
période car c'était très dur financièrement
pour nous tous. Apple a quitté le groupe en1983, il voulait faire une carrière solo,
nous avons respecté ce souhait et chacun a fait
son chemin avant que nos routes se croisent à
nouveau. C'est arrivé lorsque Apple est allé
voir Doctor Dread de Ras Records en 1988, il
voulait travailler en solo mais le Doc lui a dit qu'il
voulait avoir le groupe complet ou rien...et Israël
c'est reformé ! En 96, Apple à
de nouveau quitté le groupe et depuis il enregistre
et tourne en solo sous le nom de Apple Gabriel...
Tu
as toi aussi enregistré en solo l'album "Mr
Sunshine" pour Jah Life... No man ! Ce n'est pas Jah Life qui a produit
cet album ! Nous sommes parti aux USA en 1983 et le
groupe s'est séparé. Un bon ami à
moi m'encourageait à continuer dans la musique
mais je n'avais pas de quoi payer la production d'un
album, il m'a alors présenté à
son père qui est un riche banquier... Ce dernier
s'est dit intéressé par un album solo
et m'a donné l'argent dont j'avais besoin: nous
sommes allés chez Wackies (Ndr : Lloyd
Barnes du label BullWackies à New York) et on
a posé trois morceaux dans la première
nuit puis les six autres chez Phillip Smart...
L'album n'était pas totalement fini mais il est
sorti et il s'est bien vendu de suite...
Comme le père de mon ami ne pouvait gérer
les ventes lui-même, il m'a fait part de son intention
de le donner en distribution à un label... Il
s'agissait en fait de Jah Life ! Par la suite, Jah Life
a toujours refusé d'établir les relevés
de ventes et de me payer mes royalties en bonne et due
forme alors qu'il n'a rien fait sur cet album !
Seul
Percy, le partenaire de Jah Life, s'est comporté correctement
avec moi pour le reste je n'ai plus de nouvelles de Jah Life depuis
un bon moment... Toutes ces expériences m'ont appris qu'il
faut tout faire dans les règles et avec des contrats... D'ailleurs,
depuis deux albums c'est Israël Vibration qui dirige la production.
Nous voulions le faire depuis longtemps et nous en sommes très
satisfait. Ecoutez bien cet album et son message positif... One
love everytime, Rastafari liveth Itinually !