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Depuis toujours, l'histoire de la Jamaïque s'est en partie construite autour de la gloire apportée à ses enfants ; et traditionnellement, le peuple n'hésite pas à ériger au rang de roi, prince ou star certains d'entre eux.
Aussi quand on connaît l'influence de la musique sur la culture jamaïcaine, on comprend facilement que ce soit dans ce domaine que le plus d'enfants rois aient été acclamés.
Ca a été le cas pour Marcia Griffith, Millie Small, Dennis Brown, Beenie Man .... et il serait impossible de tous les citer, car la plupart des chanteurs et musiciens de l'île ont commencé très tôt, à des âges ou en France il est encore bien rare de voir des enfants chanter autres
HUGH MUNDELL

choses que des chansons pour enfants.
HUGH MUNDELL est également l'un d'entre eux ! Et certainement pas des moindres.

En 1968, quand le reggae fait son apparition en Jamaïque, le jeune Hugh n'a encore que 6 ans et est encore trop jeune pour se rendre compte de ce qui se passe autour de lui, de cette émulsion créative qui est entrain de naître, tant artistiquement, que socialement. Cependant, aussi jeune qu'il était, il commence déjà à s'imprégner de ce qui l'entoure et de ce qui sera quelques années plus tard, sa vocation, sa voie, sa foi.

Si l'année 1968 est celle de l'avènement du reggae, elle est également une année de forts changements sociaux, comme dans de nombreux endroits du monde.
La particularité de la Jamaïque, c'est le rastafarisme !
Les rastas, persécutés depuis les années 30, se sont petit à petit fait une place et des sympathies au sein de la société jamaïcaine. Leur message est fort et de plus en plus de jeunes des classes moyennes se sentent attirés par cette voie authentique qui glorifie leurs ancêtres, l'Afrique et Sa Majesté Haile Selassie I, venu leur rendre visite deux ans auparavant. C'est " l'affaire Rodney " qui déclencha un réel mouvement de soutien aux idées rastafariennes, on nommera par la suite ce mouvement : les " émeutes Rodney " (Rodney riots) ou encore " la révolution d'octobre ".

Africa must be free in 1983 - HUGH MUNDELL - label Message 1978

Walter Rodney était guyanais et professeur d'histoire à l'université de Kingston, " mais sa critique acerbe de la société jamaïcaine, sa capacité à formuler, en termes politiques clairs, ses pensées ainsi que son habitude de passer une grande partie de son temps à débattre avec les rastas dans le ghetto, en faisait un dangereux ennemi du gouvernement jamaïcain qui ne songeait qu'à s'en débarrasser. ". Le gouvernement, voulant désamorcer une " révolution ", profita d'un de ses voyages au Canada pour lui interdire de rentrer en Jamaïque ; ce qui précipita le pays dans une période de troubles bien plus graves que ceux qui l'avaient secoué auparavant. La violence d'octobre 1968 fut essentiellement dirigée vers les biens matériels et n'était pas le seul fait des rastas (étudiants, rudeboys, intellectuels) qui pourtant contribuèrent au regroupement de toutes les classes sociales ayant participé au mouvement, autour du journal Abeng par lequel toute une réflexion sur la question du pouvoir noir se formula. Rasta pouvait alors sortir du Ghetto.

L'autre fait important qui révolutionna le mouvement à l'époque, c'est la création de la confrérie rasta des 12 tribus d'Israël par Vernon Carrington (prophet Gad). Ce dernier part du principe que le même rôle n'est pas attribué à chaque individu ; selon sa date de naissance on appartient à l'une ou l'autre des douze tribus de la Bible, celles dont Jacob détermine les rôles respectifs en mourant. C'est une révolution ! Rasta revolution !
Il ouvre ainsi le mouvement à des individus traditionnellement rejetés ou tenus à l'écart, tels les métis, les femmes, les blancs, les enfants de bourgeois…. Comme le jeune Hugh.

HUGH MUNDELL est né le 14 juin 1962 à East Kingston dans un quartier résidentiel réservé aux classes moyennes, dont il fait partie. En effet, le père de HUGH est un avocat célèbre en Jamaïque : Alvin Mundell. A cause de la profession de son père, il est amené à déménager de nombreuses fois durant son enfance. De East Kingston à Queen's Avenue, puis à King's Avenue, à Washington boulevard, pour enfin se poser dans le quartier de Redhills.
C'est là qu'il commence à s'intéresser à la musique et à écrire des chansons sur les bancs de l'école Ardenne. Il a alors 12 ans.
Il faut dire que le quartier s'y prête bien ; car y vivent de nombreux producteurs et même certains artistes. Et le voisin de Hugh n'est autre que le producteur Boris Gardner chez qui il se plait à écouter le reggae et à observer les artistes passer.
Puis, HUGH a aussi sa bande de copains, tous du quartier comme lui et passionnés de Roots Rock Reggae. Il y a tout d'abord Wayne Wade, son voisin de pallier, et qui était dans la classe de sa sœur Joanna. Il y a aussi Earl 16, qui lui venait des ghettos mais travaillait avec Gardner ; et également Winston McAnuff, installé dans le quartier chez sa sœur institutrice depuis 1971.

Tous les 4 ont entre 12 et 15 ans et rêvent déjà d'un destin comme Bob Marley, Ken Boothe ou Alton Ellis. Nous sommes en 1974, pour eux il y a le reggae et Rasta, c'est tout ! L'école de Babylone est déjà mise de côté !
C'est donc à cette époque, chez Boris Gardner qu'ils s'initient au reggae et à Rastafari. C'est le dénommé Jah Wolf, voisin de quartier et membre des 12 tribes, qui leurs enseigna les préceptes de Vernon Carrington et les fît intégrer leur 1er sound System JAH LOVE SOUND. Lors d'une séance de reasoning, HUGH MUNDELL découvre qu'il fait partie de la tribu de LEVI et il ne l'oubliera jamais, prenant réellement à cœur son rôle de prêcheur et adoptant le nom de JAH LEVI ; nom qu'il gardera pour tous les morceaux dans lesquels il chante en DJ style.


Wayne Wade est le premier de la bande à passer en studio
, chez le producteur Vivian "Yabby You" Jackson.
Blessed Child - un enfant jamaïcain
Alléchés, Earl 16, Hugh et Winston sont absolument déterminés à faire de même et passent leurs journées à écumer les labels dans l'espoir de décrocher un contrat. L'année 1975 commence.
Puis un jour, à force de persévérance, McAnuff décroche une audition chez Joe Gibbs. Le jour prévu, il était au rendez-vous, mais pas seul, avec tout son crew : Earl 16, Frankie Wall et Hugh Mundell, tous décidés à passer derrière le micro. Le comble c'est que tous passèrent, sauf Winston McAnuff dont l'ingénieur Errol T n'aimait finalement pas la voix, cédant sa place et sa chanson (Malcom X) à Earl 16. De son côté HUGH pose sa première chanson : "Where is Natty Dread", un titre énigmatique qui ne sera jamais pressé par Joe Gibbs.
C'est d'ailleurs peut être ce qui entraîna la rencontre de l'adolescent et de Augustus Pablo, qui un jour, le défendit lors d'une embrouille chez Gibbs entre Hugh et un musicien.
Hugh Mundell était comme ça ! Il faisait les choses avec le plus profond de son cœur et sa foi rastafarienne ne faisait que lui donner des ailes.
Persévérant, il continue alors à visiter les studios, espérant pouvoir un jour décrocher un vrai contrat dans un des lieux phares du moment. Un de ses préférés, n'est autre que le studio AQUARIUS, où enregistre souvent AUGUSTUS PABLO. Mais le propriétaire Herman Chin Loy ne supporte pas de voir ces hordes de gamins traîner dans les rues plutôt que d'aller à l'école, ce qui valu à Hugh plus d'un sermon et pas une seule opportunité de passer derrière le micro.
 
Short MAn - HUGH MUNDELL
 
 
Mais le jeune HUGH MUNDELL sait y faire ! Il rôde toujours dans les parages et tâche toujours de se faire remarquer par ceux avec qui il aimerait travailler. Après deux entrevues (chez Gibbs, puis à Aquarius) et se rendant compte de la détermination du jeune rasta de 13 ans, AUGUSTUS PABLO décide d'aller à sa rencontre et de lui donner sa chance en lui accordant une audition.
Impressionné par la voix et les lyrics conscious du jeune rasta, AUGUSTUS le fait répéter toute la journée et décide de le prendre sous son aile. C'est à ce moment que Hugh arrête définitivement l'école et entre officiellement dans le Rockers Sound System sous le nom de JAH LEVI, il a 13 ans.
Les jours qui suivirent cette audition, Augustus Pablo ne cessa pas un instant de penser à la vibration que dégageait ce youth et il décide alors de le faire enregistrer au plus vite.
C'est au Black Ark studio de LEE PERRY qu'Augustus l'amène alors pour enregistrer son premier titre "Let's all Unite" et la même semaine ils se rendent à Channel One pour poser 4 autres morceaux : "Don't Stay Away", "My Mind", "Lonely Man", et "Africa must be free" qui sont sortis en 45 Tr entre 1975 et 1977.

"Après "Let's all unite" on est allé enregistrer "Africa must be free" à Channel One. J'avais ce riddim avec moi, je l'avais créé comme instrumental mais je ne savais vraiment pas ce que j'allais en faire. Il l'a entendu et m'a dit : "Yea, ça va aller avec mon lyrics, c'est parti !" Pour moi c'était son hit pour le monde. Même s'il n'a pas été numéro un en Jamaïque, il l'a été dans le monde ..."
(interview Augustus Pablo par lol Bell Brown et The Rootsman).


AUGUSTUS PABLO Entre 1975 et 1977, sous la tutelle de Pablo, HUGH MUNDELL travaille dans les plus grands studios et avec les meilleurs musiciens de l'époque et en 1978 il sort son premier album : AFRICA MUST BE FREE IN 1983 sur le label Message.
Durant toute l'année 78 Hugh continue à travailler avec son mentor et enregistre quelques titres qui valent le détour dont : "That Little Short Man", "Feeling Alright", "Jah Says The Time Has Come", " Short Man", "One Jah One Aim And Destiny" , "Great Tribulation" et aussi de nombreux autres en DJ style sous le nom de JAH LEVI dont "False Rumour", "Zion a fi Lion", "Let Jah be Praise" ... A 16 ans HUGH MUNDELL est une figure incontournable de la scène reggae jamaïcaine et sa popularité s'étend jusqu'en Europe, aux Etats Unis ou en Afrique où il est un héros.

En cette fin de décennie 70, c'est la crise économique dans le pays. La Jamaïque est indépendante mais a bien du mal à prendre son envol politiquement, économiquement et socialement. Les producteurs commencent alors à être de plus en plus frileux et n'osent plus ce qu'ils osaient quelques années auparavant. La réaction des artistes est alors de se lancer dans la production et de faire pression.
Ainsi en 1979, quelques années après Junior Delgado, Dennis Brown et de nombreux autres, HUGH MUNDELL créé son propre label MUNI-MUSIK et sa version anglaise MUNROCK.
A 17 ans, il décide donc de se lancer dans la production et sort des tunes comme "Stop 'em Jah" ou "Blackman's foundation" (sortis sur Rockers). Mais s'il a comme objectif de produire ses propres titres, il souhaite aussi être en mesure de lancer des artistes. Le premier sera alors Little JUNIOR REID avec le morceau "Speak the truth".
Lors de cette année 79, il va aussi auto-produire son deuxième album : TIME & PLACE, financé par des avances touchées de l'Angleterre et par une aide de son père.
Blackman's foundation - HUGH MUNDELL
 
Time and Place - Hugh Mundell - (labels Muni Music (Jam.) ; Munrock (UK) ; Jetstar : 2000)
Time and Place - Hugh Mundell - (labels Muni Music (Jam.) ; Munrock (UK) ; Jetstar : 2000)
Jah Fire Will Burning - Hugh Mundell - Prod Prince Jammy - (labels Live & Love ; Arrawak) -  Réédité en 2002 avec 3 dubs bonus de Augustus Pablo
MUNDELL - Hugh Mundell - (label Greensleeves) - réédité par Volcano ARISE - Hugh Mundell

Durant la même époque une nouvelle vibe commence à arriver sur Kingston et le Rockers commence petit à petit à céder la place. Se sont les prémices de la Dancehall qui font leur apparition, initiés par Don Maïs, puis Junjo, Jammy's, Sugar Minott ...
En 1980 HUGH aime le son de ces nouveaux producteurs et c'est vers Prince JAMMY qu'il se tourne alors pour s'y risquer.
De cette collaboration sortira un album exceptionnel devenu assez difficile à trouver : "JAH FIRE WILL BURNING". Produit par Jammy, il n'est pas entièrement attribué à HUGH MUNDELL, curieusement, la deuxième face a été chantée par LASLEY CASTELL qui possède une voix quasiment identique, c'est à s'y méprendre !

L'année 1981 est vécue comme une consécration par HUGH MUNDELL, il part pour une tournée mondiale et passera même à Paris le 18 octobre. Il profitera de ce tour pour rallumer les vibes de milliers de fans endeuillés par la mort de Bob Marley la même année.

Lors de ses passages en Angleterre HUGH a pris l'habitude de passer chez FATMAN, une figure incontournable du reggae outre manche et c'est là bas qu'il rencontre le producteur du moment HENRY JUNJO LAWES, devenu incontournable avec ses labels Arrival et Volcano depuis les sorties de Barrington Levi, Yellowman, Eek a Mouse ... Les 2 hommes s'apprécient mutuellement et décident de se donner rendez-vous en studio.
C'est à Channel One, avec les ROOTS RADICS que tout se passe. C'est le son dancehall et le Rub a Dub qui sont en vogue et une fois de plus HUGH MUNDELL fait le bon choix en se tournant vers JUNJO pour une collaboration qui donnera l'album : MUNDELL, sorti chez GREENSLEEVES en 1982 et réédité plus tard par Volcano. Ce disque est considéré par certains amateurs comme le meilleur de l'artiste.


1983, l'année de son 21ème anniversaire et de la prophétie de la libération de l'Afrique commence bien pour HUGH MUNDELL qui sort en compagnie de son mentor Augustus Pablo : BLACKMAN'S FOUNDATION sur le label Sanashie ; album qui compile les chansons produites sur son label Muni-Musik les années précédentes.
HUGH est plein de projets et il prépare un nouvel album, qu'il ne finira pourtant pas et qui deviendra quelques années plus tard l'album ARISE, une fois remixé par DENNIS BOVELL en 1988.
HUGH MUNDELL ne dépassera pas cette année 1983, emporté par les foudres de la violence des rues jamaïcaines. Une fois de plus, il s'agit d'un assassinat, et une fois de plus des tas de rumeurs gravitent autour de ce meurtre. De nombreuses personnes savent bien ce qui s'est passé ce jour là, particulièrement Junior Reid qui était à ses côtés lorsqu'il prit une balle dans la nuque. Certaines sources racontent qu'après s'être fait cambrioler, HUGH s'est rendu chez le cambrioleur pour se faire justice, mais le frère du gars l'aurait abattu. D'autres sources, qui reviennent plus souvent, supposent que Mundell avait vendu un réfrigérateur défectueux à un type de son quartier, qui enragé lui mis une balle dans la nuque pour se venger.
Quoiqu'il en soit HUGH MUNDELL ne passa pas sa 21ème année et laissa 3 enfants derrière lui !
En 10 ans de carrière à peine il a été un acteur phare d'une des plus belles pages de l'histoire du reggae.
En tant que membre de la tribu de LEVI, il n'a jamais cessé de prêcher en faveur de Rastafari, de la conscience africaine et s'est parfaitement conforté à son rôle de prêtre rasta.

Aujourd'hui encore, sa voix et son style restent inégalés. Ses complaintes resteront à jamais gravées dans les esprits de tous les amateurs de reggae et de tous les rastas ; ses messages universels ne se tariront jamais. Dans une interview donnée au défunt site soundicate.com Junior Delgado qui l'a bien connu affirmait que HUGH MUNDELL était un chanteur béni, un enfant béni". HUGH MUNDELL THE BLESSED YOUTH.


Rubenxela avril 2003

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