Né
en 1964,
BETA SIMON ou
YOH BAILLY SIMON
à l’état civil est
un artiste musicien ivoirien qui ne cesse de faire l’unanimité
autour de lui tant par la justesse de sa voix que l’ingéniosité
par laquelle il compose ses chansons.
Dès l’age de 6 à 7 ans, BETA se distingue
par sa haute culture des proverbes et des contes Bété.
Ce qui le conduit naturellement dans le cercle des vieillards,
maîtres de la tradition orale. Son aisance à déchiffrer
les énigmes et les devinettes de ses maîtres de
la parole, son aptitude à en confondre plus d’un
par le caractère obscure de ses énigmes lui valurent
le nom de «Guehie Zappa» ou «Guehie
Gnadou» : L’enfant prodige. |
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©
Alain MArie 2003 |
En
1982, une fois ses étude de mécanique
générale terminées, BETA est frappé
par ce qu’il appelle lui-même la grande illumination,
à travers l’inspiration musicale. C'est vers
le chant qu'il se dirige alors et qu'il compte trouver
son équilibre en se rendant utile et en éduquant
l'esprit de ses frères. Maître des mots,
BETA se rend vite compte que la langue Bété
(langue de la Côte d'Ivoire) se pervertit au contact
des langues occidentales. Truffée de mots d’emprunts,
il est aujourd’hui difficile d’exprimer tout
l’univers de sens Bété avec des mots
adéquats, authentiques et originaux. Aussi recommande-t-il
de revenir à la langue originelle du Bété
pour pouvoir exprimer sa culture. Cette langue, c’est
le Baïssadé (la manière
de parler de Baï). C’est la langue de la nature,
des cris d’oiseaux, du sifflement des vents, de
l’écoulement de l’eau, de l’innocence
et de la souplesse des animaux, de la rudesse des montagnes,
de toutes les images possibles.
Dès lors, BETA se sert de cette arme pour exprimer
sa philosophie, ses idées, sa foie. En quelques
années, il fait sa place enregistrant 3 albums,
qui feront sa renommé au pays.
Suite aux évènements politiques survenus
en Côte d'Ivoire ces dernières années,
c'est en France que BETA choisit de se rendre, de conquérir
un nouveau public et d'affiner sa pensée.
Installé en Bretagne depuis 2 ans maintenant, BETA
est bien loin du pays géographiquement mais toujours
présent et impliqué dans son coeur et son
esprit. Avec lui, revenons sur les évènements
qui secouent la Côte d'Ivoire et le rôle accordé
aux artistes comme lui. |
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Tu
es installé en France depuis quelques années,
peux tu faire un point sur ta carrière ?
Je m'appelle BETA. Je suis ici en France depuis quelques
années maintenant. Selon certaines personnes
j'aurais du rester au pays, ils considèrent que
c'est une perte de temps ! Mais le temps en réalité,
il n'existe pas, la vie est un présent éternel.
C'est clair que je me lance dans des voies qui peuvent
paraitrent difficiles, mais, pour moi, ce sont toujours
des sources d'inspiration.
Je suis resté sur Paris pendant 2 ans, après
quoi je me suis rendu en Bretagne,
où j'ai atterri chez un ami paysan. Je me suis
occupé de ses vaches, de ses fleurs, en bref,
je suis resté avec lui pendant un an. A présent
j'ai ma maison, mon chez moi en Bretagne et les choses
peuvent commencer à démarrer. Certes,
je suis passé par la fenêtre et pas par
la grande porte, mais mon travail donne tout de même
ses fruits. J'ai commencé à faire des
concerts, des festivals et je suis vraiment content
de l'accueil que me donnent les Bretons. D'ailleurs,
je fais d'une pierre; deux coups, parce que je suis
vraiment assoiffé de la culture bretonne. |
En
un mot je me porte très bien et je pense qu'on a pas
d'autres moyens pour notre pays qui ne va pas bien, il n'y
a que la prière, la lumière. On a besoin de
personnes qui veulent diriger, mais qui avant tout savent
se laisser diriger par la lumière divine. On n'a pas
seulement besoin d'intellectuels, mais aussi de personnes
prêtes à se laisser diriger par la force divine,
pour ensuite à leur tour diriger un peuple. |
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Tu
en viens à la Côte d'Ivoire. Penses-tu que les artistes
reggae puissent contribuer à éclairer les gouvernants,
à faire remonter les sentiments qui naissent dans le peuple
?
On s'est beaucoup servi du peuple, on a chanté au nom du peuple,
mais malheureusement, ce ne sont que des stratégies marketing.
Chanter au nom du peuple, d'accord ! Tu peux dénoncer les problèmes
de la société, mais pour ça il faut venir du
peuple, il faut le connaître.
Quand on fait du reggae, je suppose que c'est pour défendre
une cause , mais il faut y rester fidèle et rester en contact
avec le peuple, ce que beaucoup d'artistes ne font plus dès
qu'ils ont de l'argent.
Quelle est ta position concernant la
crise politique qui a lieu en Côte d'Ivoire ? Penses-tu que
les artistes reggae aient un rôle à jouer ?
Nous qui sommes musiciens, nous sommes les portes parole d'un pays.
Un artiste musicien, dès la base a son parti : le P.A, parti
artistique. Les politiciens de leur côté ont aussi des
partis, mais dès que tu t'impliques, c'est comme si tu étais
contre la main gauche parce que tu es la main droite. Peu importe,
en tant qu'artiste, on a pas réellement le droit de faire un
choix, tout ce qu'on a à dire, c'est simplement de pousser
nos frères vers la réalité du temps présent.
Réussir à leur dire d'arrêter d'être des
marionnettes.
C'est vrai qu'on a un devoir, mais pour moi ce n'est pas de choisir
un parti. Nous ne parlons pas de qui a raison ou de qui a tord, nous
sommes sur le fait que tout le monde puisse s'entendre, parce que
la terre Ivoirienne n'est quand même pas prête à
être basculée. Si aujourd'hui il y a un problème,
on doit se mettre en cause, on doit réfléchir. Dans
tous les pays africains, les représentants des occidentaux
nous ont fait ce qu'ils devaient faire ; ceux qui sont restés
au pouvoir pendant 30, 35 ans. Aujourd'hui c'est le temps de la lumière.
On doit prendre conscience que nos parents, nos grands parents ont
été des esclaves, mais nous, notre génération
devons avoir un esprit ouvert.
Contre qui nous battons nous ? Les guerres qui existent chez nous
ne sont pas des conflits ethniques, tout résulte de la menace
envers les intérêts occidentaux. La plupart des conflits
sont programmés, c'est souvent des rumeurs qui sont lancées,
tout ça das le but de prendre possession de ce qui est à
l'autre. D'où viennent les problèmes que nous avons
entre nous ? Est-ce que nous, africains, avons réellement des
problèmes ? |
Les
occidentaux, eux, savent depuis longtemps que nos terres
sont riches. Les français que je rencontre ici
me le disent aussi, toutes les matières premières
utilisées ici viennent de chez nous. Nous devons
trouver les moyens d'exploiter nous même et de
nous réapproprier nos biens qui sont convoités
par différents pays.
Pour en revenir à ce que tu me demandais, je
pense que si un artiste est rasta, ou même s'il
fait du reggae, il doit avoir avant tout le soucis de
l'unité africaine. Même si les pays et
nationalités continuent à exister, nous
devons être des africains unis. Nous qui sommes
artistes, si nous sommes vraiment décidés
à faire de la musique, si vraiment nous sommes
inspirés, dans le sens divin du terme, nous ne
devons pas courir après ces politologues rien
que pour des intérêts personnels. Même
si la fin du monde est pour demain, mieux vaut planter
un pommier aujourd'hui, disait Martin Luther King.
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Les
frères, moi tout ce que j'ai a vous dire,
c'est que je pense que c'est le temps de la lumière.
Nos parents ont été esclaves, les
blancs ont fait ce qu'ils voulaient faire, mais
comme on dit en bété : « je
ne peux pas avoir été esclave de Do
et encore être esclave du fils de Do ».
Nous devons prendre conscience que nous n'avons
pas de problèmes entre nous. Il faut accepter
d'être un agent exécuteur pour que
l'art s'exprime en nous par la lumière.
Dans tes chansons,
tu emplois souvent un langage qui t'es propre, le
Baissadé. Peux-tu nous expliquer ce que représente
ce langage ? |
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Pour
les français le Baissadé ne
représente pas grand chose, notament
parce que c'est un pays qui cherche à
faire taire toutes les langues pour en privilégier
une seule. Il cherche à réunir
tout le subconscient collectif en une seule
langue ; et c'est un peu pareil partout en
Europe, tu sais toujours quelle langue est
parlée. En Afrique le côté
linguistique est parfois minimisé,
on ne pense pas que la langue uniquement puisse
être un dénominateur commun.
La langue que j'ai inventé a un rôle,
mais c'est plutôt en Afrique qu'il s'applique,
car en France, ils ont déjà
leur langage. Nous, qui sommes soit disant
des intellectuels en Afrique, mais qui minimisons
le côté linguistique, qui ne
sommes même par fiers de parler nos
propres langues, nous devons faire quelque
chose.
Le Baissadé que je parle, c'est le
Bété, mais avec des différences
d'intonation. Certains pensent que c'est pouir
amuser la galerie. Les amis, je vous dis,
NON, j'ai un objectif. Je souhaite que cette
langue puisse nous permettre de communiquer
entre nous. Et à vrai dire, même
si ce n'est pas le Baissadé, mon soucis
est de pouvoir communiquer, par une langue
qui nous est propre. La langue c'est la culture
et c'est l'âme d'un pays. Lorsque comme
à présent nous n'avons pas de
langue commune et sommes obligé de
parler français, notre subconscient
collectif est reconverti à leur avantage.
Tout ça ma pousse à insister
sur cette inspiration que j'ai eu. Après,
je ne peux pas vous expliquer comment je l'ai
créé, comment sont les lettres
... c'est à vous, les intellectuels,
de voir ce qu'il y a dans la tête de
ce fou. |
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BETA
SIMON / MARC LENOIR pour Jahmusik.net -
novembre 2003 |
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