Beres, peux-tu nous parler d'où et de quelle manière tu as vécu quand tu étais enfant ?
Avant toute chose, je suis un gars de la campagne. Je ne suis pas né à kingston, mais dans la commune de Saint Mary, à l'est de l'île.
Autant que je m'en souvienne, j'ai toujours été un gamin joyeux et je me suis vraiment éclaté à chaque instant de mon enfance. Je ne me rendais pas compte de qui j'étais à cette époque ; je ne pouvais pas imaginer avoir quelque chose de spécial en moi, je pensais que tout le monde vivait ce que je vivais et que tous les enfants savaient chanter. Ce n'est que vers 13 ou 14 ans que je me suis rendu compte que j'étais souvent privilégié et que j'attirais un peu plus l'attention que les autres de mon âge ; c'est à cette période que je me suis dit que ma voix avait sûrement quelque chose de spécial, enfin, de différent !

Où puisais-tu ton inspiration à cette époque ?
Mes premières et plus importantes influences viennent du Rytm & Blues. Tout simplement parce qu'on entendait que ça à la radio en Jamaïque. A cette époque, il n'y avait pas vraiment de productions locales, c'était principalement de la musique américaine et anglaise.

Est-ce qu'il y a un titre qui t'a spécialement marqué ?
Oui, il y a une chanson que j'ai toujours adoré, c'était de Billy Holliday, ça faisait ... (Beres se met à chanter)
Ce sont des chansons comme ça qui m'ont inspiré, m'ont apporté du réconfort dès mon plus jeune âge.

Est-ce que tu partageais ces vibes dans ta famille ?
Non ... ma famille chantait un autre Blues (rires). Chacun avait ses propres chansons de Blues. C'était pas une époque facile, mais on a appris à se satisfaire de ce qu'on avait à chaque moment de la vie. On a appris à être heureux. Quand j'avais ... autour de 5 ans, je croyais que j'étais un enfant riche ... je ne savais pas qu'en fait nous étions pauvres . (rires)

Est-ce que ça a changé quand le ska, puis le rock steady et le reggae sont arrivés ?
Ce genre de musiques existait déjà dans l'underground, mais les radios promotionnaient exclusivement des musiques étrangères. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque la Jamaïque était encore une colonnie britannique, toutes les influences venaient de l'extérieur. Je devais donc écouter du R&B et tout un tas de contines anglaises ridicules du style « How much is that dog ... » (rires). Je ne regrète rien ,car si je regarde derrière moi, je trouve ça plutôt sympa, je prenais ça un peu pour des cours de musique.

La musique a toujours été ta principale source de vie, ta guidance !
Je n'ai jamais fait autre chose. Je ne suis pas le genre de gars à travailler dans un bureau ou une boutique, en fait je n'ai jamais travaillé ! J'ai commencé la musique quand j'étais à l'école, je ne sais faire que ça !

Le titre de ton dernier album est d'ailleurs significatif, MUSIC IS LIFE
La musique te fait pleurer, elle te fait vivre, elle te fait tomber amoureux, la musique te fait entendre des choses, la musique peut faire ce qu'aucun médecin ne pourra jamais faire, la musique peut te forcer à faire tout ce qu'elle veut. La musique est la Vie.
Pour moi, la musique est mon moyen de m'adresser aux gens, de m'adresser aux coeurs. Je ne suis pas un grand orateur mais avec ma musique je m'adresse à tout un chacun.

Au delà de la ta carrière de chanteur, de compositeur, tu es aussi producteur. Peux-tu nous parler de la nouvelle génération d'artistes ?
Il y a de nombreux artistes hyper talentueux en Jamaïque. Mais d'un côté, il faut reconnaître que les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas vraiment éduqués musicalement, comme nous l'étions dans les années 60. A cette époque, les esprit étaient finalement plus ouverts, on pouvait chanter et proposer ce

qu'on voulait. A présent avec le Dancehall c'est un peu différent ! J'aime beaucoup le beat ; les riddims dancehall sont comme contagieux, j'aime vraiment. Mais, personnellement ... je suis un gars de la vieille école (I'm an Old School Guy). J'aime la bonne vieille musique ! Celle qui fait rire, pleurer, qui rend les gens heureux, leur donne envie de dancer. Par contre je n'ai jamais aimé tous ces morceaux qui font la promotion de la violence, qui disrespectent les femmes ... je n'ai jamais fait ça et je ne pourrais vraiment jamais le faire ! Non, c'est clair, je suis un gars de la old School et je suis bien comme ça (rires).

Tu as travaillé avec des tas d'artistes et pas seulement dans le reggae music, récemment on t'a entendu avec Wycleff Jean ...
Ce sont tous mes amis. Pour moi la musique est une petite famille. Le R&B, le Hip Hop, le reggae tout ça c'est dans le même panier.

Est-ce qu'il y a des artistes avec qui tu aimerais travailler ?
Je n'ai jamais vraiment pensé à ça, parce que quand je fais une combinaison c'est rarement voir jamais programmé, ça se passe juste comme ça. C'est mon coeur qui me guide et tout ça me nourrit.

Penses-tu qu'après une quarantaine d'années, le reggae soit entrain d'accomplir une mission ?
Le reggae ne pourra jamais passer. Pour moi, il est bien plus que de la musique, c'est aussi une façon de vivre. Il peut vraiment donner des émotions et ça on en a besoin ; le reggae sera toujours là .