S'il est dans l'histoire
du reggae un studio mythique et mystique, c'est bien celui du Super
Ape, aka Lee Scratch Perry. L'homme qui aime cultiver l'équivoque
et l'ambiguïté : du Big Tree au Three dans "
Small Axe " des Wailers, évoquant le grand arbre
que sont les trois grands producteurs de l'époque, jusqu'au
nom de son studio : Black Art / Ark, l'art noir, la magie
noire, l'arche noire, référence à Noé
sauvant les représentants de chaques espèces, ou le
panier flottant sur le Nil, assurant la vie sauve à Moïse,
ou encore le coffre renfermant les tables de la loi, scellant l'alliance
entre Dieu et son peuple.
Sous la houlette de ce producteur industrieux, de nombreux rastas
enregistrent leurs lyrics inspirés de la Bible ; parmi eux,
les Congos avec des titres évocateurs comme "Solid
Foundation", "Sodom & Gomorrow", "Nicodemus",
ou "Ark of
the Covenant" (l'arche d'alliance), titre en prise directe
avec l'histoire et l'origine de la dynastie la plus ancienne,
celle du roi Salomon et de la Reine de Saba.
Qui s'intéresse au reggae et au rastafarisme ne peut ignorer
Haile Selassie I, l'empereur d'Ethiopie, désigné
par la plupart des rastas comme le messie. Son titre de couronnement
est Seigneur des seigneurs, Roi des rois, Lion conquérant
de la tribu de Juda, titres hérités d'une généalogie
remontant au roi Salomon et la Reine de Saba : Makeda.
Des liens ont jadis uni ces deux royaumes, selon la tradition
de Beta
Israël et du Kebra Nagast (Gloire des rois),
texte apocryphe du XIIIème siècle, chronique de
l'ascendance qui légitime le titre du dernier empereur
éthiopien déposé en 1974.
Le Kebra Nagast relate
la relation entre Salomon et Makeda, et le fruit de
cette union, Ménélik, premier descendant
de cette lignée Salomonéenne.
Toujours d'après le Kebra Nagast, ce fils de Salomon
retrouve son père à Jérusalem lors de
sa 20ème année.
Leur complicité nourrit la jalousie des grands du royaume,
qui font pression sur le roi, afin qu'il renvoie son fils
auprès de Makeda. Salomon se plie à leurs exigences
à condition que l'aîné de chaque famille
des manifestants accompagne Ménélik. Sans sourciller
les grands du royaume acceptent, préférant perdre
leurs fils, plutôt que l'attention du roi à son
royaume.
Vexés et sans vergogne, les fils d'Israël emportent
dans leurs bagages la relique la plus sacré de la Bible,
contenant la seule trace écrite de Dieu sur terre,
l'Arche d'Alliance.
Une fois à bonne distance du Royaume de Salomon, ils
révèlent leur forfait à Ménélik,
qui décide alors d'emporter le coffre sacré
au pays, où à l'heure actuelle, il serait entreposé
à Notre dame de Sion à Axoum,
sous la garde du prêtre Gebra Mikail.
Cette histoire véhiculée par l'histoire orale,
n'a été rédigé que 14 siècles
plus tard. Il est alors fort probable qu'elle soit fantasque
sur de nombreux points. Mais quel peut être le poids
des faits sur un mythe fondateur d'une dynastie ? Toujours
est-il que le dogme chrétien copte d'Ethiopie se fonde
sur cette histoire.
L'étymologie
du mot " copte " provient du grec Aiguptios,
qui veut dire Egyptien. Entre 40 et 49 de notre ère, l'Egypte
est convertie au christianisme par Marc ; cette Eglise développe
une identité forte et conserve un
héritage culturel de l'époque pharaonique.
Ainsi,
Marie est chez eux une déesse maternelle, au même
titre que Isis,Mout ou Nout
; ils adoptent aussi comme symbole la croix ansée
(la clef du Nil), signe hiéroglyphe de la vie et symbole
de la victoire du Christ sur la mort.
C'est en 451, lors du Concile de Calcédoine que
le schisme se fait entre l'Eglise Copte et les églises
orthodoxe et romaine. La nature du christ est controversée,
Dieu vrai et homme vrai sans division pour les uns, et absorption
de l'humanité de Jésus par sa divinité pour
les coptes. Dans un climat politique et économique déjà
difficile, les parties se scindent maintenant au niveau religieux.
Ainsi l'Eglise d'Alexandrie entraîne les coptes d'Ethiopie
dans l'hérésie monophysite. Et c'est avec la conversion
du Négus Êzânâ
que l'Ethiopie devient royaume chrétien en 331. L'ancêtre
de nos rois de France, Clovis, n'est baptisé qu'en
496, et la Nubie (actuel Soudan) est évangélisée
en 593.
La conversion du Négus entraîne une lutte fratricide
pour le pouvoir, entre les juifs et les chrétiens, pourtant
tous deux rameaux d'une même branche.
La victoire de chrétiens leur permet de récupérer
l'Arche d'Alliance et de construire leurs églises sur le
modèle du temple de Salomon. Le modèle n'est pas
architectural mais spirituel, ainsi chaque église pour
être consacrée, doit posséder dans le saint
des saints une réplique des tables de la loi, dites "
Tabot ". Sans ces reproductions des commandements de
Dieu, l'église s'apparente à un corps sans âme.
L'arche d'alliance " Tabot Zion " se trouve
à Axoum, elle ne peut être vue, et lorsqu'elle
est sortie, on la couvre d'un épais tissu.
Tous ces principes sont inspirés de l'ancien testament
qui parle tout de même un peu de cet objet mythique et mystique.
On sait que l'arche est installée à Jérusalem
vers 955 avant JC (Roi 1 : 27), ensuite
les écrits ne fournissent plus aucune information ; même
lors de la destruction du temple en 587 av JC par Nabuchodonosor
II, elle ne figure pas dans le pillage du temple (Roi
7 : 49-50).
Seules les chroniques
et les icônes éthiopiennes mentionnent l'arche. Une
fois par an d'ailleurs elle est célébrée
lors des fêtes de Timkat, commémorations du
baptême de Jésus. Les tabots sont sortis des églises
et une procession se fait parmi les fidèles, jusqu'à
la rivière ou jusqu'à un bassin symbolisant le Jourdain.
A Axoum, c'est le seul jour ou Tabotat Zion sort de la
chapelle.
Toutefois en mars 1896, lors de la bataille d'Adoua, Ménélik
arrive à vaincre les envahisseurs italiens, pourtant au
nombre de 17700 et équipés d'une artillerie lourde,
d'armes modernes, face à une armée éthiopienne
peu équipée, mal préparée, mais accompagnée
comme dans les temps anciens, de prêtres transportant la
sainte relique.
Qu'elle soit réelle ou non, son pouvoir symbolique galvanise
les troupes, et les Ethiopiens emportent la victoire en 6 heures,
c'est une des plus belles victoires africaines depuis Hannibal.
Sceptiques, ou aveuglés
par la foi, rien ne peut affirmer ou nier l'existence de l'arche,
elle est une quête comme tous les mythes, une recherche
de la connaissance et de l'illumination.
" Et
quant à l'Arche d'Alliance...
Son existence est pure merveille
Elle captive l'il, frappe l'esprit,
Laisse pantois d'admiration.
Oeuvre toute spirituelle et de compassion,
Objet céleste d'une éblouissante lumière,
Symbole de liberté et de divinité, sa place
Est au ciel et sa mission sur terre. " Kebra
Nagast
Ras
Zabulon
Bibliographie
:
· Graham Hancock, " le mystère de l'Arche
perdue " A la recherche de l'Arche d'Alliance, J'ai Lu ;
2001
· Daniel Friedmann , " Les enfants de la reine
de Saba "